Origine et histoire de la Chartreuse de Champmol
La chartreuse de la Sainte-Trinité de Champmol, fondée par Philippe le Hardi à la fin du XIVe siècle sur un domaine acquis en 1378, devint un foyer important de la sculpture et de la peinture bourguignonnes. Les ducs de Bourgogne y firent venir des artistes renommés — Jean de Marville, Claus Sluter, Claus de Werve, Jean de Beaumetz, Melchior Broederlam, Jacques de Baerze, entre autres — pour décorer l'église et les bâtiments conventuels et y établir une nécropole ducale. À la Révolution la communauté fut chassée, les bâtiments vendus et l'église partiellement démolie ; plusieurs œuvres furent dispersées dans des musées. Des vestiges majeurs subsistent : le portail de la chapelle, la tourelle d'escalier de l'oratoire ducal, deux puits dont le célèbre Puits de Moïse réalisé par Claus Sluter et son atelier, l'hôtellerie et deux portails datés des XVe et XVIIIe siècles. Le département de la Côte-d'Or acheta le site en 1833 pour y établir un asile d'aliénés, projet rendu impératif par la loi du 30 juin 1838 et confié à l'architecte départemental Pierre‑Paul Petit. Le plan, daté du 27 octobre 1838 et approuvé le 17 juin 1839, s'articule en U sur l'emplacement approximatif du grand cloître, en conservant le puits de Moïse au centre et en réutilisant le portail ancien pour la chapelle latérale. Les constructions principales furent entreprises en 1839, l'adjudication ayant eu lieu le 19 décembre 1839, et l'établissement accueillit ses premiers patients en janvier 1843 ; la chapelle néo-gothique fut bénie en 1844. Conçu pour 200 à 220 malades répartis en catégories et séparés par sexe, l'asile comportait de longues ailes à trois niveaux organisées en quartiers, des pavillons pour les furieux et les malpropres en rez-de-chaussée, ainsi qu'un corps axial abritant cuisines et services ; des galeries grillagées permettaient au personnel de circuler et les aménagements valorisaient la végétation et l'eau pour leurs effets apaisants. Pour des raisons budgétaires, certains bâtiments prévus (morgue, amphithéâtre, partie de l'administration) ne furent pas réalisés et l'administration fut logée dans l'ancienne hôtellerie. Après la démission de Pierre‑Paul Petit en 1846, son successeur Charles Suisse fit construire en 1846-1847 des corps de bâtiment perpendiculaires au sud des ailes et un mur de clôture flanqué d'une porte et de pavillons ; divers équipements (bains, buanderie) amenèrent l'achèvement des installations initiales vers 1850. L'augmentation rapide du nombre de malades entraîna la construction ultérieure de pavillons isolés, notamment des pensionnats pour femmes et hommes entre 1867 et 1875 et des quartiers pour « idiots et gâteux » en 1874-1875, puis la création en 1939 d'un centre de neuropsychiatrie militaire. L'ensemble hospitalier, relativement préservé jusque dans les années 1950, a depuis subi des destructions et remaniements (démolition de galeries de liaison, transformations de bâtiments de services, cloisonnement des dortoirs) et un développement vers l'ouest. Le parti architectural des bâtiments asilaires, d'allure austère, contraste avec la chapelle néo-gothique qui intègre des éléments anciens sauvés des destructions antérieures et protège le portail médiéval sous un porche couvert. Le Puits de Moïse, classé monument historique, demeure abrité sous son édicule et conserve des prophètes en ronde-bosse et des anges attribués à l'atelier de Claus Sluter et Claus de Werve, avec des traces de polychromie. Aujourd'hui, les bâtiments de l'ancienne chartreuse accueillent un centre hospitalier spécialisé en psychiatrie et santé mentale, tandis que les œuvres autrefois conservées sur le site sont réparties dans plusieurs musées, témoignant de l'importance artistique et historique du lieu.