Origine et histoire du Château de La Gallée
Le château La Gallée, ancienne maison des vignes des XIVe‑XVe siècles remaniée en maison de plaisance au XVIe siècle, est situé à flanc de coteau à Millery (Rhône, Auvergne‑Rhône‑Alpes) et fait l’objet d’une inscription au titre des monuments historiques par arrêté du 7 juin 1926. Restauré depuis quelques années, l’édifice s’inscrit dans une longue histoire viticole : la présence de vignes autour de Millery est attestée dès juillet 1234 par la mention de Pierre Bérard. Le nom de La Gallée pourrait être lié à la famille de Gali ou Gall, dont Orient de Gali fait un legs à l’hospice de la Croix Maladière en 1348 ; plus tard, des membres de cette famille sont actifs à Lyon où l’on commercialise sans doute le vin de La Gallée, l’hôtel de la Gallée étant mentionné à Lyon dès 1419. Aux XVe et début XVIe siècles, des hôtes et hôteliers liés à La Gallée sont cités dans les registres lyonnais, tandis que le domaine de Millery comprend déjà maison haute et basse, pressoir, cellier, verger et plusieurs vignes. Vers 1512-1515 la famille de Vauzelles hérite du domaine ; Mathieu de Vauzelles y rédige en 1550 un traité, et la surface du clos est alors d’un peu moins de trois hectares. Entre 1546 et 1562, la modeste maison des vignes est transformée en maison de campagne ; il est suggéré que ces travaux ont pu s’inspirer des plans de l’architecte italien Sebastiano Serlio, présent à Lyon à la même époque. Vers 1630, Jean de Moulceau acquiert La Gallée et, avec son épouse Marie Rougier, entreprend d’importants aménagements, achète des terres et fait entourer l’exploitation d’un mur de clôture percé d’une porte monumentale dite « porte du Mas ». L’eau est approvisionnée par un ancien aqueduc qui alimente grotte et jardins ; des belvédères ouvrent la vue sur le Mont‑Pilat et les collines environnantes. En 1665 la propriété passe à Thomas de Moulceau, qui confie aux maîtres rencontrés sur le chantier du nouvel hôtel de ville de Lyon d’importants travaux d’agrandissement et d’embellissement, sous la surveillance de sa mère Marie Rougier ; une vue peinte vers 1666-1668 rend compte de ces projets. Entre 1669 et 1672 est créé un nouveau jardin en terrasse richement orné d’arbres en pots, de statues et de bancs de pierre, et entre 1672 et 1673 un grand ouvrage hydraulique — galerie de captage longue d’environ 800 m et réservoir voûté — est aménagé pour redistribuer l’eau vers grotte et jardins. À la fin du siècle les vins de La Gallée jouissent d’une grande réputation et sont présentés à la table du roi en 1685 et 1686 ; Thomas de Moulceau crée également, entre 1688 et 1691, une « petite Gallée » avec un petit belvédère octogonal. Après la mort de Thomas en 1694, la succession mène à des ventes d’ornements et, en 1724, les héritiers vendent le domaine à François Bruffet. L’acquisition par Bruffet, à une époque où la concurrence du Beaujolais se développe, est suivie de difficultés financières : ses créanciers se regroupent dès 1731 et s’efforcent, via un régisseur et des ventes partielles, de recouvrer les dettes ; la « petite Gallée » est vendue en 1738 et des litiges opposaient encore les parties dans les années 1740, avant que l’ensemble ne soit mis en vente publique en 1747. Le domaine est alors acquis par les Jésuites qui le conservent comme source de revenus ; à partir de 1762 la gestion est confiée aux Oratoriens, mais l’entretien décline et le réseau hydraulique nécessite des réparations au XVIIIe siècle. Mis en vente à la Révolution, le domaine est acheté en 1793 pour le compte de François‑Ferdinand Johannot ; la période révolutionnaire provoque un temps la mise sous séquestre des biens de Johannot, mais il récupère ensuite La Gallée et y conduit des expérimentations agricoles, inspirées des écrits de l’abbé Rozier, en diversifiant les cultures et les pratiques. À la mort de François‑Ferdinand (I) en 1830, son fils poursuit des travaux visant à faciliter le travail agricole et la circulation, ce qui entraîne la disparition de certains aménagements XVIIe‑XVIIIe au profit d’espaces de circulation et d’un réseau d’eau modernisé, tout en conservant le tracé du jardin en terrasse désormais utilisé comme potager et orné d’agrumes en caisses et de plantes exotiques abritées l’hiver dans une serre aménagée dans l’ancien vivier. Après plusieurs transmissions familiales et travaux de restauration à la fin du XIXe siècle, la propriété passe à Edith de Clavière au début du XXe siècle ; confrontée au phylloxéra, elle replante les parcelles, développe la fruiticulture, adhère à la coopérative fruitière de Millery et développe l’élevage ovin local. À la suite des décès familiaux dans les années 1940, la Gallée reste une exploitation agricole qui conserve encore aujourd’hui son clos tel qu’il a été structuré au XVIIe siècle et demeure largement dédié à la vigne. Les armes des Moulceau sont décrites « d’azur à trois chevrons d’argent semés d’étoiles de même ». Les bâtiments principaux forment un quadrilatère ; trois angles sont flanqués de pavillons carrés à toitures à quatre pans et une tour‑belvédère se dresse près du centre. La construction comprend un rez‑de‑chaussée, deux étages et des combles percés de petits œils‑de‑bœuf. L’entrée principale, côté est, s’ouvre sur une allée bordée de tilleuls et un portail flanqué de deux petits pavillons carrés, qui conduit à une avant‑cour encadrée de deux tours rondes à toit plat puis à une porte monumentale à bossages, encadrée de colonnes et surmontée d’un fronton surbaissé. La cour d’honneur est bordée sur deux côtés par une galerie à arcades surmontée d’un promenoir couvert ; la façade sud donne sur des jardins en terrasse qui étaient alimentés par des conduits souterrains reliés au village. Au nord s’alignent de longs bâtiments d’exploitation et l’ensemble est ceint par un mur continu ; l’intérieur conserve un escalier droit en pierre et de grandes peintures murales à sujets mythologiques.