Origine et histoire de la Chapelle de Prigny
Chapelle de Prigny
La chapelle Saint-Jean-Baptiste de Prigny, située dans le village de Prigny sur la commune des Moutiers-en-Retz (Pays de Retz, Loire-Atlantique), est un édifice majoritairement daté du XIe siècle. Elle fut la première église paroissiale de la commune et constitue le sanctuaire le plus méridional où l’on honore le saint breton Guénolé. L’édifice est implanté sur un ancien oppidum qui permettait de surveiller la baie de Bourgneuf, aujourd’hui devenue le Marais breton, alors havre important pour le commerce médiéval. Prigny fut au début du Moyen Âge une ville fortifiée dotée d’un château et la chapelle servait alors de chapelle castrale.
Au XIe siècle, les droits de la chapelle furent transférés à l’abbaye Saint-Jouin de Marnes, qui fonda le prieuré Saint-Nicolas hors les murs ; desservie par les moines, la chapelle devint l’église paroissiale de Prigny. La ville déclina progressivement à mesure que son port s’envasait et que le bourg des Moutiers, ancien faubourg, prit de l’importance. Aux XVIIe et XVIIIe siècles l’église reçoit des retables et une sacristie ; en 1730 le prieuré Saint-Nicolas est détruit et le culte transféré à Saint-Jean-Baptiste, qui est alors agrandie et dotée d’un cimetière.
En 1838, après le transfert du siège de la paroisse à l’église Saint-Pierre du bourg, un projet de démolition fut arrêté grâce à l’intervention du curé, soutenu par son évêque, qui invoqua un décret impérial de 1806 et rappela l’usage liturgique de l’édifice, notamment lors de la procession des Rogations ; la chapelle fut ensuite restaurée en 1876 grâce à un don de l’abbé Baconnais. Le terrain d’assiette est classé depuis le 6 septembre 1933 ; les deux travées du chœur contenant les retables sont classées au titre des monuments historiques par arrêté du 22 octobre 1913, et l’ensemble de la chapelle, hors les parties déjà classées, ainsi que son placître, ont été inscrits le 10 novembre 2016.
Le placître, qui entourait la chapelle, servait d’aire d’assemblées religieuses et de cimetière ; une dalle de pierre placée à l’entrée empêchait le petit cheptel de pénétrer parmi les tombes. La chapelle présente une particularité : elle n’est pas orientée selon l’axe est‑ouest habituel, mais selon un axe nord‑sud, motif dont la raison reste inconnue, certaines hypothèses évoquant la proximité du château. L’édifice à nef unique est couvert d’une voûte en charpente et forme à l’intérieur un quadrilatère de 17,60 m sur 6,90 m ; l’un des entraits porte la date 1641 et les murs sont blanchis à la chaux.
De style roman, l’édifice conserve des petites baies en plein cintre et des contreforts amortis en glacis avec un rehaussement à mi‑hauteur soutenant le mur ouest. Le clocher, élevé après le corps de l’église et attribué au XIVe siècle, est une tour carrée de 7 m de côté et d’environ 10 m de hauteur ; il aurait pu servir de tour de guet pour les templiers et conserve les vestiges d’une cheminée, ce qui suggère qu’il a aussi été utilisé comme foyer. Il est couvert d’une toiture à quatre pans surmontée d’une chambre des cloches coiffée d’une flèche ; une cloche peut encore être manipulée par les visiteurs. La façade sud, agrandie au début du XVIIIe siècle, comporte une porte en anse de panier, une grande fenêtre et un oculus au sommet du pignon ; des armoiries couronnées, placées sur un voile, ont été martelées pendant la Révolution, ce qui rend leur identification difficile et permet seulement d’évoquer l’hypothèse d’un abbé commendataire ou du sire de Rais.
Les trois autels baroques du XVIIe siècle constituent la principale richesse mobilier de la chapelle et sont protégés au titre des monuments historiques. Le maître‑autel, dédié à saint Jean‑Baptiste et daté de 1752, a vu son tableau central disparu remplacé par un groupe sculpté de la crucifixion avec la Vierge et saint Jean au pied ; des niches flanquantes abritent des statues de saint Jean et de Saint Sarcoul, et trois miroirs intégrés dans le décor réfléchissent la lumière ; au sommet figure une niche avec une statue de saint Jean Baptiste portant un agneau. Le retable est classé depuis le 22 octobre 1913. Le retable latéral nord, dédié à Notre‑Dame, présente une Vierge à l’Enfant de l’école normande de l’époque gothique et des niches contenant des statues de saint Joseph enfant et de saint Germain ; il est également classé le 22 octobre 1913. Le retable latéral sud, orné de statues de saint Augustin, saint Guénolé et saint Antoine de Padoue, est classé depuis le 28 juin 1962.
Une ancre d’origine viking, découverte en 1871 et exposée à l’entrée de la chapelle, présente au sommet de la vergue deux tourillons sous l’organeau permettant de solidariser un jas de bois ; elle serait liée à l’occupation du site par les Normands en 852 et pourrait avoir été fabriquée localement, compte tenu de son faible état d’usure et de la présence d’une voie appelée « Les Forges ». La chapelle conserve par ailleurs quelques éléments sculptés, dont un putto et une statue de saint Guénolé dont le pied est endommagé.