Origine et histoire de la Cathédrale Saint-Vincent
La cathédrale Saint-Vincent de Chalon-sur-Saône s’élève place Saint-Vincent, au cœur de la ville ancienne de Saône-et-Loire, et figure parmi ses principaux monuments. L’origine de l’édifice reste mal connue : des hypothèses renvoient aux IVe–Ve siècles, et la première église fut implantée sur l’ancien rempart gallo-romain, à l’emplacement d’un temple antique, comme l’attestent la découverte en 1776 d’une statue votive de Mercure, un autel dédié à Mars en 1850 et des effigies supposées de Marc Aurèle en 1908. L’église primitive, agrandie par saint Agricole, aurait été détruite par les Sarrasins puis reconstruite sous Charlemagne, qui y tint un concile en 813 ; le lieu, d’abord placé sous le patronage de saint Étienne, fut dédié à saint Vincent vers 542. La cathédrale actuelle s’est édifiée entre 1090 et 1522 selon la chronologie établie par l’abbé Salis, qui distingue une phase romane et une phase gothique. La période romane comprend trois campagnes : 1090–1100 (chapelles à absidioles nord et sud), 1120–1130 (rez-de-chaussée du chœur et bras du transept) et vers 1150 (piliers et arcades de la nef centrale et des bas-côtés). L’époque gothique, plus étendue, s’étend de 1220 à 1522 et voit l’ajout de l’abside du chœur, de la voûte de la croisée du transept, d’une chapelle de chevet et de la salle capitulaire ; elle comprend encore la construction des murs de la nef vers 1310, les campagnes de 1380–1429 pour les voûtes de la nef et les murs du cloître, puis, de 1400 à 1522, l’édification des chapelles des bas-côtés, des voûtes et du cloître. Cette longue et complexe construction résume, en quelque sorte, l’évolution architecturale et religieuse de la Bourgogne.
Ancien siège du diocèse de Chalon-sur-Saône, l’édifice présente une façade occidentale reconstruite au XIXe siècle (1822–1844) dans un esprit néo-gothique par l’architecte lyonnais Antoine Chenavard ; elle remplace une façade antérieure détruite et se compose d’un porche en terrasse attribué à Lebas, surmonté du pignon de la nef et d’une rose ajourée. La façade est encadrée par deux tours carrées symétriques de 42 mètres, de style gothique flamboyant, élevées sur proposition de 1827 pour remplacer des tours menacées d’effondrement ; elles sont couronnées de seize statues des saints patrons locales sculptées par Étienne de Saptes. À l’extérieur, le transept présente une porte gothique surmontée d’un tympan ; un jardin entoure le chevet et longe les absidioles, tandis que le cloître flamboyant, muni d’arcs trilobés, et le presbytère bordent le collatéral sud de la cathédrale.
L’édifice comprend trois nefs, un transept saillant, un chœur et un sanctuaire ; selon André Salis, la longueur intérieure est de 62,93 mètres, la largeur totale de 21,39 mètres, et la nef centrale mesure 32,55 mètres de long pour 10,24 mètres de large. La nef centrale repose sur des piliers romans de la seconde moitié du XIIe siècle sur lesquels sont montés, sur arcs brisés, des faisceaux à colonnettes gothiques ; le premier étage ouvre sur un triforium à balustrade pleine permettant la circulation dans l’épaisseur des murs, et chaque travée présente cinq arcatures trilobées ; au deuxième étage la coursière offre une balustrade ajourée de quatre-feuilles. La voûte, placée à plus de 24 mètres du sol, est une croisée d’ogives complétée par une nervure axiale ou lierne, et la nef s’achève après sept travées par une grande rose intérieure, située au-dessus de l’arc roman qui sépare la nef du transept. La croisée du transept associe piliers et arcs romans à une voûte gothique ; elle devait être éclairée sur trois faces par la rose à l’ouest et deux baies géminées au nord et au sud surmontées d’un oculus, aujourd’hui murés, et les bras du transept comptent deux travées. Le chœur, accessible après deux marches, conserve piliers et arcs romans plus raffinés et voit le triforium se poursuivre en une galerie plus aérienne ; chaque travée comporte trois baies à arcs brisés portés par des piles cylindriques. La deuxième galerie du chœur reçut au XIVe siècle, côté sud, une balustrade ajourée de quatre-feuilles, et les voûtes gothiques sont ponctuellement renforcées par deux arcs marquant l’entrée du chœur et du sanctuaire. Le sanctuaire, atteint après trois marches, est entièrement gothique : l’abside semi-circulaire antérieure a été remplacée par une abside à cinq pans dont les trois fenêtres du rez-de-chaussée sont encadrées de colonnettes ; une tapisserie de Bruxelles datée de 1510 et placée en 1965, haute de 6,75 m et large de 7,15 m, représente trois scènes bibliques et l’Eucharistie.
Les collatéraux abritent des chapelles construites à différentes époques, reflet de la piété des commanditaires : la première chapelle côté nord, élevée en 1424 par Oudot de Malain, est dédiée à saint Michel et sainte Catherine ; la seconde est de style flamboyant et date de 1440 ; la troisième, entreprise en 1522 par des notables chalonnais, associe flamboyant et Renaissance et porte vingt-quatre écussons des familles fondatrices ; les deux dernières chapelles sont plus modestes et, côté sud, le collatéral conserve un caractère roman marqué par des grilles de pierre typiques du style bourguignon, la cinquième chapelle présentant une fresque de l’école bourguignonne de la fin du XVe siècle. On relève par ailleurs des vestiges de peintures murales anciennement conservées, notamment dans le cul-de-four de l’absidiole nord, dite chapelle de la Glorification de la Vierge. La cathédrale est la seule en Bourgogne à abriter la tombe d’un de ses évêques, Jean Germain, qui fut en fonction de 1436 à 1461.
L’ensemble campanaire comprend trois cloches : un bourdon nommé Jeanne‑Henriette, sonnant en sol2, fondu par Gédéon Morel à Lyon en 1853, d’environ 5 200 kg et 1,96 m de diamètre, la plus grosse du diocèse d’Autun ; ainsi que deux cloches plus petites dans la tour de droite, sonnant respectivement en ré3 (fondue par G. Morel en 1809, environ 1 000 kg) et en sol3 (fondue par G. Morel en 1860, environ 600 kg).
L’orgue de tribune date de la fin du XVIIe siècle ; son buffet a été classé monument historique en 1846 et la partie instrumentale inscrite à titre d’objet en 1972. L’instrument actuel, construit par Karl‑Joseph Riepp en 1751 à l’origine à quatre claviers et quarante-quatre jeux, fut réduit à trois claviers vers 1850 ; Gérard Goudet en est titulaire depuis 1990.
La cathédrale est classée au titre des monuments historiques depuis 1903, ses deux tours l’étant séparément depuis le 25 novembre 1991, et plus de deux millions d’euros ont été dépensés depuis 1984 pour des restaurations. Les chapiteaux font l’objet d’études approfondies ; l’un d’eux, placé au-dessus du bénitier, est particulièrement remarquable et lié à l’expression occidentale de Callisthène. Les vitraux modernes de 1954 sont signés Pierre Choutet. En 1972 fut restauré le retable peint par Richard Tassel daté de 1608, présenté dans la chapelle Cardinale et représentant le Christ en croix entouré d’anges, entre saint Anatoile et saint Loup ; son revers, en grisaille, montre une Pietà. Dans la chapelle Renaissance dite la jeune Foucaude, le plus ancien vitrail de la cathédrale, daté du XVIe siècle et illustrant le chapitre 12 de l’Apocalypse, a été restauré en 1984–1985 après des dégradations commises en 1978 ; la restauration a porté aussi sur le nettoyage des murs et la sculpture des nervures du plafond. L’association Les Amis de la cathédrale Saint‑Vincent, section des Amis du Vieux Chalon, fondée le 28 janvier 1972 à l’initiative de l’abbé André Commerçon, a activement contribué aux campagnes de sauvegarde, de mise en valeur et de connaissance du monument. Après une dizaine d’années de fermeture pour travaux, le cloître a été rouvert au public en décembre 2019.