Chapelle de Bermont à Greux dans les Vosges

Patrimoine classé Patrimoine religieux Chapelle gothique Maison des hommes et des femmes célèbres

Chapelle de Bermont

  • Le Bourg
  • 88630 Greux
Chapelle de Bermont
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Chapelle de Bermont
Chapelle de Bermont
Crédit photo : AJOLI - Sous licence Creative Commons
Propriété d'une association cultuelle

Période

XIIIe siècle, XIXe siècle

Patrimoine classé

Chapelle (cad. B 51) : inscription par arrêté du 11 décembre 1998

Origine et histoire de la Chapelle de Bermont

La chapelle de Notre-Dame de Bermont, située sur la commune de Greux dans les Vosges, domine de 73 mètres la vallée de la Meuse à trois kilomètres au nord de Domrémy-la-Pucelle, sur un plateau boisé à l'écart de la route de Vaucouleurs. Son existence est attestée dès le XIIIe siècle ; le chœur, de plan rectangulaire, date de la fin du XIIe ou du début du XIIIe siècle, tandis que la nef, à vaisseau unique, a été en grande partie reconstruite au XIXe siècle. Le décor peint du chœur, stratifié au fil des siècles, comprend un ornement floral de la fin du XIVe ou du début du XVe siècle, deux personnages agenouillés de la fin du XVe siècle dont l'un est parfois identifié à Jeanne d'Arc, et une figure de saint Thiébaut datée du XVIe ou du XVIIe siècle. La chapelle fut vendue comme bien national en 1793 et restaurée à partir de 1835. Sa valeur historique et johannique a été reconnue par son inscription à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques le 11 décembre 1998, à la suite de la découverte de peintures murales représentant Jeanne d'Arc.

L'ermitage de Bermont appartenait à l'abbaye de Bourgueil à la fin du Xe ou au début du XIe siècle, attesté notamment par une bulle papale de 1004 ; il était originellement dédié à Notre-Dame, et le culte de saint Thibaut s'y ajouta à la fin du XIe siècle lors du retour de ses reliques. En 1263 l'abbaye céda Bermont à Joffroi de Bourlémont, qui en 1265 le rattacha à l'hospice Saint-Éloi de Gerbonvaux pour en augmenter les revenus ; en contrepartie les religieux de Gerbonvaux devaient dire la messe à Bermont au moins trois fois par semaine. Les seigneurs de Bourlémont conservèrent le droit de patronage jusqu'au début du XVIIe siècle ; la direction de l'hospice fut d'abord confiée à l'abbaye de Sept-Fontaines puis revint tour à tour à des religieux ou à des laïcs.

Des ermites, liés aux Prémontrés et dépendant des autorités religieuses, accueillaient les fidèles et reçurent notamment Jeanne d'Arc, qui se rendait presque tous les samedis à la chapelle pour prier et y porter des cierges. Les témoignages recueillis lors du procès en nullité de sa condamnation en 1456 confirment l'assiduité de Jeanne à Bermont et à ses environs. Elle fut très réservée sur la nature exacte de ses révélations, mais il est probable que Bermont, entouré de bois et lieu de piété où elle aimait brûler des cierges à la Vierge et à sainte Catherine, ait figuré parmi les lieux où elle entendait ses voix. Plusieurs commentateurs ont souligné que Bermont, sanctuaire dédié à la Vierge situé alors en territoire français, fut pour Jeanne un lieu significatif de sa mission, appréciation relayée par une lettre pontificale citant l'importance de ce lieu dans son parcours.

Au fil des siècles, le site connut des fortunes diverses : en 1619 le patronage passa aux oratoriens de Nancy et l'ermitage resta habité par des ermites sous leur dépendance ; pendant la guerre de Trente Ans les Suédois ravagèrent la région en 1635, détruisant le village de Greux et son église mais épargnant l'ermitage. À la Révolution la chapelle menaçait ruine et les abris des ermites furent largement détruits ; la propriété fut vendue et morcelée en 1793, et la statue de saint Thiébaut du XIVe siècle fut brisée. En 1806 on note le dernier pèlerinage attribué à saint Thiébaut.

En 1835 Claude-Jean-Baptiste Sainsère racheta la chapelle et l'ermitage à de nombreux copropriétaires ; l'effondrement partiel de la toiture en juin 1835 précipita les travaux de restauration qu'il fit entreprendre, et il fit construire une habitation voisine où il demeura jusqu'à sa mort en 1848, étant inhumé dans le cimetière des ermites. Des démarches de protection furent engagées au milieu du XIXe siècle : Prosper Mérimée proposa le classement et l'acceptation d'une donation, mais l'État renonça en 1848 en raison de délibérations locales défavorables, ce qui retardera le classement effectif jusqu'en 1998. Le domaine resta dans la famille Sainsère jusqu'en 1902, avec des occupations religieuses ponctuelles au cours du XIXe siècle.

Le site retrouva une nouvelle dynamique à partir de la fin du XIXe siècle : en 1878 un grand pèlerinage organisé par l'évêque de Saint-Dié rassembla plus de dix mille personnes et suscita des projets de sanctuarisation, contrariés par des acquisitions privées et des conflits d'autorité ecclésiale qui retardèrent l'établissement d'un sanctuaire national. À la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle Bermont accueillit des œuvres sociales et des colonies de vacances pour jeunes ouvrières, puis fut acquis en 1902 par l'Association des Amis de Jeanne d'Arc pour veiller à sa conservation ; ces activités se poursuivirent sous l'égide de l'association diocésaine créée en 1925, et des colonies de la cathédrale de Saint-Dié y eurent lieu jusque dans les années 1970.

Depuis 1944 un pèlerinage annuel à Notre-Dame de Bermont est organisé chaque premier dimanche d'août par les paroisses locales. Des visites notables et des cérémonies ont ponctué le XXe siècle : la visite d'Ingrid Bergman en 1948, des pèlerinages diocésains, et le transfert en 1976 de la statue de Notre-Dame de Bermont au sanctuaire de Domrémy. L'association « Notre-Dame de Bermont – Sainte Jehanne d'Arc », créée le 8 décembre 1992 et présidée par Alain Olivier, a engagé la restauration et la gestion du site sous un bail conclu avec le diocèse ; les travaux, soutenus par des financements européens, étatiques, départementaux, associatifs, communaux et privés, se poursuivent. La chapelle a été consacrée au Sacré-Cœur et au Cœur Immaculé de Marie en 1994 ; l'inscription aux monuments historiques a été prononcée en 1998 après la mise au jour de peintures johanniques ; la translation des reliques de saint Thiébaut a été solennisée en 2000 et une statue dédiée à la vocation de Jeanne a été bénie en 2013. Aujourd'hui le site accueille visiteurs, pèlerins — environ 3 000 personnes par an —, camps de jeunes et cérémonies religieuses, tout en poursuivant des recherches historiques et des expositions temporaires sur son riche passé.

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