Origine et histoire de la Cathédrale Saint-Jean-Baptiste
La cathédrale Saint-Jean-Baptiste de Saint-Jean-de-Maurienne, en Savoie, est le siège de l'ancien diocèse de Maurienne, uni au diocèse de Chambéry en 1966, et classée monument historique le 30 octobre 1906. Les origines de l'évêché sont entourées de légendes conservées dans deux textes principaux : le récit de Grégoire de Tours et un texte du Xe siècle rédigé à Vienne, ainsi qu'un manuscrit reproduit au XIIe siècle aujourd'hui aux archives départementales de la Savoie. Selon Grégoire de Tours, une relique — un pouce de saint Jean-Baptiste — serait apparue à une femme de Maurienne et, par la suite, aurait attiré pèlerins et évêchés, tandis que la tradition rapporte aussi le drame d'un vol tenté et la mort de l'archidiacre impliqué. Le second récit présente une noble nommée Tigris partie en Orient pour rapporter des reliques, qui revint en Maurienne et fit édifier une église dédiée à saint Jean-Baptiste ; ce personnage évolue ensuite dans la tradition hagiographique en Tigre puis en Thècle. Ces traditions convergent sur un point constant : la présence d'une relique de saint Jean-Baptiste a rapidement donné à Maurienne une importance spirituelle et administrative accrue. L'établissement de l'évêché est lié aux choix politiques du roi Gontran, qui, d'après Grégoire de Tours, créa un nouveau centre ecclésiastique à Maurienne pour affirmer le contrôle de la région, au détriment de la dépendance vis-à-vis de l'évêque de Turin. Cette création suscita des protestations et un contentieux avec l'évêché de Turin et le pape, et la nouvelle structure ecclésiastique est traditionnellement considérée comme suffragante de la métropole de Vienne. Les premières attestations épiscopales sûres incluent la présence d'Hyconius aux conciles de Mâcon, tandis que d'autres récits plus tardifs proposent des noms et des datations restés hypothétiques. Les incursions sarrasines et les troubles des IXe et Xe siècles ont profondément marqué la région : plusieurs établissements religieux furent détruits et la ville aurait été ravagée en 943, entraînant une longue période de reconstruction. La reconstruction romane de la cathédrale, engagée au début du XIe siècle, s'inscrit aussi dans le contexte politique de la succession de Bourgogne et des interventions des pouvoirs laïcs, qui ont modifié les limites et le statut du diocèse. La crypte, redécouverte en 1958, conserve des éléments variés et des fragments du martyrium qui témoignent de phases de construction et de réaménagements successifs, certains capitaux et éléments sculptés pouvant remonter à des campagnes antérieures. Les spécialistes débattent de l'ancienneté précise de ces vestiges : certains y voient des origines préromanes tandis que d'autres les datent du milieu du XIe siècle, la datation reposant surtout sur l'analyse du style architectural. Deux chartes, l'une de l'évêque Thibaud vers 1040-1041 et l'autre d'Artaldus en 1075, indiquent que le lieu avait été détruit puis restauré, et qu'à la fin du XIe siècle les deux églises Saint-Jean-Baptiste et Notre-Dame étaient de nouveau en service. L'édifice romain était une basilique à trois nefs, avec une nef centrale sensiblement plus longue, des charpentes en bois, une nef centrale d'environ soixante mètres et des absides demi-circulaires, le bas-côté nord donnant sur la chapelle Sainte-Thècle et le bas-côté sud sur la chapelle Saint-Pierre. Au XVe siècle, la cathédrale subit d'importantes transformations après une inondation qui rehaussa les niveaux urbains et endommagea l'édifice ; des campagnes de restauration, des travaux de protection des berges et la reconstruction d'un cloître sont alors entrepris. Dans la seconde moitié du XVe siècle le cardinal d'Estouteville, aidé par son vicaire général Amédée Gavit, fit voûter la nef et donner à l'édifice des formes gothiques en remployant des structures en bois pour porter des voûtes et en modifiant l'organisation des travées. Son successeur, l'évêque Étienne Morel, fit abattre l'ancien chevet pour allonger le chœur et poser une abside à cinq pans, transformations achevées à la fin du XVe siècle et accompagnées de l'abandon et du remblaiement de la crypte. Les aménagements postérieurs comprennent la chapelle dite de Jésus (aujourd'hui Saint-Joseph, créée en 1535), plusieurs chapelles ajoutées au XVIIe siècle, une nouvelle sacristie achevée en 1740 et, au XVIIIe siècle, la suppression du cimetière devant la cathédrale suivie de l'édification d'un porche pour protéger un monument aux premiers comtes de la maison de Savoie. La Révolution entraîna la destruction de la flèche et des dommages aux autres églises paroissiales, puis des restaurations menées au XIXe siècle grâce au mécénat royal et à des architectes locaux, accompagnées de décors peints au début du XIXe siècle. Des campagnes de la fin du XIXe et du XXe siècle, notamment les fouilles et dégagements de 1958 puis les travaux de 1960-1976, ont mis en évidence la crypte, révélé des éléments carolingiens remployés dans la maçonnerie, permis la remise en place des stalles et la restauration du trésor, tandis que la cathédrale conserve une des plus anciennes charpentes datées avec précision (1075-1076), de belles fresques, des stalles du XVe siècle et un reliquaire contenant trois doigts de saint Jean-Baptiste.