Origine et histoire de la Chartreuse d'Aillon
La chartreuse d'Aillon, aussi appelée Mont-Sainte-Marie ou Notre‑Dame d'Aillon, est un ancien monastère de l'ordre des Chartreux situé à Aillon‑le‑Jeune, dans le massif des Bauges (Savoie, Auvergne‑Rhône‑Alpes). Sa fondation fait l'objet de traditions divergentes : certains auteurs évoquent 1143, d'autres retiennent 1178 ou 1189, mais tous s'accordent sur l'importance du don consenti par le comte Humbert III. Installée dans une petite combe au pied du Grand Colombier, la chartreuse occupait un site isolé et escarpé, accessible principalement par la route départementale depuis Aillon‑le‑Jeune. À l'origine, les bâtiments s'organisaient autour de trois cours ou jardins successifs, le dernier abritant le cimetière. Les possessions de la maison comprenaient de vastes forêts, près de dix fermes, des vignes et des terres en plaine, soit environ trois mille hectares, ainsi que des moulins et des martinets pour travailler le fer. Les chartreux y menaient des activités agricoles et métallurgiques : minerais et métaux provenaient notamment de la vallée des Hurtières et étaient transportés par mulets via le col du Frêne vers des forges et des martinets installés dans la combe et dans la plaine d'Albigny. Ces ressources permirent à la communauté de croître, accueillant plus d'une vingtaine de moines à son apogée, entourés de convers et de salariés attachés au domaine. La chartreuse connut plusieurs incendies, dont celui de 1582 qui entraîna d'importantes reconstructions, et l'essentiel du monastère fut remanié aux XVIIe et XVIIIe siècles; le portail d'entrée porte des clefs datées de 1646 et 1670. L'occupation française et les mesures révolutionnaires provoquèrent l'expulsion des moines en 1793, la vente des meubles en février 1793 et la mise en vente des biens en 1794 ; les bâtiments furent pillés et démontés, les pierres revendues, et la plupart des constructions tombèrent en ruine. En 1804 il ne subsistait guère que l'hôtellerie dite « bâtiment des étrangers », utilisée plus tard comme portail pour la nouvelle église paroissiale d'Aillon‑le‑Jeune. À la Correrie, maison basse située à 500 mètres en contrebas, subsistent une chapelle dédiée à saint Michel, un cimetière et une grangerie ; la chapelle présente des éléments d'architecture baroque et un clocher à bulbe rénové au XXe siècle, tandis que la croix de cimetière, de forme cylindrique et probablement datée du XIIIe siècle, est inscrite à l'Inventaire supplémentaire depuis 1944. Le bâtiment d'entrée conservé est une construction du XVIIe siècle longue d'environ 42 mètres sur deux niveaux, avec arcatures et galeries, et une toiture en ardoise restaurée au cours des travaux récents; à l'arrière se trouve un puits en pierre cerclé de fer et des traces d'un système d'irrigation mises au jour lors de fouilles. Après une période d'utilisation agricole par des propriétaires privés au XIXe siècle, le site suscita un mouvement de sauvegarde local dans les années 1980 ; l'association pour la Sauvegarde de la Chartreuse d'Aillon se mobilisa et la Communauté de communes acquit l'édifice en 1990. Des travaux de consolidation et de restauration débutèrent dans les années 1990, le toit étant repris notamment en 1994, date à laquelle les bâtiments et l'emprise de la chartreuse furent inscrits à l'Inventaire supplémentaire des monuments historiques. Le site a été réhabilité pour accueillir la Maison du patrimoine du Parc naturel régional du massif des Bauges, inaugurée en 2008, puis a fermé ses portes à la fin de la saison 2024 en raison du retrait du parc et du manque de financements. Les archives et la succession des priors, documentées du XIIe au XVIIIe siècle, témoignent d'une longue continuité monastique, tandis que les armes de la chartreuse, d'or à l'aigle de sable, renvoient aux armoiries primitives de la maison de Savoie. Aujourd'hui le seul bâtiment conservé permet d'évoquer l'organisation et l'histoire d'une maison cartusienne qui fut, jusqu'à sa désaffection révolutionnaire, un acteur important du paysage économique et religieux des Bauges.