Origine et histoire de la Chapelle du Saint-Esprit
La chapelle du Saint-Esprit de Rue, dans la Somme, est une chapelle latérale édifiée au nord de l'ancienne église Saint-Wulphy ; selon la légende, en 1101 un habitant trouva un crucifix sculpté dans une barque échouée sur la grève. Ce crucifix devint rapidement objet de pèlerinage et amena la nécessité d'une chapelle au XIVe siècle, puis d'importants embellissements et agrandissements entre 1440 et 1515. Le pèlerinage attira des fidèles de rang princier et royal, parmi lesquels les comtes de Ponthieu, Philippe le Bon et son épouse Isabeau de Portugal, ainsi que plusieurs rois de France cités par les sources. La chapelle reçut aussi des dons privés, notamment de Philippe Crèvecoeur qui vendit en 1479 la seigneurie de Laviers au profit de l'édifice. Construite en deux temps, elle comprend la chapelle basse orientale médiévale rehaussée au début du XVe siècle, puis, entre 1506 et 1514, le narthex, la salle du trésor et la chapelle haute, achèvement auquel contribuèrent les familles des Rambures et des Gourlé. Pendant la Révolution la chapelle fut pillée et mutilée et, en 1791, le trésor fut dévasté et le crucifix brûlé ; seul le bras droit en réchappa, fut mis à l'abri puis replacé dans un reliquaire le 5 juin 1859. L'édifice échappa à la destruction lors de l'abattage de l'église Saint-Wulphy en 1827 et fut classé monument historique dès la première liste de 1840. Des campagnes de restauration se sont succédé au XIXe siècle, avec des interventions d'architectes et d'artisans, notamment les frères Duthoit qui réalisèrent au XIXe siècle des sculptures du tympan et des scènes des Sept Douleurs. Située place Anatole Gosselin au cœur du quartier historique, la chapelle jouxte le beffroi et la chapelle de l'hospice ; sa façade donne sur l'ancienne place des marchés, centre de la ville médiévale. Considérée comme l'un des trois témoins majeurs de l'art gothique flamboyant picard avec la collégiale Saint-Vulfran d'Abbeville et l'abbatiale de Saint-Riquier, elle se caractérise par une décoration particulièrement riche. Le portail, daté du début du XVIe siècle, a conservé une grande part de son ornementation ancienne : deux rangs de voussures consacrés à la Passion (les personnages en grande partie décapités) et un gâble orné de figures de prophètes ; plusieurs éléments sculptés actuels sont l'œuvre des Duthoit. L'intérieur présente un décor aux accents flamands : trois travées séparées par de forts contreforts-éperons ornés de statues ; malgré l'érosion on reconnaît les Mages, la Vierge, Saint Louis, Louis XI, la Visitation, l'ange et Zacharie ainsi que des apôtres et des pères de l'Église. La voûte forme un réseau de nervures sculptées ponctué de clefs pendantes qui portent des statuettes ; la chapelle abritait et abrite encore de pieuses reliques. La Trésorerie, répartie en deux salles éclairées par de petites fenêtres et par une grande baie flamboyante, s'ouvre sur un narthex à haute voûte décorée d'une clef pendante remarquable, refaite après sa chute en 1960. La Trésorerie haute est accessible par un escalier provenant d'une porte du XVe siècle et possède un retable de pierre richement sculpté représentant notamment l'Annonciation, l'Adoration des bergers, l'Adoration des Mages et la Circoncision. Le portail ajouré de la chapelle comporte des voussures ornées de scènes mutilées qui racontent l'histoire du crucifix sous des coquilles de style Renaissance. Malgré les mutilations subies, la chapelle conserve un ensemble architectural et sculptural qui illustre le goût flamboyant de la fin du Moyen Âge et l'importance du culte et du pèlerinage à Rue.
