Origine et histoire de la Cathédrale Sainte-Anne
La cathédrale Sainte-Anne d’Apt, située en Vaucluse, est l’église du ancien diocèse d’Apt ; placée au Moyen Âge sous le double patronage de Notre‑Dame et de saint Castor, elle est classée monument historique depuis 1846 et siège, depuis 2009, de l’évêque titulaire d’Apt. L’un des plus anciens lieux de culte en Occident consacré à sainte Anne, elle voit son culte se fixer définitivement au XIVe siècle ; des offices et des missels des XIVe et XVe siècles, ainsi que des décisions papales ultérieures, ont contribué à sa diffusion. Des traditions rapportent que certaines reliques auraient été apportées d’Orient par des saintes ou ramenées par des croisés, et une partie de ces reliques est toujours vénérée à Apt ; d’autres reliques provenant d’Apt se trouvent à Sainte‑Anne‑d’Auray, Sainte‑Anne‑la‑Palud, à Paris, en Italie ou au Québec. Au XVIIIe siècle, la ferveur pour sainte Anne fut telle que la ville fut parfois désignée dans la correspondance comme « Sainte‑Anne d’Apt ». Pie IX éleva l’édifice au rang de basilique mineure et Léon XIII lui donna, en 1880, le titre de « basilique du prince des apôtres ».
Les fouilles et les actes du cartulaire montrent que la communauté chrétienne primitive se tenait hors des remparts, près de la Via Antiqua Massiliensis, où se trouvaient une nécropole à sarcophages, une église dédiée à saint Paul et un baptistère à saint Jean‑Baptiste. Une première cathédrale paléochrétienne et la cité furent détruites à la fin de l’Antiquité ; au début du IVe siècle le groupe cathédral fut déplacé intramuros et reconstruit en réutilisant des éléments d’un temple antique. La présence de l’Église d’Apt est attestée au concile d’Arles (314) et le premier évêque historique, Octavius, apparaît au synode de Nîmes (394). Au Ve siècle, l’évêque Castor consacra l’église à la Vierge et fit édifier un oratoire et un baptistère qui demeura en usage jusqu’au XVIe siècle.
Les invasions et destructions qui jalonnent l’histoire de la cité provoquèrent plusieurs transferts et reconstructions du siège épiscopal : après des destructions, le siège fut déplacé à l’église Saint‑Pierre, puis, au XIe siècle, une cathédrale dite « Sainte‑Marie Nouvelle » fut édifiée au Bourg. Au milieu du XIe siècle, l’évêque d’Agoult entreprit la reconstruction de la cathédrale sur son emplacement actuel, travaux auxquels contribuèrent des familles locales ; des reliques furent alors découvertes et associées à la fondation du culte. Une nouvelle reconstruction, au XIIe siècle, donna lieu à une cathédrale dont la crypte porte la signature de l’appareilleur VGo et montre des influences architecturales d’Orient.
Du XIIe au XIVe siècle l’édifice connut de nombreuses campagnes de travaux : transfert et mise en crypte des reliques de Castor, adjonction du collatéral sud, ajout d’une nef septentrionale au XIVe siècle et réemploi de matériaux anciens pour consolider remparts et tours. À la Renaissance et à l’époque moderne, des travaux d’entretien, la consolidation des voûtes, la réalisation d’un nouveau frontispice et l’installation d’orgues furent financés par les offrandes des fidèles. En 1643 le chapitre décida la construction d’une vaste chapelle dédiée à sainte Anne, réalisée sur les plans de François de Royers de la Valfenière et consacrée en 1664, dont la statuaire et le retable furent complétés par des artistes tels que Jean‑Claude Rambaud.
L’édifice présente une façade occidentale élargie au fil des agrandissements et longue aujourd’hui de 42 mètres ; la profondeur extérieure de la cathédrale atteint 50 mètres. L’entrée est encadrée par colonnes et chapiteaux composites, fronton et entablement, et des éléments anciens — enfeus, baies et sculptures — rappellent l’existence d’un cimetière accolé à l’oratoire Saint‑Sauveur. Le clocher roman, quadrangulaire et élevé à la croisée du transept, porte une toiture pyramidale et abrite cinq cloches encore sonnées manuellement, sans électrification. Le dôme qui coiffe la chapelle royale est couvert de plaques de cuivre et surmonté d’une statue en bronze doré de Joseph‑Elzéar Sollier.
L’organisation intérieure combine vestiges romans et apports gothiques et modernes : l’église primitive comptait deux nefs romanes à grandes arcades en plein cintre ; une nef gothique voûtée d’ogives fut ajoutée au XIVe siècle, entraînant d’importantes modifications. La crypte inférieure conserve des éléments de l’ancien sanctuaire, dont une inscription honorant C. Allius Celer, des dalles carolingiennes décorées et des niches reliquaires ; elle paraît en grande partie d’époque mérovingienne. La crypte supérieure, contemporaine de l’église du XIe siècle, est pourvue d’un déambulatoire en berceau, d’un petit chœur voûté en cul‑de‑four et d’un autel monolithique daté du VIIIe siècle provenant de l’ancienne cathédrale Saint‑Pierre ; des sarcophages médiévaux y entourent le pourtour.
Le collatéral sud, ajouté au XIe siècle, a conservé sa structure romane avec berceau et arcs doubleaux et abrite un autel en marbre des Pyrénées attribué au XIIe siècle ; sa chapelle du Saint‑Esprit conserve les fonts baptismaux et un tableau de Parrocel. La nef centrale, largement remaniée aux XVIe et XVIIIe siècles, a été surélevée et dotée d’une voûte d’ogives ; le chœur néo‑gothique accueille les stalles du chapitre et un cycle de tableaux du milieu du XVIIIe siècle. Le vitrail dit « Vitrail d’Apt », réalisé par le maître verrier Audibert Chacharelli et consacré par Urbain V, représente sainte Anne, la Vierge et l’Enfant et date du XIVe siècle. Le collatéral nord, gothique, comporte plusieurs chapelles, dont l’une a reçu une coupole ovale au XVIIIe siècle.
La chapelle Sainte‑Anne, la plus vaste des chapelles latérales, s’étend sur environ seize mètres et associe une travée à pans coupés sous tambour et coupole à une nef basse voûtée à caissons ; son aménagement, ses circulations pour pèlerins et le puits d’eaux miraculeuses répondent aux pratiques dévotionnelles. La tradition liturgique et hagiographique qui relie à Apt les reliques de sainte Anne est ancienne mais fait l’objet d’analyses critiques : des récits légendaires et des correspondances tardives sont considérés comme apocryphes, les plus anciens témoignages écrits remontant au XIIe siècle, et il est probable que certaines reliques aient été apportées à l’époque des Croisades. La chapelle conserve des sculptures, statues d’évêques des XVIIe et XIXe siècles, un bras reliquaire réalisé par Armand Caillet et divers objets liturgiques.
L’orgue date de 1705 et a été construit par Charles Boisselin ; son buffet, resté en l’état malgré maintes interventions instrumentales, est inscrit aux Monuments historiques avec la tribune depuis 1977. Le trésor placé dans la sacristie de la chapelle Sainte‑Anne réunit le « voile de sainte Anne », la chasse dite de sainte Anne, un berceau daté du XIVe siècle, un coffret en ivoire, deux coffrets de mariage et des manuscrits liturgiques ; la sacristie conserve également plusieurs toiles, dont un cycle sur sainte Ursule de Philippe Sauvan. Enfin, la cathédrale abrite les reliques et tombeaux de divers saints locaux, parmi lesquels saints Auspice, Martian, Castor, Joachim et sainte Anne.