Origine et histoire de la Cathédrale Saint-Étienne
La cathédrale métropolitaine et primatiale Saint-Étienne de Sens, siège de l'archidiocèse de Sens, se situe dans la commune de Sens, dans le Sénonais, département de l'Yonne, en Bourgogne-Franche-Comté. Dédiée à saint Étienne, premier martyr, son culte y est associé à ceux de saint Jean‑Baptiste et de la Vierge Marie. Elle figure parmi les premières grandes églises de l'architecture gothique, aux côtés de la basilique Saint‑Denis. Les travaux, initiés selon les sources dans les années 1130–1135, ont permis la consécration de la nef et du chœur en 1164 ; la façade fut achevée à la fin du XIIe siècle. La tour sud, le clocher, est terminée bien plus tard, autour de 1532–1534, et le transept, réalisé entre les années 1490 et 1515, est un exemple significatif du gothique flamboyant. L'ampleur du chantier reflète l'importance de l'archidiocèse de Sens et du bailliage de Sens, ainsi que leur influence politique et religieuse, qui s'illustre notamment par le mariage de Saint Louis à Sens et par l'accueil des reliques destinées à la Sainte‑Chapelle. La cathédrale domine le centre historique sur une hauteur au‑dessus de l'Yonne et fait partie d'un ensemble comprenant l'ancien palais synodal et l'ancien palais archiépiscopal ; une bibliothèque capitulaire et un cloître ont disparu. Son modèle a influencé d'autres chantiers : le chœur de Saint‑Germain‑des‑Prés lui ressemble et Guillaume de Sens dirigea la reconstruction du chœur et du transept oriental de la cathédrale de Canterbury après l'incendie de 1174. À Paris, l'hôtel de Sens rappelle l'empreinte des archevêques sénonais, tandis que l'archidiocèse a été remanié en 1622 avec l'élévation de Paris au rang d'archevêché.
La cathédrale succède à un premier édifice consacré par l'archevêque Seguin en 982, lui‑même composé de trois églises accolées, et c'est l'archevêque Henri Sanglier qui, au XIIe siècle, entreprend la construction d'un monument novateur. Un « maître de Sens » anonyme met alors en œuvre une conception nouvelle du voûtement avec croisées d'ogives et arcs‑boutants, associée à une nef centrale et deux bas‑côtés prolongés par un déambulatoire autour du chœur. Si des éléments gothiques existaient déjà ailleurs, la mise en œuvre à Sens reste remarquable et la datation de la conception est placée par plusieurs spécialistes dans la décennie 1130. Le sanctuaire reçoit la consécration du pape Alexandre III en 1164, mais le chantier occidental ne s'achève qu'à la fin du XIIe siècle.
L'effondrement de la tour sud en 1268 détruit une grande partie de la façade occidentale et provoque une reconstruction qui agrandit les fenêtres hautes pour accroître la luminosité ; des chapelles sont ajoutées de part et d'autre de la nef et les travaux, interrompus par la peste et la guerre de Cent Ans, s'achèvent au XVIe siècle. Entre la fin du XVe et le début du XVIe siècle, l'archevêque Tristan de Salazar confie à Martin Chambiges l'édification du grand transept flamboyant, dont l'élévation et les verrières font aujourd'hui l'admiration.
Les altérations et restaurations se succèdent : des verrières du XIIIe siècle ont été démontées et remontées de façon désordonnée, des réaménagements XVIIIe sièclent modifient le chœur et l'orgue, et la Révolution de 1793 provoque la destruction de la statuaire. Classée monument historique dès la liste de 1840, la cathédrale a fait l'objet de campagnes de restauration au XIXe siècle, notamment des verrières de la façade orientale sous la direction d'Émile Hirsch et de l'architecte Charles Laisné.
Les matériaux de construction associent des grès locaux et d'importantes importations de calcaires : lutétien des environs de Paris pour la façade occidentale, assises de base en calcaire tertiaire de Nemours, calcaires jurassiques fins provenant du sud d'Auxerre et pierres de la vallée de l'Oise pour les parties ciselées du transept, transportées par voie fluviale sur de longues distances.
La façade principale présente trois portails dédiés, du nord au sud, à saint Jean‑Baptiste, à saint Étienne et à la Vierge ; les voussures sculptées au XIIe siècle témoignent d'une évolution notable de la statuaire médiévale et les tympans ont été mis en place ultérieurement. Le portail nord, lié à la tour dite de Plomb, montre des scènes de la vie de saint Jean‑Baptiste et des allégories tandis que le portail central, en grande partie rescapé de l'effondrement de 1268, articule le monde terrestre et le monde céleste autour des apôtres dont la plupart furent détruits à la Révolution. Le portail sud est consacré à la Vierge avec des scènes de la Dormition, de l'Assomption et du Couronnement.
La tour sud, ou tour de Pierre, de style flamboyant, porte une galerie de statues d'archevêques ajoutée au XIXe siècle et conserve deux grandes cloches bourdonnées, la Savinienne et la Potentienne, fondues en 1560 et nommées en hommage aux premiers évêques de Sens ; d'autres cloches, plus petites, datent du XIVe et du XIXe siècle et le campanile accueille des cloches d'horloge datées des XIVe siècle.
L'intérieur présente une nef large et lumineuse de 15,25 mètres de clair‑axe et de 24,4 mètres de hauteur, à élévation sur trois niveaux et voûtée en système sexpartite, avec l'alternance de piliers forts et faibles. La première travée a été modifiée après l'effondrement de la tour sud ; la chapelle Sainte‑Croix, située sous le clocher, est appelée « chapelle des cloches ». La nef abrite le monument funéraire des Salazar, œuvre achevée en 1516, composée d'un retable calcaire à la frise gothique tardive et d'un haut baldaquin en pierre bleue de Belgique assemblé à l'identique en 1943 après sa mise à bas révolutionnaire.
Le transept, œuvre de Martin Chambiges, se caractérise par une élévation réduite à deux étages, des voûtes surélevées (27 à 27,5 mètres) et d'immenses verrières qui transforment cet espace en un véritable vaisseau de lumière. Le chœur conserve l'élévation à trois niveaux et s'ouvre sur un déambulatoire flanqué de chapelles, dont un baptistère roman au nord et, au sud, la chapelle axiale du XIIIe siècle dédiée à saint Savinien ; la chapelle axiale contemporaine accueille également le tombeau du Dauphin et de la Dauphine, œuvre de Guillaume Coustou, déplacée au XVIIIe siècle, démontée à la Révolution, restaurée et finalement installée dans la chapelle Sainte‑Colombe en 1852.
La cathédrale conserve une riche collection de vitraux du XIIIe au XVIIIe siècle : les déambulatoires présentent des cycles comme la parabole du Bon Samaritain et l'histoire du Fils prodigue, un vitrail du XIIIe siècle commémore la présence de Thomas Becket à Sens, et les deux bras du transept sont ornés de grandes verrières du début du XVIe siècle et de rosaces — parmi lesquelles la « rosace du Concert céleste » avec de nombreux anges et instruments — réalisées par des ateliers locaux et troyens.
L'orgue de tribune, présent depuis le XVe siècle et remanié à plusieurs reprises, a été déplacé et restauré à de nombreuses reprises ; l'instrument, à tractions mécaniques, est classé monument historique et a fait l'objet d'une importante restauration entre 1983 et 1991.
Le palais archiépiscopal, accolé au sud du chœur et converti aujourd'hui en musée archéologique, abrite la chapelle et le trésor de la cathédrale, tandis que le palais synodal du XIIIe siècle, restauré au XIXe siècle, conserve son rôle historique d'espace de l'officialité et des synodes et présente des éléments décoratifs tels que gargouilles et statues évoquant saints et archevêques. Enfin, la cathédrale fut le décor du mariage de Saint Louis et de Marguerite de Provence en 1234, cérémonie solennelle qui réunit la cour et la noblesse du royaume.