Origine et histoire du Château de Keriolet
Le château de Kériolet est un édifice néo-gothique situé près de Beuzec-Conq, dans la commune de Concarneau, dans le Finistère. Conçu par l'architecte diocésain Joseph Bigot, il rassemble des emprunts à l'architecture civile gothique, évoquant notamment Blois, Pierrefonds et Josselin. Le corps principal, en L, est complété par des dépendances : un corps de garde à l'entrée du parc, une tour, une porte charretière et une porte piétonne fermant la cour d'honneur à l'ouest, ainsi qu'un mur de soutènement qui crée une douve au nord de cette cour. La salle des gardes présente des vitraux dont certains figurent les rois de France et un plafond en chêne sculpté inspiré de celui de la salle capitulaire de Reims. La première campagne de travaux, menée entre 1866 et 1869, a rénové l'ancien manoir et permis la construction de l'aile ouest ; la seconde, entre 1880 et 1884, a vu l'érection de la chapelle et du hall, Bigot réalisant entre-temps les dépendances et divers aménagements intérieurs. Propriété privée, la demeure est inscrite au titre des monuments historiques par arrêté du 21 décembre 1984 pour ses façades, ses toitures et sa salle des gardes, incluant cheminée et vitraux. Le nom Keriolet apparaît dans les textes en 1481 ; y ont résidé notamment Jean Trévaré, comptable ducal à Concarneau, puis, aux XVIIe et XVIIIe siècles, des familles locales comme les Kériollet, les Trédern et les Kersalaun, ainsi qu'en 1752 l'ancien maire Jean‑Pierre Billette. À la fin des années 1850, le capitaine Charles (ou Henri ?) Chauveau, courrier diplomatique entre Paris et Saint‑Pétersbourg, rencontra la princesse russe Zénaïde Youssoupoff, née Narychkine ; elle l'épousa malgré les réticences de la cour impériale, et Chauveau acquit ensuite titres et noms qui lui permirent d'aspirer à une carrière politique. Pour pouvoir se présenter comme conseiller général, il acheta en 1861 le domaine de Kériolet, dont le manoir remontait au XVIe siècle, et fit également acquérir le manoir du Moros, qu'il remania plus modestement. Sous la direction de Bigot, la reconstruction s'étala sur vingt ans et coûta près de 1,5 million de francs-or. Le « nouveau » château rappelle le château de Blois par un bas‑relief de Louis XII sur la façade, emprunte une tourelle‑escalier à Rustéphan et un portail au prieuré de Locamand, et comporte des sculptures décoratives présentant couronnes comtales et marquisales, fleurs de lys, hermines, étoiles d'inspiration russe, coquilles Saint‑Jacques et les lettres A et L accolées. Le parc était enrichi de plusieurs statues — dont une Velléda copie d'une œuvre d'Hippolyte Maindron exposée au Louvre, un Vercingétorix, un Charles VIII, une Anne de Bretagne, une Jeanne d'Arc et un Bertrand du Guesclin — et comprend la Tour de garde et la Tour Marie‑Jeanne, ainsi nommée en souvenir de la cuisinière du comte. Près de l'entrée de la chapelle, aujourd'hui disparue, se trouvait une crucifixion du XVIe siècle représentant un Christ dont un ange recueillait le sang dans deux calices ; la toiture de la chapelle était ornée d'anges aux trompettes et coiffée d'un archange Saint‑Michel terrassant le dragon. La première pierre de la chapelle fut posée en 1879 ; un autel et son retable provenant de l'église de Névez furent démontés en 1900 pour être remontés dans la chapelle, puis replacés en 1954 dans l'église de Névez. Le comte de Chauveau mourut à Kériolet en octobre 1882 ; il avait légué le domaine à sa sœur, madame Prieur, mais sa veuve Zénaïde racheta ensuite la propriété et la donna au département du Finistère à la condition qu'on la laissât intacte. Zénaïde Youssoupoff continua d'y passer des étés et mourut en 1893 ; sa dépouille fut rapatriée en Russie. Peu après, le domaine fut ouvert au public et exposa notamment des toiles de Camille Bernier léguées au département. Dans les années 1950, l'arrière‑petit‑fils de la princesse, le prince Félix Youssoupoff, engagea un procès contre le département pour non‑respect des dispositions testamentaires ; après des années de procédure, il obtint gain de cause en 1956, récupéra le château, et les collections furent ensuite dispersées tandis que le domaine était morcelé et vendu. La chapelle fut détruite en 1971 et ses pierres réutilisées pour construire une maison ; le château connut ensuite une période de dégradation, marquée par des vols et par la tempête de 1987 qui emporta sa toiture. Racheté et restauré par Christophe Lévèque, le château fut rouvert au public, et il a servi, de 1997 à 2001, de résidence au festival de musique électronique Astropolis.