Origine et histoire
Le champ de bataille du Linge a été le théâtre d'une bataille de la Première Guerre mondiale opposant l'armée française à l'armée allemande du 20 juillet au 16 octobre 1915. Le massif du Linge se situe sur le ban des communes de Hohrod, Soultzeren, Labaroche et Orbey, dans le Haut‑Rhin. Ces combats s'inscrivent dans une série d'opérations menées par l'armée française dans les Vosges afin d'obtenir des positions dominantes en vue d'une attaque future dans la plaine d'Alsace. L'objectif recherché était une manœuvre dite de « débordement par les hauts », fondée sur l'effet de surprise mais vulnérable si l'opération devenait lente et prévisible face à des positions retranchées. Avant l'attaque sur le Linge, les 47e et 66e divisions d'infanterie avaient lancé une offensive dans la vallée le 15 juin 1915 et avancé de cinq kilomètres en une semaine. Malgré ces gains, le général Joffre ordonna, contre l'avis de ses subordonnés, de stopper l'offensive dans la vallée pour lancer l'attaque par les hauteurs. Le Linge est une montagne partiellement boisée, ponctuée de bosquets et de parois rocheuses escarpées. Les Allemands y occupaient le terrain depuis plusieurs mois et l'avaient renforcé par des blockhaus, des lignes de tranchées et des réseaux de fils de fer barbelés souvent dissimulés dans la végétation et les couloirs rocheux. Ces aménagements en faisaient une position défensive très solide. La bataille débuta le 20 juillet 1915 ; les assauts français, notamment menés par la 3e brigade de chasseurs et la 129e division d'infanterie, ne permirent pas de conserver durablement la crête malgré des gains locaux. Dès le mois d'août, de violentes contre‑attaques allemandes repoussèrent les Français sur les contre‑pentes. En septembre, des attaques allemandes conduites avec l'emploi de lance‑flammes et de gaz lacrymogènes conduisirent à un calme relatif du secteur. En octobre 1915, les dernières tentatives aboutirent à la stabilisation de la ligne sur le massif, qui resta en l'état jusqu'à la fin de la guerre ; les deux camps procédèrent ensuite à de larges travaux de fortification. Certains vestiges visibles aujourd'hui n'existaient pas encore au moment de la bataille, d'autres témoignent des aménagements réalisés ensuite. Les affrontements furent particulièrement meurtriers : ils causèrent plus de 18 000 pertes au total, dont 8 867 pour les forces françaises. Le site est classé au titre des monuments historiques depuis 1921 ; le périmètre protégé a été modifié en 1932 pour permettre la remise en état du lieu. À proximité d'Orbey et de Labaroche, le Musée‑Mémorial du Linge conserve les objets français et allemands retrouvés sur le site — armes, munitions, effets personnels — ainsi que des maquettes, des photographies et des cartes du champ de bataille. Parmi les soldats tombés au Linge figure le poète Jules Dupin (1890‑1915), sous‑lieutenant au 30e bataillon de chasseurs à pied, tué lors de l'assaut du Lingekopf le 26 juillet 1915 ; son nom est inscrit au Panthéon parmi les 560 écrivains morts au combat pendant la Première Guerre mondiale.