Origine et histoire du Château de Miolans
Le château de Miolans est un ancien château fort situé à Saint-Pierre-d'Albigny, en Savoie. Bâti au XIe siècle dans la combe de Savoie à la tête des vallées de la Maurienne et de la Tarentaise, il fut le centre de la seigneurie puis de la baronnie de Miolans et devint, à partir du XIVe siècle, le cœur d'une châtellenie savoyarde ; il servit de prison d'État de 1564 à 1792. Classé au titre des monuments historiques par arrêté du 16 mai 1944, il fait partie depuis 1997 de l'itinéraire thématique Pierres-fortes de Savoie. Le château domine le hameau de Miolans, entre Montmélian et Conflans, à 3,5 km du bourg de Chamousset, perché à 550 m d'altitude sur un éperon isolé par un double fossé, aux contreforts de la dent d'Arclusaz (massif des Bauges). Il contrôlait un petit col entre Saint-Pierre-d'Albigny et Fréterive et commandait des voies importantes vers l'Italie par la Maurienne (col du Mont-Cenis) et vers la Tarentaise (col du Petit-Saint-Bernard), ainsi qu'un réseau routier rejoignant Chambéry, Lyon, Genève et Grenoble. Depuis son élévation il offre un panorama vaste, allant, selon Jules Formigé, du massif du Mont-Blanc à la chaîne de Belledonne et à la Grande Chartreuse.
Le site est probablement occupé dès l'Antiquité : des tuiles et poteries romaines ont été retrouvées et l'ancienne voie reliant Aoste à Lyon passe à proximité. Le château, construit sur les vestiges d'une forteresse romaine — en particulier la base de la tour dite Saint-Pierre — semble avoir été édifié par la famille de Miolans au XIe siècle, la première mention du nom datant d'une donation de 1014 dans le cartulaire de l'abbaye de Saint-André-le-Bas de Vienne. La famille de Miolans, l'une des familles importantes de la Savoie propre, transforma peu à peu l'édifice en forteresse ; des membres sont attestés dans des chartes des XIe-XIIe siècles et accompagnent les comtes de Savoie, notamment Geoffroy lors de la deuxième croisade. Le donjon présente un socle remontant au XIIIe siècle et, à partir de la fin du XIVe siècle, Jean de Miolans fit remanier les fortifications en ajoutant un second donjon et la tour dite de la Sauvegarde.
La seigneurie fut érigée en baronnie en 1497 ; après des questions de succession et de mariage mettant en jeu Claudine de Miolans et Guillaume de Poitiers, le duc de Savoie prit officiellement possession de Miolans le 23 décembre 1523 et fit renforcer la place. Occupé par les troupes françaises lors de l'invasion de 1536, le château abrita une garnison jusqu'au 19 septembre 1559, date à laquelle François II le restitua au duc Emmanuel-Philibert. Affaibli et mal entretenu pendant l'occupation, le site fut transformé par Emmanuel-Philibert en prison d'État dès 1564, fonction qu'il conserva jusqu'en 1792 et qui lui valut parfois l'appellation de « Bastille savoyarde ».
La prison fut administrée par un capitaine-concierge devenu gouverneur : vingt-huit titulaires se succédèrent jusqu'à la Révolution, parmi lesquels Pierre Le Blanc (1713-1734), réputé pour sa sévérité, et François Antonioz, commandant de 1788 à 1792. Elle a accueilli plus de deux cents détenus, principalement des personnalités internées par lettres de cachet — parfois à vie et au secret — mais aussi des criminels de droit commun et des jeunes aristocrates punis. Une description de 1765 signale douze compartiments entre le donjon et la tour Saint-Pierre, avec des cachots nommés Enfer, Purgatoire, Trésor, Espérance, Paradis, et d'autres ; la tour Saint-Pierre renfermait trois geôles superposées. Parmi les détenus célèbres figurent le père Monod, l'historien Pietro Giannone (1736-1737), Vincent-René Lavini (1767-1786), et le marquis de Sade, incarcéré en décembre 1772 puis évadé dans la nuit du 30 avril au 1er mai 1773.
La place fut également l'objet d'opérations militaires : prise par Lesdiguières en 1600–1601 et assiégée par Catinat en 1690–1691. En 1792, lors de l'invasion du duché, la prison fut partiellement démantelée — tours abattues, toitures incendiées, fossés comblés — et sept prisonniers furent libérés ; le château, mis en vente comme bien national en 1794, demeura invendu et tomba en ruine. Au XIXe siècle les ruines subirent pillages et démantèlement ; en 1868 la forteresse changea de mains à plusieurs reprises avant d'être rachetée en 1869 par le préfet Eugène Alexandre Guiter, qui entreprit des restaurations avec le concours des Beaux-Arts et le soutien de l'architecte Jules Formigé. Aujourd'hui propriété privée, une partie du château est ouverte à la visite ; depuis la tour Saint-Pierre la vue porte, par temps clair, du Mont-Blanc jusqu'au Vercors.
Architecturalement, l'ensemble épouse l'éperon est-ouest sur 200 m de long et 60 à 80 m de large ; l'accès occidental était défendu par trois à cinq fossés successifs, plusieurs ponts-levis, des portes décalées et au moins deux herses, le châtelet d'entrée — la « Porte d'enfer » — formant un piège pour l'assaillant. Après le châtelet, une rampe protégée par une galerie de défense percée de canonnières conduisait à la cour basse et à une enceinte polygonale flanquée de tours des XIVe-XVe siècles, tandis que la chapelle castrale Saint-Étienne, remaniée au XVe siècle et ornée des armes des Miolans et des Montmayeur, servit de paroisse au hameau. La tour Saint-Pierre (XIIe siècle) présente trois niveaux voûtés utilisés comme geôles et, au-dessus, le logement du gouverneur ; le donjon quadrangulaire (XIIIe siècle) s'élève sur six étages protégés par quatre tourelles et communique par une grande salle et des escaliers en colimaçon desservant niveaux d'habitation et cellules. La cour haute conserve les vestiges d'une tour d'habitation avec une aula transformée en cuisine à l'époque carcérale ; les bâtiments qui l'entourent ouvrent sur l'intérieur par larges fenêtres à meneaux tandis que les façades extérieures sont percées d'ouvertures étroites, et un jardin médiéval y a été reconstitué. Au pied du château, la basse-cour comportait notamment un four à pain, et le site a longtemps constitué le centre d'un mandement qui, à partir du XIVe siècle, forma la châtellenie de Miolans, dont les archives conservent des comptes des XVe et XVIe siècles.