Origine et histoire de la Cathédrale Saint-Érasme
La pro‑cathédrale Saint‑Érasme de Cervione, située en Haute‑Corse, est une ancienne cathédrale catholique romaine qui fut le siège du diocèse d'Aléria jusqu'à sa suppression et son rattachement au diocèse d'Ajaccio en 1802. Classée au titre des monuments historiques depuis le 27 juin 1928, elle présente une architecture baroque élaborée et une décoration intérieure essentiellement peinte. L'édifice actuel a été reconstruit de 1714 à 1745 sur l'emplacement d'une cathédrale élevée à partir de la fin de 1578 sous l'épiscopat d'Alexandre Sauli et dédié à saint Érasme, saint Pierre et saint Paul. Mentionnée en mauvais état en 1770, elle a fait l'objet de restaurations au début du XIXe siècle, d'un décor peint en 1828 par les peintres Giavarini et Giordani, puis d'une campagne importante en 1858 qui a notamment reconstruit la coupole effondrée en 1855. Le chœur a été partiellement remanié en 1896, la balustrade en bois ayant été remplacée par une balustrade en marbre réalisée par le marbrier Boni, et l'édifice a encore connu des travaux de réfection au XXe siècle.
De plan en croix latine, l'église comprend une nef de trois travées — la travée centrale étant plus petite — des chapelles insérées entre les contreforts, un transept et un chœur aboutissant à une abside circulaire. L'ensemble est couvert de voûtes en berceau avec arcs doubleaux et lunettes, les travées étant séparées par des pilastres qui supportent un entablement de facture classique. Une coupole surmonte la croisée du transept ; elle est formée de deux voûtes en quart de sphère réunies par une voûte en berceau, repose sur quatre pendentifs circulaires peints et, à l'extérieur, s'élève sur un tambour orné de pilastres pour être couronnée d'un petit campanile aux arcs en plein cintre retombant sur des colonnes. La couverture du dôme reprend un système de type génois : des ardoises circulaires disposées selon les génératrices, de dimensions décroissantes vers le campanile. À l'extérieur se dresse en outre un clocher isolé dominant les maisons.
La façade, à trois étages, emprunte l'esthétique baroque avec pilastres dédoublés, volutes de transition et motifs ornementaux qui restent toutefois relativement sobres. L'intérieur conserve une décoration presque entièrement peinte, tandis que les chapiteaux des pilastres, l'entablement, les arcs doubleaux et les arcades sont traités en mortier recouvert de dorure. Parmi les chapelles latérales, la première à gauche est dédiée à saint Alexandre Sauli et présente un tableau encadré de colonnes torses ainsi que deux fresques représentant l'arrivée du saint à Cervione et des felouques barbaresques détruites par la tempête. Entre cette chapelle et celle de saint Joseph se trouve le baptistère, don de M. Toussaint Caneri. La chapelle de saint Joseph abrite un tableau représentant la remise du rosaire par la Vierge à l'Enfant à sainte Catherine de Sienne et sainte Claire d'Assise, et la chapelle qui lui fait face montre un tableau avec l'Enfant Jésus, la Vierge, Jean‑Baptiste enfant, sainte Élisabeth, saint Blaise, saint Joseph et saint Zacharie. La chapelle Sainte‑Lucie conserve une statue en bois et un tableau de la sainte, ainsi qu'un tableau d'autel représentant la remise du scapulaire par Notre‑Dame du Carmel à saint Simon Stock.
Le croisillon nord du transept abrite l'autel de Notre‑Dame du Rosaire avec un tableau montrant la Vierge remettant le rosaire à saint Dominique et sainte Rose de Lima, encadré des quinze mystères du Rosaire peints sur la superstructure, et en face se trouve un tableau représentant saint Michel terrassant le démon, présenté comme copie d'un modèle de Guido Remi. L'autel majeur est surmonté d'une toile figurant le pape saint Grégoire le Grand et un personnage agenouillé en adoration de la Vierge. Dans le chœur, les stalles des chanoines aux colonnes torsadées datent de 1750 ; on y voit également les trônes des évêques d'Aléria et celui de saint Alexandre Sauli avec ses armoiries.
L'orgue provient initialement du couvent Saint‑François de Campulori et fut transféré à la cathédrale entre 1797 et 1861. Barthélemy Formentelli, qui l'a restauré, l'attribue à un facteur d'orgue italien du sud travaillant vers 1740–1750 et a mené une restauration complète en 1971, reconstituant les éléments manquants, adaptant la console et la soufflerie et ajoutant des registres d'effets tels qu'un usignolo et une cornemuse. En 1994, l'orgue de Cervione figurait parmi les instruments corses du XVIIIe siècle les plus remarquables.
La sacristie conserve un grand meuble du couvent sculpté et surmonté des armoiries franciscaines, et une Descente de Croix de belle qualité a été mise en réserve dans une salle de catéchisme. Parmi les statues en bois présentes dans la cathédrale figurent saint Erasme, sainte Lucie, saint Antoine de Padoue, Notre‑Dame de Miséricorde et Notre‑Dame du Rosaire en bois polychrome ; saint Antoine, provenant du couvent, est particulièrement lié à la dévotion populaire insulaire.
Les travaux décoratifs et les dorures, réalisés après l'achèvement des murs, portent la signature de Franco Giavarini en 1828. Le pavement en marbre a été refait en 1853 avec des carreaux provenant des carrières de Brando, et la reconstruction de la coupole en 1858 fut financée par une souscription à laquelle participa l'impératrice Eugénie. Enfin, la cathédrale reste un exemple important de l'architecture baroque en Corse, tant par l'ampleur de son plan que par la richesse de sa décoration peinturée.