Origine et histoire du Château de Picquigny
Perché sur le versant sud de la vallée de la Somme à Picquigny, le château contrôle depuis le Moyen Âge un passage du fleuve et le péage qui en dépendait. La seigneurie et le site sont attestés dès les premiers siècles médiévaux : on relève des événements anciens liés au lieu (Dagobert, l'assassinat de Guillaume en 942, la présence d'un certain Guermond en 1013) et la première mention explicite du château et d'Eustache de Picquigny, vidame d'Amiens et avoué de l'abbaye de Corbie, date de 1066. Les vestiges les plus anciens visibles aujourd'hui — tours d'entrée, barbacane, porte du Gard et tour est — datent de la première moitié du XIVe siècle, peut‑être sous Renaud de Picquigny ou sa fille Marguerite, dont la seigneurie passa ensuite à sa cousine Marguerite, puis par mariage à la famille d'Ailly. En 1470 le château fut incendié lors de combats liés à la marche de Charles le Téméraire, puis en grande partie achevé dans sa ruine quelques jours plus tard ; la courtine sud fut reconstruite après 1475. Aux XVIe siècle, des travaux modifièrent l'ancienne forteresse : le logis prit une allure plus résidentielle et le système défensif fut remodelé. Dans le second quart du XVIe siècle, Antoine d'Ailly agrandit la surface du château, renforça les terres‑pleins et adossa contre la lourde courtine sud un corps de logis cantonné à l'est d'un pavillon dit « Renaissance » portant autrefois la date de 1539 ; il fit sans doute réparer la porte du Gard, qui porte ses armes. Une seconde campagne transforma encore l'entrée sud, les tours et fit édifier au nord le pavillon Sévigné. Philibert‑Emmanuel d'Ailly fit apposer sa marque sur la façade de la cuisine, où un pilastre porte la date de 1575 et les initiales P.E.F.D.W., et la voûte porte un cartouche marqué 1583 (seul le dernier chiffre subsiste). Le fief passa en 1620 à Honoré d'Albert, duc de Chevreuse et de Chaulnes. Au long du XVIIIe siècle la propriété changea plusieurs fois de mains : elle fut vendue en 1774 à Pierre Bryet puis en 1779 à Liefman Calmer, acquise ensuite par Charles‑Philippe, comte d'Artois, puis vendue comme bien national à la Révolution (29 nivôse an III). Abandonné et dégradé, le château devint ruine et, après avoir servi de carrière, fut classé monument historique le 11 septembre 1906. La dernière propriétaire, la comtesse Aymar de La Rochefoucauld, légua les ruines le 12 août 1912 à la Société des Antiquaires de Picardie, qui assura leur stabilisation et leur conservation.