Origine et histoire de la Chapelle Sainte-Anne
Les ruines de la chapelle Sainte-Anne, situées à l'extrémité sud de l'île-de-Batz, à l'anse de Pénity près du jardin Georges-Delaselle, sont les vestiges d'une très ancienne église romane autrefois dédiée à saint Paul Aurélien. L'ensemble, enfoui dans les dunes puis partiellement dégagé, est classé au titre des monuments historiques par arrêté du 30 juillet 1980 ; la chapelle Sainte-Anne, qui s'élève au-dessus des ruines, est, avec le phare, l'un des deux monuments classés de l'île. Une procession et une messe en plein air ont lieu chaque dernier dimanche de juillet lors du pardon de sainte Anne, patronne de la Bretagne.
Selon la tradition rapportée dans la Vie de saint Paul Aurélien (rédigée en 884), un épisode légendaire oppose le saint à un dragon ; l'étole miraculeuse associée à ce récit est conservée dans l'église paroissiale, bien que cet tissu, d'origine orientale, date du VIIIe siècle. La tradition veut que saint Paul ait fondé un monastère sur l'île, où il se serait retiré après sa mission épiscopale ; ce monastère aurait subsisté jusqu'aux invasions vikings qui le détruisirent en 878 et firent de l'île une base de raids. Après la reconquête contre les Normands en 939, Alain Barbetorte refonde l'église sur l'emplacement de l'ancien monastère.
La datation de l'édifice roman fait l'objet d'un débat : certains, comme Marc Déceneux, l'attribuent au mécénat du comte Juhel Béranger à la fin du Xe siècle, tandis que d'autres historiens privilégient une datation au XIe siècle. Autour de l'anse du Pénity se trouvait autrefois le principal habitat de l'île, avec, outre l'église Saint-Paul-Aurélien, une petite église Notre-Dame-du-Pénity qui disparut à la fin du XVIIIe siècle ; jusqu'au XVIe siècle, l'église Saint-Pol dépendait d'un prieuré rattaché à l'abbaye Saint-Melaine de Rennes avant de s'en détacher.
À partir d'environ 1550, le retrait marin lié au Petit Âge glaciaire favorisa l'ensablement du Pénity et incita la population à se déplacer vers le bourg actuel, autour de la chapelle Notre-Dame-de-Bonne-Nouvelle (XIIe siècle). Malgré ce déplacement, Saint-Paul resta l'église principale de l'île jusqu'en 1786, année où elle fut réquisitionnée par l'État comme dépôt de munitions, puis endommagée lors de la Révolution ; le recteur signala en 1804 l'impossibilité du culte sur ce site et les ruines furent recouvertes de plus de trois mètres de sable.
Le désensablement entrepris en 1860 mit l'édifice au jour presque intact, mais l'excavation de la nef provoqua l'effondrement d'une grande partie des arcades et de plusieurs piles sous la pression du sable extérieur ; l'abside, restée intacte, fut transformée en oratoire dédié à sainte Anne. Menacées d'éboulement, les ruines font l'objet de restaurations engagées progressivement depuis 2016.
Architecturalement, l'église présente un plan en croix latine à transept peu saillant, un chœur en abside semi-circulaire et une absidiole à l'est de chaque bras du transept ; elle relève de la première période de l'architecture romane en Bretagne et semble n'avoir connu que peu de transformations ultérieures. La façade ouest, surmontée de la base d'un campanile, est contrebutée par deux contreforts plats et percée d'une porte et d'une fenêtre en plein cintre, tandis qu'un oculus s'ouvre dans le mur du bas-côté sud ; les murs sont montés en petits moellons irréguliers.
L'édifice mesure 28 mètres de longueur ; la nef large de 4,50 mètres et les bas-côtés larges de 1,90 mètre étaient couverts d'une charpente. La nef, composée de cinq travées, s'ouvrait sur les bas-côtés par des arcs fourrés en plein cintre à simple rouleau dont subsiste la naissance contre le mur ouest ; ces arcs retombaient directement sur des piles maçonnées rectangulaires d'un mètre sur 0,75, espacées de deux mètres. On ne peut déterminer avec certitude la présence d'un clair-étage, mais elle paraît plausible au vu du profil du pignon qui marque un décrochement entre la nef et les bas-côtés.
Le transept, peu saillant, forme deux croisillons bas dotés d'absidioles et s'ouvre sur la nef par des arcades à peine plus larges que celle-ci, sans arc diaphragme ni tour de croisée, donnant une impression de continuité volumétrique jusqu'au chœur. Les piles du transept portent des tailloirs simples et l'un des piliers du bras nord présente des motifs géométriques sur le bandeau du taillant. La nef s'achève par un grand arc de plein cintre ouvrant sur le chœur, surmonté de deux petites fenêtres ébrasées dans le haut du pignon ; le chœur comporte une travée voûtée en berceau prolongée par une abside en cul-de-four, et au pied de l'autel se trouve une dalle funéraire gravée.