Période
XIVe siècle, XVe siècle, XVIe siècle, XVIIe siècle, XIXe siècle
Patrimoine classé
Façades et toitures de l'ensemble du château (enceinte avec les tours, poterne d'entrée et logis d'habitation) ; douves ; oratoire et grand salon situés au premier étage du logis d'habitation (cad. AM 186) : classement par arrêté du 1er février 1968 - Jardins et parc, ainsi que les murs de clôture (cad. AM 88, 172 à 174, 179, 182, 189 à 197, 229, 233) : inscription par arrêté du 5 juillet 1993 - Les deux pavillons d'entrée du jardin ; la pêcherie et la pièce d'eau voisine ; le potager avec le canal qui l'entoure ; les chartreuses ; le portail d'entrée de la ferme (cad. AM 88, lieudit Le Bourg, 176, 177, lieudit Le Parc, 189 à 197, lieudit Le Potager, 229, lieudit Les Ouches) : classement par arrêté du 3 décembre 1998
Origine et histoire du Château d'Ainay-le-Vieil
Le château d'Ainay‑le‑Vieil est l'une des forteresses féodales du XIVe siècle les mieux conservées, implantée au cœur du village d'Ainay‑le‑Vieil dans le Cher. Édifié vers 1330–1340 pour Jean de Sully, il se présente sous la forme d'une vaste enceinte polygonale irrégulière à huit faces, entourée de douves d'eau vive. Selon Denis Hayot, certaines parties de l'enceinte pourraient remonter à la seconde moitié du XIIIe siècle, comme l'attestent des archères à fente chanfreinée, et sa silhouette défensive lui a valu le surnom de « petit Carcassonne ». Le site, occupé par des Gallo‑Romains et fortifié dès le Haut Moyen Âge, se situe près d'une ancienne voie romaine et sur une frontière stratégique entre domaines rivaux, ce qui explique l'existence d'une double enceinte et son rôle militaire pendant la guerre de Cent Ans. La seigneurie appartint successivement à des familles liées à la cour — Bourbon, des Barres, Sully, Culant — puis passa aux Bigny en 1467; les descendants de cette famille résident au château depuis lors. Pendant la guerre de Cent Ans, Ainay‑le‑Vieil fut l'un des rares châteaux de la région à demeurer fidèle au roi de France après la bataille de Poitiers. Aux XVe et XVIe siècles, des transformations traduisent la mutation du site vers le confort et le prestige : vers 1500–1505, Charles de Bigny fit édifier au nord‑est du rempart un logis pré‑Renaissance en brique et pierre de style Louis XII. Claude de Bigny, gouverneur de la Bastille, et son épouse Jacqueline de L'Hôpital poursuivirent les aménagements, et Gilbert de Bigny fit bâtir une chapelle dans une tour vers 1527, couverte d'un plafond à caissons sculptés. Les intérieurs comprennent des cheminées monumentales dans le goût pré‑Renaissance et des peintures murales des XVIe et XVIIe siècles attribuées à Jean Boucher et à son école, récemment restaurées pour révéler les apports successifs des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles. À la fin du Moyen Âge le château perdit une partie de sa vocation militaire et le donjon fut abattu pour laisser place au corps de logis. Vers 1600, deux pavillons de style Renaissance tardif furent élevés à l'emplacement de la seconde enceinte pour marquer l'entrée des jardins d'eau créés par le marquis de Bigny ; canaux et bassins desservaient le « Carré de l'Île » et alimentaient le moulin. Mis en vente comme bien national à la Révolution, le château resta longtemps sans propriétaire et connut un état de ruine avant des restaurations entreprises au milieu du XIXe siècle, entre 1855 et 1858, par Anatole de Chevenon. Sous l'action de la famille, le parc de sept hectares prit un caractère paysager, une roseraie fut plantée et des chartreuses furent aménagées près du Carré de l'Île pour améliorer la production fruitière. Au XXe siècle la propriété s'ouvrit au public : en 1954 le baron et la baronne Géraud d'Aligny l'ouvrirent au public, développèrent animations et un spectacle « son et lumière » et participèrent à la route touristique devenue la route Jacques‑Cœur. Depuis les années 1980 une politique culturelle active et des opérations de réhabilitation après la tempête de 1984 ont permis de restaurer jardins et bâtiments et d'accroître l'offre touristique avec chambres d'hôtes, gîtes, restaurant, salle de réception et expositions. Le parc, labellisé Jardin remarquable, met en scène une forte présence de l'eau — douves, canaux, bassins et dérivations — qui sert tour à tour de défense, d'élément d'agrément et de ressource utilitaire. La roseraie rassemble une collection de roses anciennes et rares, depuis la rosa gallica et les variétés centifolia et damas jusqu'à la rosa indica, des rosiers grimpants, la rose Colbert (créée en 1989), la Viridiflora, la Cristata dite « Chapeau de Napoléon » et la Fantin‑Latour. Cinq chartreuses entourées de murs et reliées par des arcades protègent des jardins thématiques où se pratiquent treillage, palissage et taille : un jardin bouquetier, un verger sculpté, un jardin de méditation autour d'une « maison en if », un cloître des Simples avec promenoir en tilleuls et des parterres de broderie évoquant les jardins à la française. Sur le plan architectural, l'enceinte octogonale d'environ un demi‑hectare, entourée de douves et dotée de neuf tours crénelées, de meurtrières et d'un chemin de ronde, témoigne de l'architecture militaire du XIVe siècle, tandis que le logis, la tour d'escalier et les ouvertures traduisent l'adoption d'un vocabulaire pré‑Renaissance. La chapelle, les grandes cheminées sculptées, des vitraux attribués à Jean Lecuyer et des peintures murales font partie des décors intérieurs remarquables, complétés par des tableaux et souvenirs familiaux évoquant notamment des membres de la lignée Colbert‑Chabanais. Le château et ses abords bénéficient de protections successives : après une première inscription en 1862 puis un retrait en 1888, les façades, toitures, douves, l'oratoire et le grand salon ont été classés monument historique le 1er février 1968, le parc et les murs de clôture ont été inscrits le 5 juillet 1993, et plusieurs éléments des jardins, le portail de la ferme et la pêcherie ont été classés le 3 décembre 1998. Ainay‑le‑Vieil conserve ainsi la combinaison rare d'une enceinte médiévale lisible et d'aménagements domestiques et paysagers illustrant la transition entre l'art gothique et la première Renaissance française.