Origine et histoire de la Chapelle du Rosaire
La chapelle des Dominicaines, dite chapelle du Rosaire ou chapelle Matisse, a été édifiée à Vence (Alpes‑Maritimes) entre 1949 et 1951 pour le couvent des Dominicaines. Réalisée par Henri Matisse, l'ouvrage s'est fait en collaboration liturgique avec le Père L.-B. Rayssiguier ; Auguste Perret a exercé la fonction d'architecte‑consultant et Milon de Peillon a assuré la maîtrise d'œuvre. Les vitraux ont été exécutés par Paul Bony et les panneaux de céramique par Le Bourdillon, céramiste d'Aubagne. La chapelle fut consacrée le 25 juin 1951 et inscrite au titre des monuments historiques le 28 décembre 1965.
Matisse considérait cette réalisation comme le « chef‑d'œuvre de son existence » et le « résumé de toute sa vie active », fruit de quatre années de travail exclusif et assidu. L'initiative et la collaboration la plus étroite vinrent de Monique Bourgeois, son ancienne infirmière et modèle devenue sœur Jacques‑Marie après son entrée dans l'ordre dominicain en 1946 ; elle fut assistante de Matisse et intermédiaire auprès de la communauté.
Extérieurement, l'architecture est volontairement dépouillée : un toit de tuiles blanches et bleues et une grande croix en fer forgé signalent la chapelle, la croix portant des appoggiatures dorées réalisées par le doreur Atilius Arrighi. L'édifice comprend deux nefs convergentes, l'une destinée aux religieuses et l'autre aux fidèles laïcs ; l'autel, tourné à 45° vers l'est, regarde à la fois les deux nefs et a été taillé dans une pierre locale dont la texture et la couleur évoquent le pain.
À l'intérieur, Matisse a assuré l'ensemble de la décoration : vitraux, panneaux de céramique, mobilier liturgique et ornements sacerdotaux, conçus pour former une unité coordonnée. Les céramiques, posées sur fond blanc, portent des dessins au trait noir représentant saint Dominique, la Vierge à l'Enfant et le Chemin de croix ; ces images, volontairement simplifiées, mettent l'accent sur l'humilité et le dépouillement. Chaque station du Chemin de croix est accompagnée d'une méditation choisie par un religieux dominicain, et Jean Vincent de Crozals a servi de modèle pour les dessins du Christ. Matisse a privilégié des carreaux de céramique uniformément blancs pour renforcer le contraste avec le dessin noir et, après des centaines d'esquisses préparatoires, a composé certains motifs en peignant directement sur les carreaux posés au sol, souvent depuis une estrade et dans un état de forte concentration.
Les vitraux, réalisés en collaboration avec Paul Bony, dialoguent directement avec les céramiques : le verre apporte la couleur — vert, jaune et bleu dominants inspirés de motifs végétaux — tandis que le blanc et le noir structurent l'autre côté de la chapelle. Matisse a conçu aussi des éléments architecturaux intérieurs, comme l'atelier blanc, la porte du confessionnal et l'autel, ainsi que des vitraux et panneaux aux titres variés, certains projets restant inachevés.
Dans le souci d'une œuvre totale, il a dessiné les chasubles des officiants : six couleurs (blanche, rose, verte, violette, rouge et noire) élaborées à partir d'études en gouache découpée, avec deux motifs retenus par chasuble pour un total de douze faces décorées. Plusieurs documents préparatoires et études sont exposés à la chapelle et au Musée Matisse du Cateau‑Cambrésis.
D'abord controversée, la chapelle est aujourd'hui reconnue comme une œuvre majeure de l'art sacré du XXe siècle et témoigne de la volonté de Matisse d'atteindre « un art d'équilibre, de pureté, de tranquillité ». Souffrant de maladie, l'artiste ne put assister à l'inauguration ; il écrivit alors : « Je n'ai pas cherché la beauté, j'ai cherché la vérité. Je vous présente en toute humilité la chapelle du Rosaire des dominicaines de Vence... Elle est le résultat de toute ma vie active... Je la considère, malgré toutes ses imperfections, comme mon chef‑d'œuvre. »