Origine et histoire de la Cathédrale de Bayeux
La cathédrale Notre‑Dame de Bayeux, située dans le Calvados en Normandie, est un édifice catholique aux styles roman et gothique normand qui sert de siège au diocèse de Bayeux et Lisieux et fait partie d’un groupe épiscopal remarquablement préservé. Selon la tradition, un quartier ecclésiastique y aurait été fondé au IVe siècle par l’évêque Exupère, puis occupé par plusieurs églises dont l’une a donné la cathédrale actuelle ; les fouilles ont mis au jour des vestiges gallo‑romains et des remparts près du chevet. L’édifice carolingien a été détruit par les Vikings puis incendié à plusieurs reprises au haut Moyen Âge, ce qui a conduit à une reconstruction majeure au XIe siècle conduite sous Hugues II de Bayeux et achevée par Odon de Conteville ; la cathédrale a été dédiée en présence des autorités ecclésiastiques et ducales lors d’une cérémonie au cours de laquelle la tapisserie de Bayeux a été exposée. Parmi les éléments romans encore visibles figurent la crypte à trois vaisseaux avec chapiteaux à feuilles d’acanthe et deux chapiteaux historiés issus de la croisée du transept, ainsi que les tours du massif occidental, désormais intégrées aux adjonctions gothiques. De l’incendie de 1105 et d’autres dommages ont découlé d’importants travaux dès le XIIe siècle qui ont transformé progressivement l’édifice jusque dans les siècles suivants. Le décor des grandes arcades et des écoinçons, ainsi que certains bas‑reliefs, témoignent d’influences venues d’Angleterre et du sud de l’Angleterre médiévale.
Le chantier gothique a débuté par les bas‑côtés de la nef, puis par le chœur réédifié au début du XIIIe siècle et caractérisé par des arcs brisés très aigus, une profusion de colonnettes et un vaste triforium remplaçant les anciennes tribunes ; la reprise des parties hautes de la nef a introduit en Normandie des solutions du style rayonnant. Le transept a été remanié et reçoit de nouvelles charpentes ; la façade occidentale et la tour centrale ont été couronnées et remaniées à l’époque gothique, la tour centrale ayant connu des travaux et restaurations successifs. La cathédrale conserve également des espaces remarquables tels que la salle du chapitre avec son pavage en labyrinthe et la salle du Trésor qui abrite un mobilier précieux — coffret d’ivoire, chasuble attribuée à saint Regnobert, armoire reliquaire et siège épiscopal — accessibles sous conditions.
Au cours des guerres de Religion la cathédrale a été mise à sac et de nombreuses statues, stalles, orgues et reliques du trésor ont été détruites. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, des aménagements liturgiques et un couronnement classique de la tour centrale ont modifié l’aspect de l’édifice ; pendant la Révolution la cathédrale a subi de nouveaux pillages et a été transformée en temple de la Raison. D’importants travaux de restauration ont été entrepris au XIXe siècle, avec des interventions de Viollet‑le‑Duc et des opérations de reprise en sous‑œuvre menées par Flachat et les architectes Henri de Dion et Louis Lasvignes, puis des aménagements néogothiques réalisés par Gabriel Crétin. Après le concile Vatican II un aménagement provisoire a été installé à la croisée du transept ; un aménagement définitif, financé par le diocèse et réalisé en 2019 par l’architecte du patrimoine Cyril Boucaud, a rehaussé le sol et intégré un autel, un ambon et une cathèdre en pierre de Caen décorés par des artisans contemporains. La DRAC de Normandie, avec le soutien de la commande publique, a lancé une création de vitraux contemporains du transept confiée à Véronique Joumard et à l’atelier Franz Mayer, installation en cours entre 2019 et 2025 et couvrant une surface importante de verrières réalisées à partir de prismes et de verres dichroïques.
Construite en pierre de Creully d’âge bathonien, la cathédrale a vu l’emploi de pierre de Caen pour les restaurations modernes afin d’obtenir une surface d’aspect lisse. La façade occidentale est encadrée par deux tours romanes surmontées de flèches gothiques et percée de cinq porches ; les tympans des portails nord et sud racontent respectivement la Passion du Christ et le Jugement dernier, tandis qu’une galerie d’évêques et une grande fenêtre rayonnante décorent la composition. Le transept sud conserve le portail du Doyen, consacré à saint Thomas Becket, dont le tympan à trois frises relate la vie et le martyre ; la tour centrale présente une base carrée, des arcatures aveugles, une balustrade flamboyante et des bustes sculptés aux angles.
À l’est, le chevet, dérivé du modèle de l’abbatiale Saint‑Étienne de Caen, s’organise autour d’un chœur gothique et de chapelles rayonnantes ; les statues qui ornent les contreforts ont été remplacées par des copies au XIXe siècle. Sur le flanc nord se trouvent des constructions accolées : la sacristie de style néogothique, la salle du chapitre (XIIe–XVe siècle) avec ses peintures murales et son pavement médiéval en forme de labyrinthe, ainsi que la bibliothèque du chapitre, édifice du XVe siècle réaménagé aux XVIIe et XIXe siècles et riche d’un fonds de manuscrits et de plus de 5 600 imprimés.
L’intérieur présente une nef à deux niveaux où les grandes arcades romanes du niveau inférieur dialoguent avec l’étage gothique supérieur ; le décor des écoinçons comporte des figures animales et humaines, dont une scène présente le serment d’Harold tirée de la tapisserie de Bayeux et une figurine dite des « amoureux de Bayeux ». La croisée du transept, voûtée et flanquée de chapelles dédiées à saint Nicolas et saint Thomas Becket, conserve des vitraux et des peintures murales et a vu ses piliers remplacés lors des travaux du milieu du XIXe siècle, qui ont permis la mise au jour d’éléments romans. Le chœur, organisé sur trois niveaux avec un riche triforium, abrite des stalles sculptées et un autel néo‑classique ainsi qu’un orgue de chœur ; la partie liturgique conserve des grilles et un mobilier d’époques variées.
La crypte romane, redécouverte au XVe siècle, conserve des chapiteaux sculptés et des fresques d’anges musiciens, et le Trésor expose des pièces médiévales et modernes remarquables, parmi lesquelles la chasuble de saint Regnobert et un coffret d’ivoire du XIe siècle. Un sarcophage médiéval découvert lors d’une opération d’accessibilité en 2018 est aujourd’hui conservé au rez‑de‑chaussée du Trésor. La cathédrale possède deux orgues principaux — un orgue de tribune à trois claviers et pédalier, d’environ 2 550 tuyaux, et un orgue de chœur plus modeste d’environ 170 tuyaux — ainsi qu’un ensemble de cloches récemment complété par deux nouvelles cloches installées en 2014 et dédiées à la mémoire d’Edith Stein et de sa sœur, œuvres décorées par Yannec Tomada et fondues dans des ateliers français. L’ensemble est protégé au titre des monuments historiques depuis la liste de 1862. Le palais épiscopal et les bâtiments alentours forment l’ensemble du groupe épiscopal ; le palais originel fut confisqué à la Révolution et affecté à d’autres usages avant que la résidence de l’évêque ne soit déplacée.