Origine et histoire de la Cathédrale Saint-Étienne
La cathédrale Saint-Étienne de Meaux est attestée dès la "Vie de sainte Geneviève" vers 520, qui mentionne une ecclesia avec baptistère ; aucun vestige mérovingien n'a cependant été retrouvé. L'ensemble a sans doute souffert des pillages normands de 865 et 887. Les premières traces monumentales connues proviennent du chevet plat d'une église pré-romane mis au jour dans les années 1960 sous le chœur gothique lors des fouilles de Jean-Michel Desbordes. L'ensemble cathédral actuel est principalement daté des XIIe et XIIIe siècles : le palais épiscopal conserve des salles et une chapelle des années 1150–1170, la cathédrale fut engagée dans le dernier quart du XIIe siècle et le Vieux Chapitre fut édifié au début du XIIIe siècle. Les liaisons entre les bâtiments ont été modifiées au XIXe et XXe siècles : la galerie reliant l'évêché au bras nord du transept a été démolie à partir de 1907, le bâtiment de la maîtrise a été supprimé peu après, ouvrant une vaste cour d'honneur, et seule a subsisté une petite chapelle du XIIIe siècle, dite « chapelle des catéchismes » ou « salle capitulaire », dont l'usage primitif reste incertain. Une passerelle à pan de bois reliant le Vieux Chapitre à la cathédrale date des années 1930, et le quartier canonial conserve de nombreuses maisons des XVIIe et XVIIIe siècles, plus ou moins remaniées au XIXe siècle.
La construction de la cathédrale gothique débuta par le chœur entre 1175 et 1180 ; avant 1200 le déambulatoire, trois chapelles rayonnantes, les doubles bas-côtés du chœur et l'étage des tribunes étaient en place. Entre 1215 et 1220 furent élevées les piles de la croisée du transept et les niveaux supérieurs du chœur, qui fut couvert de voûtes d'ogives, comme l'atteste un dessin de Villard de Honnecourt vers 1220. Un autre architecte édifia le transept et les deux dernières travées de la nef de 1220 à 1235, et en 1235 fut créée la chapelle du bas-côté droit à la dernière travée. En raison de fondations insuffisantes et d'un affaissement du chœur primitif, ce dernier dut être reconstruit : le chœur actuel, de style rayonnant, fut élevé entre 1253 et 1278 par Gautier de Varinfroy, qui employa la solution déjà utilisée à Rouen en supprimant le niveau des tribunes tout en conservant les baies correspondantes ; les chapelles absidiales furent surélevées pour correspondre à la nouvelle hauteur du déambulatoire. À partir de 1266 une nouvelle campagne de travaux, financée par Jeanne Ire de Navarre, modifia les façades des croisillons ; la façade nord, réalisée par Pierre de Varinfroy, s'inspira de Notre-Dame de Paris et remonta des sculptures du début du XIIIe siècle.
Aux XIVe et XVe siècles divers mécènes et rois firent des donations pour chapelles et travaux ; l'allongement de la nef de trois travées fut autorisé en 1335 mais les travaux furent interrompus à plusieurs reprises par des troubles sociaux et la guerre de Cent Ans, puis repris et achevés progressivement à la fin du Moyen Âge. La tour droite fut finalement terminée au début du XVIe siècle, et la cathédrale subit des dégâts en 1562 lors d'un pillage par les huguenots. Au début du XIXe siècle la foudre et une explosion voisine endommagèrent l'édifice ; une importante restauration s'étendit de 1839 à 1894, portant notamment sur le pourtour du chœur et les arcs-boutants de la nef. La cathédrale figure sur la première liste des monuments historiques de 1840 établie par Prosper Mérimée.
L'édifice, long de 85 mètres, présente une façade occidentale profondément dissymétrique et ne fut jamais entièrement achevé, ce qui se traduit par un clocher provisoire devenu définitif. Construite en pierre de Varreddes, la cathédrale réunit, du XIIIe au XVIe siècle, une diversité de phases du gothique tout en conservant une grande harmonie d'ensemble. Elle se compose d'une église à cinq vaisseaux avec transept non saillant, d'une courte nef de cinq travées dont les deux premières forment un narthex, d'un chœur plus long entouré d'un double déambulatoire dans sa partie rectangulaire et se terminant par une abside à cinq pans ouvrant sur cinq chapelles rayonnantes.
La façade ouest présente trois portails dont le portail central est consacré au Jugement dernier ; le tympan gauche relate la vie de saint Jean-Baptiste et le tympan droit la vie de la Vierge. La tour nord, haute de 60 mètres, est la seule tour achevée ; la tour sud, construite en bois pour abriter provisoirement les cloches, est restée en place et est appelée la « tour noire ». Une grande rosace flamboyante du XVe siècle orne la façade. Du côté sud, le portail Saint-Étienne ou portail des Merciers représente la vie du saint, tandis que le portail nord du transept, également dédié à saint Étienne, est aujourd'hui fermé et situé dans la cour de la cité épiscopale ; une porte dite « de Maugarni » ouvre sur le déambulatoire du chœur.
L'intérieur se distingue par sa luminosité et la finesse de son décor sculpté : les bas-côtés atteignent environ 15 mètres de hauteur, la nef principale culmine à 31 mètres, et la couleur de la pierre de Varreddes est largement mise en valeur par les hautes baies. Les revers des façades du transept, surtout dans le croisillon sud, offrent un décor riche et ornementé inspiré en partie par Notre-Dame de Paris mais avec un traitement plus recherché. Dans le chœur, protégé par des grilles en fer forgé, se trouve la dalle funéraire en marbre noir de Jacques-Bénigne Bossuet, et deux statues le représentent assis et debout entouré de personnages qu'il a influencés ; adossé au mur d'une chapelle du bas-côté sud se trouve le monument funéraire de Jean Rose, fondateur d'un hôpital pour orphelins, mort en 1364. La hauteur sous voûtes au niveau du chœur atteint jusqu'à 33 mètres.
L'orgue prend place au revers occidental sous la rosace ; son buffet date de 1627 et est l'œuvre de Valéran de Héman. Au fil des siècles l'instrument a fait l'objet d'importants travaux (François‑Henri Clicquot, la famille Dallery, modifications en 1895 par Brisset, reconstruction par Victor Gonzalez en 1934) et a été agrandi et renouvelé de 1978 à 1980 par la maison Danion‑Gonzalez, qui porta l'instrument à cinq claviers et 67 jeux en installant une traction mécanique neuve. Il est utilisé régulièrement pour des concerts et son titulaire depuis de nombreuses années est l'organiste Domenico Severin. Le pédalier comporte principals, flûtes et jeux de fonds, ainsi que des jeux de fond et de fonds graves comme une Bombarde 16' et des tuyaux de mutation et de souffle ; l'instrument offre diverses tirasses et un combinateur électronique autorisant de nombreuses combinaisons et une expression au Récit.
Les maîtres de musique de la cathédrale, tous compositeurs, incluent notamment Pierre Tabart, Sébastien de Brossard (28 décembre 1698–1715), Jean Cavignon (1715–1719) dont un motet de 1701 est conservé à la BnF, un maître nommé Baron en 1736, Charles Hérissé (1758–1776) et Louis Pierre Prestat, qui composa en 1764 un motet intitulé Omnes gentes. La tour nord abrite une sonnerie de quatre cloches fondues en 1859 par François Dutot & Cie et bénites le 18 décembre de la même année par Mgr Auguste Allou. L'ensemble épiscopal comprend, de l'autre côté d'une vaste cour, un palais avec jardins privés, qui a notamment abrité Jacques‑Bénigne Bossuet lorsqu'il fut évêque de Meaux.