Origine et histoire de la Chapelle Saint-Rémi
La chapelle Saint-Rémy, ancienne église romane fortifiée, se dresse au cœur de Tinchebray, aujourd'hui Tinchebray-Bocage, dans l'Orne (Normandie). L'édifice est classé au titre des monuments historiques par arrêté du 20 avril 1944. Sa construction est attribuée à la fin du XIe siècle ou au XIIe siècle, les arcatures de la tour-clocher rappelant cette première période. De l'église médiévale ne subsistent que le transept et le chœur à chevet plat ; la nef a disparu et n'en laisse que la silhouette sur le mur ouest du clocher élevé sur la croisée. La croisée est surmontée d'une tour romane terminée par une flèche de charpente qui a été modifiée depuis sa construction. Les trois travées du transept et celle du chœur sont couvertes de voûtes sur croisées d'ogives. À l'époque de la guerre de Cent Ans, l'édifice a été remanié et partiellement fortifié : les murs des bras du transept ont été surélevés, des meurtrières aménagées et le bras nord doté de deux échauguettes à archères et mâchicoulis aux angles. Ces transformations, encore visibles aujourd'hui, contribuent au caractère particulier de la chapelle. Plusieurs éléments intérieurs — la voûte, de petites baies à la base de la flèche et certaines sculptures — semblent appartenir à la fin du XVe siècle, époque à laquelle remontent également trois peintures murales représentant saint Martin, saint Joseph et une charité de saint Martin. L'hypothèse d'une chapelle castrale a été récemment remise en cause (Villeroy, 2017) au profit de celle d'un édifice ayant gagné en importance grâce à la bourgeoisie locale. Pendant la Révolution française, l'église est désaffectée : elle sert d'atelier de salpêtre entre 1794 et 1795, puis devient, à partir de 1796, un lieu de refuge lors d'une attaque chouanne, avant d'être employée comme prison pour les contre-révolutionnaires. Lors des combats de 1796, la tour de la chapelle joue un rôle défensif et d'observation ; les vieillards, les femmes et les enfants s'y réfugient. L'attaque menée par Louis de Frotté, soutenu par environ 800 hommes, se solde par l'incendie de la ville et, après sept heures de combat, par la retraite de Frotté ; le bilan évoqué fait état de 84 maisons brûlées, de deux républicains tués et d'une vingtaine d'officiers ainsi qu'environ 80 Chouans tués. En 1799, la nef, jugée trop détériorée, est démolie et l'intérieur de l'édifice est profondément réaménagé : un plancher est installé pour créer un étage dans l'espace du chœur et du transept, l'arc séparant la nef de la croisée est bouché et un double escalier extérieur est construit pour desservir le nouvel étage ; un magasin est également accolé au bras nord du transept. Au XIXe siècle, la fabrique et la municipalité se disputent longuement la propriété du bâtiment ; en 1868 l'abbé Groussard demande au maire la réouverture de l'édifice au culte. Tout au long de son histoire paroissiale, Saint-Rémy a coexisté avec l'église Notre-Dame des Montiers : un règlement de 1735 précise la répartition des dimanches, fêtes, vêpres, processions et autres cérémonies entre les deux lieux, Notre-Dame conservant les grandes fêtes tandis que de nombreuses messes se tiennent à Saint-Rémy, notamment en hiver. Dans les années 1960, la chapelle retrouve un aspect proche de la fin du XVIIIe siècle (sans la nef) lorsque les aménagements du début du XIXe — plancher et escalier — ainsi que les boutiques accolées au bras du transept sont supprimés et que le mur comblant l'arc entre la nef et la croisée est remplacé par une grille. La restauration de la couverture du clocher menée dans les années 1980 met au jour une flèche en maçonnerie ; la municipalité et les Monuments historiques choisissent de conserver cette flèche et d'en compléter la partie manquante. L'ensemble de ces événements et transformations explique l'intérêt patrimonial de la chapelle Saint-Rémy.