Origine et histoire du Château de Chastellux
Le château de Chastellux est un édifice des XIe, XIIIe, XVe et XIXe siècles situé à Chastellux‑sur‑Cure (Yonne), en Bourgogne‑Franche‑Comté. Il est toujours habité par la famille qui l'a construit, situation rare en France. Les parties les plus anciennes encore visibles, notamment la tour Saint‑Jean, remontent à environ 1080. La tour Saint‑Jean, dernier vestige de la forteresse médiévale, compte cinq niveaux ; son escalier est taillé dans l'épaisseur du mur, dont la base dépasse 3,5 m de largeur. Au deuxième étage se trouvent une prison pour officier et un cachot accessible par une ouverture dans la voûte, et le toit est couronné d'une lanterne abritant la cloche du guet. Le château a été agrandi et transformé sans rupture par les générations successives de la même famille. Au XIIIe siècle la construction de la salle des Gardes est datée par une inscription portant 1240 ; elle est encadrée par la tour de l'Ermitage et celle des Archives, tandis que du côté ouest subsistent le donjon et la tour d'Amboise. Une seconde enceinte flanquée de tourelles renforçait la position défensive ; un fossé reliant deux vallons fermait cette enceinte, aujourd'hui disparue. Érigé sur un promontoire dominant la Cure, le château occupait un rôle stratégique aux confins du duché de Bourgogne et du comté de Nevers et a accueilli des garnisons et des armées de défense. Les seigneurs de Chastellux sont attestés sur le site dès 1116, lors d'une audience tenue au deuxième étage de la tour Saint‑Jean. Attachés aux ducs de Bourgogne, ils combattent notamment lors de la prise de Paris en 1417 et à la bataille de Cravant le 31 juillet 1423; le maréchal Claude de Chastellux obtient des privilèges liés à ces faits d'armes et est inhumé dans la chapelle du château. Dans la seconde moitié du XVe siècle, le maréchal agrandit le logis entre la tour des Archives et la tour d'Amboise et fait édifier la tour octogonale et la chapelle. En 1592 Olivier de Chastellux surélève le bastion en une tour d'habitation dite tour d'Amboise et aménage la terrasse qui encercle le château. Au début du XVIIe siècle la place conserve une garnison importante : le prince de Condé ordonne en 1615 l'établissement d'une compagnie de cent hommes de pied et demande l'année suivante la levée d'une compagnie de soixante chevau‑légers à loger au château. En 1621 Louis XIII réunit les fiefs des Chastellux en comté. François‑Jean de Chastellux participe à la guerre d'indépendance des États‑Unis aux côtés de George Washington, publie des récits de voyage, est élu à l'Académie française le 27 avril 1775 et teste en France, sur lui‑même, le vaccin contre la petite vérole. Pendant la Révolution le château subit des destructions et des pillages : armes anciennes volées en 1792, mobiliers et archives saisis le 5 août 1793 et des tableaux brûlés le 10 août sur la place d'Avallon. La famille ne rentre au château qu'à la fin de l'Empire, en 1810, après dix‑neuf ans d'exil en Italie. La fille des propriétaires, Georgine, épouse Charles de La Bédoyère, qui accueille Napoléon lors des Cent‑Jours et est fusillé le 19 août 1815 à la barrière de Grenelle. Sous la Restauration César Laurent de Chastellux restaure l'ensemble dans un esprit médiéval et surélève la tour d'Amboise de deux étages. Le château est brièvement occupé par le général de Lattre le 15 juin 1940; les propriétaires retrouvent les lieux le 6 septembre suivant. Un incendie, déclenché le 30 mai 1975 dans un conduit de cheminée, détruit la toiture et les combles ; la tour d'Amboise conserve les traces de cet événement. Plusieurs films et téléfilms y ont été tournés, parmi lesquels Mon oncle Benjamin d'Édouard Molinaro (1969), L'épingle noire (1982), Le fantôme du lac (2004) et La Révolte des innocents (2018). Le lac du Crescent, aménagé par une digue construite de 1929 à 1932, a une capacité de 14,6 millions de mètres cubes, régule la Cure et contribue à limiter les crues de la Seine, comme celle de 1910; avant la digue le flottage du bois circulait sur la Cure jusqu'en 1923. Le château, à l'exception de la tour classée, est inscrit au titre des monuments historiques depuis le 10 novembre 1925 ; la tour Saint‑Jean est classée depuis le 10 novembre 1976 et les communs, le colombier, les bâtiments de la ferme, les terrasses et leur soubassement sont inscrits depuis le 17 février 1989. L'ensemble du château et ses abords constituent un site classé et inscrit par arrêté du 9 septembre 1935. Propriété privée, le château est ouvert à la visite depuis le 1er juillet 2008, de Pâques à la Toussaint : le parc se visite librement et gratuitement, tandis que les visites guidées du château sont payantes et sont souvent conduites par le propriétaire ou un membre de sa famille. Pour l'étude et la documentation, on peut notamment consulter l'ouvrage de l'abbé Jacques‑François Baudiau, Le Morvand, t. III, p. 143‑179.