Origine et histoire de la Cathédrale Saint-Sauveur
La cathédrale Saint-Sauveur se situe rue Gaston-de-Saporta à Aix-en-Provence, dans les Bouches-du-Rhône. Édifiée sur l'emplacement du forum antique et, selon la tradition, sur les fondations d'un temple dédié à Apollon, elle réunit de nombreux styles architecturaux en raison de remaniements successifs. L'édifice mesure 70 mètres de longueur, 46 mètres de largeur et son élévation atteint 20 mètres sous la clé de voûte. La façade révèle trois étapes de construction : la face nue de la nef romane du XIIe siècle, un mur en blocs antiques à bossages montés à joints vifs, et le portail qui ferme la nef gothique, daté du XVIe siècle. Au fil des siècles des bâtiments lui ont été accolés, notamment le bâtiment claustral de la communauté des chanoines (fin du XIIe siècle), les constructions du cloître (XIe‑XIIIe siècles) et le clocher achevé en 1425. Saint-Sauveur est l'église cathédrale de l'archidiocèse d'Aix-en-Provence.
La cathédrale se trouve sur l'ancienne via Aurelia ; un fragment de mur romain et des colonnes du baptistère ont contribué à la légende d'un temple d'Apollon, que l'historien Pitton interpréta comme un lieu dédié à une divinité solaire. Selon la tradition chrétienne, saint Maximin, venu de Palestine avec Marie-Madeleine sur une barque de Lazare, aurait édifié sur le site une chapelle dédiée au Sauveur. Cette chapelle ancienne fut détruite lors des invasions sarrasines des VIIIe et IXe siècles.
Le baptistère, probablement antérieur et daté des Ve‑VIe siècles, figure parmi les plus anciens de France et occupe l'emplacement de l'ancien forum d'Aquae Sextiae. La partie romane de la cathédrale remonte à la fin du XIe siècle, œuvre de l'archevêque Rostan de Fos et du prévôt Benoît ; une dédicace datée de 1103 se trouve sur la nef méridionale dite du Corpus Domini, tandis qu'un mur conserve des vestiges visibles du Haut Moyen Âge. Les travaux d'achèvement de la dernière travée, de la façade et des ornements, engagés à partir de décisions et marchés pris entre 1471 et le début du XVIe siècle, mobilisèrent des maîtres lapicides et sculpteurs comme Hélion l'Auvergnat, Jacotin Paparoche, Pierre Souquet et, pour l'ornementation sculptée, Jean Mone ; les sculptures furent peintes par Pierre Bœuf et Jean Cordonnier.
Au portail, seules les sept figures supérieures sont d'origine ; les autres statues, visibles aujourd'hui, sont des copies du XIXe siècle. Les portes en noyer furent commandées le 15 octobre 1505 et taillées par les frères Raymond et Jean Bolhit, assistés du menuisier toulonnais Jean Guiramand qui sculpta notamment les Sibylles en 1508 ; chaque vantail est orné de guirlandes florales encadrant des scènes religieuses, avec les prophètes Isaïe et Jérémie à la porte gauche et Ézéchiel et Daniel à la porte droite, le tout ayant autrefois été rehaussé de couleurs vives encore perceptibles par endroits.
Le baptistère est de plan octogonal ; couronné en 1579 par le chanoine Jean de Léone, il conserve une coupole décorée de gypseries et des colonnes romaines remployées ; la cuve est attribuée à l'époque mérovingienne et, sous les dalles, se trouvent les caveaux de chanoines et d'archevêques. Dès sa construction, il était alimenté par les eaux chaudes des thermes romains et le baptême y était administré par immersion, dans une symbolique d'ensevelissement et de renaissance avec le Christ ; orienté vers le soleil levant, son architecture actuelle reste proche de celle qu'il avait à l'époque du forum, malgré des transformations successives : subsistent surtout les bas des murs et la cuve, la coupole remontant au XVIe siècle et l'alimentation en eau provenant originellement d'une annexe à l'est. Au XIXe siècle, le baptistère reçut sept tableaux représentant les sacrements, commandés auprès de sept artistes aixois.
Au XIXe siècle, l'atelier Didron fournit plusieurs verrières : Le Triomphe de la Foi pour la façade ouest (1858), la verrière de l'abside de la nef gothique et six vitraux non figuratifs (1860‑1861), le vitrail de l'Espérance dans le transept sud (1863) et, en 1866, un vitrail représentant des anges musiciens et des saints de Provence dans la chapelle du Sacré‑Cœur de la nef romane. La chapelle Saints‑Cosme‑et‑Damien, construite à la fin du XVIe siècle et constituant le narthex du baptistère, abrite aujourd'hui un dépôt lapidaire où figurent notamment le sarcophage dit de saint Mitre, deux lions en marbre du tombeau d'Hubert de Vins, des sculptures de Charles Desbordes et des colonnettes provenant de l'oratoire Saint‑Sauveur.
Parmi les œuvres exposées figurent le triptyque du Buisson ardent de Nicolas Froment, la Transfiguration du Sauveur de Jean Daret fils, La Cène de Jean Daret père, L'Incrédulité de saint Thomas de Finsonius, Le Triomphe de la foi, La Résurrection de Lazare de Christophe Veyrier (provenant de l'ancienne chapelle des Carmélites), ainsi que des dépôts du Louvre tels que Le Martyre de saint Appian de Jean‑Bruno Gassies et Sainte Apolline de Gaspard de Crayer. La cathédrale conserve également dix‑sept tapisseries dues au peintre flamand Quentin Metsys, représentant diverses scènes de la vie du Christ et de la liturgie, de la Nativité à la Pentecôte.
Le grand orgue, installé en 1743 sur le flanc nord du chœur gothique, possède un buffet inscrit aux Monuments historiques ; un faux orgue, disposé en face, imite cet aspect baroque. L'instrument a connu de nombreuses interventions et une restauration conduite entre 1974 et 1982 par Alfred Kern lui a rendu un aspect proche de l'original. L'autel dit des Aygosi, initialement installé dans l'église des Carmes, fut transféré à Saint‑Sauveur en 1823 ; ce retable de pierre, attribué au sculpteur Audinet Stéphani, comporte un autel surmonté d'un faux tabernacle aux armes d'Urbain Aygosi, un tabernacle orné d'un Christ et un retable à six figures où se reconnaissent sainte Anne, la Vierge à l'Enfant, saint Maurice, sainte Marguerite et le Christ en croix ; des statues de la Vierge et de saint Jean qui l'accompagnaient sont aujourd'hui au musée Granet.
Jeanne Perraud (1631–1676), originaire d'une famille aixoise établie provisoirement à Martigues, se distingua par des visions religieuses à partir de 1650 ; après des séjours en divers couvents elle vécut à Aix à partir de 1655 et décrivit de nombreuses apparitions de l'Enfant‑Jésus et d'un homme mûr qu'elle identifiait parfois au Christ. Ces visions l'isolèrent socialement ; elle mourut d'une forte fièvre le 22 janvier 1676 et les tentatives de canonisation échouèrent ; une poupée représentant ses visions de l'Enfant‑Jésus est depuis lors exposée dans la cathédrale.
Plusieurs œuvres ont disparu, parmi lesquelles un vitrail de Jean Joye détruit pendant la Révolution, Le Christ ressuscitant d'Honoré Pellé et les deux façades d'orgue. La cathédrale conserve aussi une mosaïque du VIe siècle et des fragments de fresques du XIVe siècle, notamment le taureau de saint Luc et des scènes de la vie de saint François d'Assise et de sainte Claire. Le clocher octogonal abrite trois cloches : « Marie Immaculée », fondue par Burdin en 1858 (diamètre 150 cm, note do3), « Paule », fondue par Paccard en 1932 (150 cm, mi3) et « Marie‑Madeleine », également fondue par Paccard en 1932 (100 cm, sol3). Guillaume Poitevin fut maître des enfants de chœur et maître de chant professionnel à la cathédrale de 1667 à 1706.
Parmi les épisodes marquants de son histoire, l'archevêque Robert de Mauvoisin fut contraint de renoncer à ses fonctions en 1318 après de graves accusations morales et administratives, et l'archevêque Jean de Saint‑Chamond, le 24 décembre 1566, manifesta publiquement son adhésion au calvinisme avant de se retirer à Genève.