Origine et histoire de la Chartreuse de la Sylve-Bénite
La chartreuse de la Sylve-Bénite est un ancien monastère de l'ordre des Chartreux, fondé en 1116 en Dauphiné de Viennois, aujourd'hui situé dans le département de l'Isère sur les communes des Villages du Lac de Paladru et du Pin. Cette fondation intervient trente-deux ans après la création de la maison-mère, la Grande Chartreuse, au-dessus de Grenoble. Le monastère a connu de nombreuses transformations au fil des siècles et une destruction partielle lors des guerres de Religion ; il fut définitivement fermé à la Révolution et repris en biens nationaux. Son nom latin est Cartusia Sylva Benedicta, « Sylve » venant du latin silva signifiant « forêt » et « Bénite » de benedicere, « dire du bien ».
L'ensemble cartusien s'étend à l'extrémité occidentale de la commune, à l'orée de la forêt de la Sylve-Bénite, massif situé entre la chartreuse et les châteaux de Pupetières et de Virieu. La Via Gebennensis, un itinéraire de Saint-Jacques-de-Compostelle depuis Genève qui converge ensuite avec la via Podiensis et le GR65, longe l'enceinte de l'ancienne maison haute et suit les crêtes dominant le lac de Paladru avant de gagner les bois et hameaux menant au Grand-Lemps. L'accès routier se fait depuis la RD 17, qui relie La Tour-du-Pin au carrefour de la RD 520 ; un parking aménagé près de la grange dîmière permet de stationner les visiteurs, mais l'accès direct à la maison haute est interdit car elle constitue une propriété privée. La desserte en transports en commun la plus proche est une ligne à la demande au village du Pin, gérée par la communauté d'agglomération du Pays Voironnais, et la gare ferroviaire la plus proche se situe à Châbons, à environ huit kilomètres.
La fondation de la chartreuse découle d'un don d'une dame de la paroisse d'Ars : une colonie de six moines conduite par le prieur dom Othger, venue de la maison-mère, s'établit sur des terres offertes par les marquis de Virieu. Parmi les premiers bienfaiteurs figure, selon les annales, l'empereur Frédéric Barberousse, dont la présence historique a donné naissance à des légendes locales liées au village d'Ars et au lac de Paladru. Ces traditions, transmises oralement puis littérairement, racontent diverses fables — engloutissement du village en punition divine, récits de pèlerins, de dames ou de chevaliers et la légende d'une cloche d'or — qui participent à la mémoire populaire du site.
À la Révolution, comme pour de nombreux établissements religieux, les bâtiments furent pillés, vendus comme biens nationaux et laissés à l'abandon ; une partie des constructions fut ensuite intégrée à des propriétés privées. Aujourd'hui, la « Maison Haute », correspondant à l'ancien couvent des pères profès, est une propriété privée non ouverte au public, tandis que la « Maison Basse » ou correrie ne conserve que la grange dîmière, propriété de la collectivité et accessible au public à certaines périodes.
La grange dîmière, appelée aussi grange de la Courterie, porte la date 1549 et a été reconstruite en 1655 selon l'inscription du linteau ; sa dernière restauration date de 1993 et elle bénéficie d'une inscription partielle au titre des monuments historiques par arrêté du 9 juin 1987. Construite pour stocker la dîme en grains, sa maçonnerie expose des galets issus des moraines glaciaires locales. Propriété de la Communauté d'Agglomération du Pays Voironnais, elle accueille aujourd'hui des expositions et des manifestations culturelles ; la grange-étable de l'Espinasse à Entre-deux-Guiers est un exemple proche de bâtiment cartusien comparable.
Les vestiges du monastère — cloître, cellules et autres constructions — sont protégés dans une enceinte close et leur implantation est documentée par de nombreux plans anciens et modernes ainsi que par des archives qui permettent de restituer l'organisation conventuelle. Parmi les prieurs cités figurent Don Aynard vers 1208 et N. Molin, mort en 1638, qui fut bénédictin avant d'entrer à la Grande Chartreuse et occupa ensuite plusieurs charges dans l'ordre. D'autres personnalités liées au monastère incluent Terric, fils illégitime de Frédéric Barberousse, devenu frère convers en 1168, et des membres de la maison de Clermont-Tonnerre qui furent inhumés dans l'enceinte.
La Sylve-Bénite a inspiré des études et des ouvrages, parmi lesquels les travaux d'Annie Maas et Cécile Sage ainsi que le roman historique et les recueils de légendes consacrés au lac de Paladru. De nombreux documents et ressources d'archives et d'architecture permettent d'approfondir la connaissance de ce site cartusien et de son histoire.