Origine et histoire du Château
Le château des Ternes est situé dans le 17e arrondissement de Paris, aux nos 17-19 rue Pierre-Demours et 28 rue Bayen. La première mention du lieu remonte à 1320 dans un titre de l'abbaye de Saint-Denis qui parle d'une « villam externam », une ferme située entre le Roule et le bois de Boulogne, sur la paroisse de Villiers-la-Garenne. Durant la guerre de Cent Ans, Pierre Jourdaing fit reconstruire la ferme de l'Esterne et ceindre son domaine de solides murailles. Un procès opposa le seigneur de Clichy et l'abbaye de Saint-Denis sur les droits seigneuriaux ; la limite du hameau correspond au tracé de l'actuelle rue Laugier. En 1548, Pierre Habert acheta la ferme de l'Esterne et l'aménagea en demeure plus vaste, avec deux tourelles et un pont-levis franchissant des fossés ; son petit-fils Isaac Habert obtint la reconnaissance du fief par ordonnance royale de 1634. À la fin du XVIIe siècle, le site comprenait cinq maisons, dont trois formaient le château. En 1715, Pomponne de Mirey fit rebâtir le château sous la forme d'un manoir entouré d'un parc, supprimant fossés et pont-levis ; il y mourut en 1740. La même année, ses filles vendirent le domaine à Pierre Grégoire Masse, qui céda ensuite une parcelle en bordure de la plaine des Sablons et fit construire le château des Sablons ; il décéda en 1766. Le domaine passa ensuite, conformément à la volonté du défunt, à Ange Laurent Lalive de Jully et à son épouse ; Lalive de Jully y résida pendant dix-huit mois et y fit des transformations avant qu'elle ne le revendît en 1771 à Louis‑François de Galliffet. Les Ternes comptaient alors deux châteaux et, en 1775, le hameau réunissait dix‑huit feux. En 1778 Louis François Alexandre de Galliffet vendit le château et le parc à Joseph Normand, qui déclara agir pour le compte de Nicolas Lenoir, Jean‑Baptiste Servat et Charles‑Nicolas Rolland ; Nicolas Lenoir acquit ensuite l'ensemble en 1781. Lenoir remania le château en élevant une muraille, en divisant la propriété en quatre parcelles, en aménageant le parc et en ouvrant une voie sous le logis, la rue de l'Arcade, devenue la rue Bayen. Il vendit la grille d'entrée à Jean-Baptiste-Jacques Élie de Beaumont, qui la fit installer au château de Canon. La propriété fut morcelée : la partie droite fut vendue en 1781 à Antoine Baumé, une parcelle de deux arpents en 1785 à la « Société des fers préparés à l'abri de la rouille », la partie gauche et les écuries en 1785 à François‑Marie Grivois, et une dernière portion en 1787. La partie gauche connut plusieurs changements de propriétaires à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle, passant notamment entre les mains de Richard Codman, Robert Lyle, Raphaël Avezedo et Denis‑Charles Benoist, qui la conserva jusqu'à son décès en 1810 ; elle fut achetée en 1814 par le général comte Dupont de l'Étang et son épouse. La partie droite, vendue par Baumé en 1796, revint à Joseph‑Alexandre Bergon puis à sa fille Jeanne Joséphine Grâce Bergon, mariée au général Dupont de l'Étang ; après plusieurs successions la propriété fut à nouveau morcelée dans la seconde moitié du XIXe siècle. Nicolas Lenoir fit édifier sur une partie du domaine les bâtiments de la manufacture des Ternes, destinée à produire des fers résistants à la rouille ; la gestion initiale fut assurée par Bernard et de Cauler, titulaires d'un privilège de 1785. La construction de la manufacture, évaluée en 1785‑1786 à 88 048 livres, donna naissance aux premiers bâtiments industriels des Ternes et contribua au développement d'activités chimiques et métallurgiques sur le site. Jean‑Antoine Chaptal acquit le domaine par adjudication en 1798 ; l'usine, établie sur un vaste terrain entre la rue de l'Arcade et le chemin de la Révolte, fabriquait acides, sulfates et autres produits chimiques et fut un des fleurons de l'industrie chimique au début du XIXe siècle. Malgré son importance, l'usine connut des difficultés commerciales ; elle fut hypothéquée en 1830 et l'ensemble du domaine appartenant aux Chaptal fut divisé en huit lots après jugement. En 1801 Monclar devint propriétaire de la manufacture par adjudication, puis le site fut à différentes reprises réquisitionné et transformé, notamment pour des usages liés à la poudrerie. En 1856 la congrégation de Sainte‑Croix installa une école religieuse au château des Ternes et y créa le collège de Sainte‑Marie, qui déménagea à Neuilly‑sur‑Seine en 1867 sous le nom de collège Notre‑Dame de Sainte‑Croix de Neuilly. En 1858 les deux parties du château furent réunies par la famille Haincque de Saint‑Senoch. Pendant l'hiver 1954, l'abbé Pierre y accueillit des sans‑logis et utilisa le combustible des parquets pour chauffer les locaux. Les bâtiments furent déclarés d'utilité publique en 1956 et passèrent successivement à l'Assistance publique puis à la Ville de Paris ; une partie sert aujourd'hui de crèche municipale. Le château a fait l'objet d'inscriptions et de radiations au titre des monuments historiques : inscrit en 1928, radié en 1931, puis de nouveau inscrit le 13 juin 1949. L'édifice présente un avant‑corps percé de grandes baies en plein cintre et deux ailes en retrait ; la façade, d'inspiration classique, comprend des angles à refends, de grandes baies sur deux niveaux et des combles mansardés. Le pavillon central, formant l'avant‑corps, fut éventré par l'architecte Nicolas Lenoir pour y faire passer une voie devenue la rue Bayen.