Origine et histoire du Cimetière des Juifs portugais
Le cimetière israélite de Bordeaux témoigne de la présence de deux communautés juives distinctes, l'une originaire du Portugal, l'autre du Comtat Venaissin. La saturation du cimetière situé impasse Saint‑Jean a conduit, en 1764, à l'achat de deux terrains : l'un réservé aux Avignonnais près de l'actuelle rue Sauteyron, l'autre aux Portugais près de la route d'Espagne. Ce dernier enclos a réuni les sépultures des deux communautés après la saturation du cimetière avignonnais et compte plusieurs tombes de personnalités bordelaises. Le terrain présente une forme en L ; la partie la plus ancienne date de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle, tandis que l'extension méridionale correspond aux XIXe et XXe siècles. Au centre se dresse depuis 1843 un oratoire funéraire à pignon rectangulaire, percé d'une porte flanquée de pilastres à chapiteaux ioniques et surmontée d'un fronton triangulaire. Ces cimetières se situent en Gironde, en France.
Bordeaux possède trois cimetières israélites inscrits comme monuments historiques : l'un au cours de la Marne, un autre au cours de l'Yser et le troisième rue Sauteyron. Seul celui du cours de l'Yser est encore en fonctionnement et régulièrement ouvert au public.
L'histoire des Juifs à Bordeaux est marquée par l'impact de l'Inquisition espagnole, instaurée par une bulle pontificale de Sixte IV à la demande des Rois catholiques, qui visait l'éradication des cultes et pratiques judaïques. Face à ces persécutions, les Juifs d'Espagne durent choisir entre la conversion, l'exil ou la mort, et l'expulsion ordonnée en 1492 par Isabelle la Catholique fut rapidement imitée par le Portugal. Beaucoup ne survécurent pas aux procès inquisitoriaux ; d'autres partirent pour le Maghreb, l'Afrique du Nord, la Turquie, Amsterdam ou trouvèrent refuge en France, notamment à Bayonne et Bordeaux. À Bordeaux, les Juifs prospérèrent dans le commerce maritime et bénéficièrent d'un statut exceptionnel accordé par les rois de France, qui leur permit d'exercer leur culte, de commercer et d'exercer certains métiers en contrepartie d'un impôt. Plusieurs d'entre eux s'illustrèrent dans la médecine et le commerce triangulaire, et des députés juifs à l'Assemblée constituante de 1789 venaient de Bordeaux. Au XXe siècle, la Seconde Guerre mondiale a vu l'action du consul portugais à Bordeaux, Aristides de Sousa Mendes, qui, en dépit des instructions de Salazar liées au pacte ibérique avec Franco, a défendu l'octroi de visas et permis de sauver environ 10 000 Juifs selon la tradition. L'unité de la communauté s'est maintenue et la Grande synagogue de Bordeaux, par son architecture et ses motifs orientaux, en témoigne.
Les cimetières juifs bordelais présentent un agencement régulier : tombes alignées en rangs et dalles rectangulaires appelées matzevah, ornées d'épitaphes en espagnol, portugais et hébreu ainsi que de symboles communautaires comme l'étoile de David ou le chandelier à sept branches. Le plus ancien se trouvait dans le faubourg Saint‑Seurin, et l'inscription du nom du défunt dans un registre archiépiscopal était autrefois requise avant l'inhumation ; au fil des persécutions du XVe siècle, de nombreux convertis furent inhumés dans des cimetières conventuels. Au XVIIIe siècle, on recensait environ 327 familles de juifs portugais au moment de la mise en service des cimetières bordelais.
Le cimetière dit des Juifs portugais, au 105 cours de la Marne, occupe un terrain en jardin avec maison, ancien fief de Sainte‑Croix acquis par David Gradis en 1724 puis légué à la nation portugaise. À l'époque, le syndic devait obtenir l'autorisation des jurats de l'Hôtel de ville pour chaque inhumation et s'acquitter d'une taxe de six livres, mesure issue d'une déclaration royale appliquée jusqu'en 1787 et concernant aussi les protestants. Les cartels indiquent la plus ancienne tombe d'Ishac Pérès en mars 1725, tandis que l'historien Georges Cirot mentionne une première inhumation en décembre 1724 ; la plus récente relevée porte le nom de David Lameyra (1788). Le cimetière, qui a pu accueillir jusqu'à huit cents tombes, a été fermé en 1911 ; son usage s'est réduit dès les années 1760, en partie à cause d'une expropriation d'un tiers du terrain par le ministère de la guerre, ce qui a entraîné le transfert des ossements vers le cours de l'Yser. Les pierres conservées dans la portion non expropriée demeurent propriété du consistoire et le site fait l'objet d'une rénovation engagée depuis 2001 par l'Association Patrimoine Israélite d'Aquitaine, la question de sa future utilisation étant posée.
Le cimetière du cours de l'Yser est le plus vaste des trois et le seul encore en fonction ; il rassemble toutes les communautés juives. On y distingue les tombes des premières années, aux dalles sobres et rectangulaires, et les sépultures du XIXe siècle, qui prennent la forme de sarcophages, cénotaphes ou stèles en table de la loi. De nombreux Juifs ashkénazes y sont enterrés ; on y trouve plusieurs personnalités, notamment Hans et Pauline Herzl, enfants du créateur d'Israel Théodore Benjamin Zeev Herzl, le grand rabbin Joseph Cohen et des descendants de David Gradis.
Le cimetière dit des Avignonnais, au 49 rue Sauteyron, a été créé en 1728 après l'installation de familles avignonnaises à Bordeaux et n'accueille plus d'inhumations depuis 1805. Achevé sur un terrain acheté par David Petit, il abrite environ une centaine de tombes.