Origine et histoire du Château de Beaurepaire
Le domaine de Beaurepaire, dit aussi château de Martinvast, est une demeure du XVIe siècle (1579-1581), largement remaniée dans un style néogothique au XIXe siècle ; elle se situe sur la commune de Martinvast et s'étend également sur la commune de Hardinvast, dans le nord de la Manche, en Normandie. Le domaine est partiellement inscrit au titre des monuments historiques. Le château se trouve à 800 mètres au sud-est de l'église Notre-Dame de Martinvast.
Sur le site se dressait un ancien château féodal de la famille de Martinvast, ruiné pendant la guerre de Cent Ans, comme l'attestent des aveux de 1398 et de 1607 qui mentionnent un manoir sur motte ; aucune motte ne subsiste aujourd'hui à l'emplacement du château actuel. Aux XVe–XVIe siècles, la famille de Beaurepaire du Moncel entre en possession de la terre de Martinvast et un logis de style Renaissance est reconstruit entre 1579 et 1581 par Berthole du Moncel, qui conserve le donjon circulaire du XIVe siècle entouré de douves et de marécages. Jacques du Moncel est qualifié de seigneur de Beaurepaire dans un aveu de 1616, et Jean‑François du Moncel y décède en 1809.
Le comte Alexandre du Moncel, qui recevra notamment l'impératrice Marie‑Louise au château, entreprend à partir de 1820 d'importants travaux de restauration : remblaiement des douves, drainage, suppression des étangs, construction de tours tout en conservant le donjon médiéval, aménagement d'un parc et développement d'une exploitation agricole moderne employant une centaine de personnes avec moulins, huileries, pressoir et boulangerie. Sous son action, le parc passe d'environ 156 hectares à plus de 500 hectares et, en 1850, le gouvernement y crée une ferme‑école placée sous sa direction. En 1867 le domaine est vendu à l'épouse du baron Arthur de Schickler, et le baron confie des agrandissements de style gothique à l'architecte britannique William Henry White ; les plans du nouveau château sont exposés aux salons des Beaux‑Arts en 1867 et 1869.
Les travaux du baron comprennent l'adjonction d'une galerie au nord, la création d'une aile reliant le donjon à la construction du XVIe siècle, l'établissement de serres et la création d'un haras par Charles Letrosne. Les massifs floraux et les essences rares du parc sont enrichis et dessinés pour compléter l'aménagement paysager hérité du comte du Moncel. Durant la Seconde Guerre mondiale, le château est occupé par des officiers supérieurs allemands ; un incendie provoqué par un bombardement britannique du 16 janvier 1944 détruit l'aile gauche du XVIe siècle, et un bombardement américain en mai 1944 touche la ferme et les granges et détruit une partie de l'aile néogothique du XIXe siècle.
Après la guerre, Marguerite de Schickler, épouse du comte Hubert de Pourtalès, fait reconstruire le pavillon Renaissance, sans restaurer la galerie doublant l'aile Renaissance ni la salle à manger, dont le manteau de cheminée conserve un décor sculpté dessiné par White intitulé "L'Arche de Noé". En 1967, le comte Christian de Pourtalès‑Schickler restaure l'aile gauche détruite, puis à partir de 1995 il fait édifier une galerie de liaison entre cette aile et les parties intactes du XIXe siècle.
La tour circulaire du XVe siècle et le petit bâtiment qui lui est accolé sont les éléments les plus anciens du domaine. L'ensemble reconstruit sur l'emplacement de l'édifice de 1581 présente, dans sa seconde moitié du XIXe siècle, des caractéristiques médiévalisantes et une emprunte du Second Empire que Norbert Girard rapproche de l'école de Viollet‑le‑Duc. Les armoiries du baron de Schickler et de son épouse, qui ornaient les bases des colonnes au sud de l'escalier central extérieur, ont été sauvegardées et servent aujourd'hui de supports à deux vasques côté nord.
L'intérieur a été réaménagé dans un style gothico‑victorien imposant par William Henry White pour le baron de Schickler. Un tableau brodé exposé dans la galerie porte les armes de la famille de Pourtalès.
Le parc paysager, de cent hectares, aménagé vers 1820 par le comte Alexandre du Moncel, comprend bois, prairies, étangs, une cascade, des sculptures — deux lions soutenant deux colonnes torses en marbre de Vérone et une statue de femme de Gaetano Motelli — ainsi que des fabriques, dont un obélisque dit "haute folie" du XVIIIe siècle, situé sur une hauteur à la limite avec Hardinvast et accessible par un escalier intérieur. Le baron de Schickler enrichit ce parc d'essences exotiques et de massifs d'arbustes à fleurs — rhododendrons, camellias, hortensias — abrités par des conifères, et le domaine a reçu la visite, entre autres, de l'impératrice Marie‑Louise, de Joséphine, de l'impératrice Eugénie, de la reine Victoria et de l'empereur Pedro Ier du Brésil.
Au titre des monuments historiques, les façades et toitures du château ont été inscrites par arrêté du 27 avril 1976 ; par arrêté du 28 décembre 1992 ont été inscrits les façades et toitures de l'ensemble des bâtiments (à l'exclusion des bâtiments contemporains), l'obélisque, le moulin à vent, les murs d'enceinte avec leurs piliers et grilles, le potager avec ses serres et ses murs, ainsi que le parc avec l'ensemble de ses aménagements paysagers et hydrauliques. En juillet 1922, quelques scènes du film muet La dame de Monsoreau de René Le Somptier ont été tournées au château, le reste du tournage ayant eu lieu au château de Nacqueville.