Origine et histoire du Cimetière musulman
Le cimetière musulman de Bobigny (Seine‑Saint‑Denis) est, avec celui de Strasbourg, l'unique cimetière entièrement réservé aux défunts musulmans de France métropolitaine. Sa création remonte à un décret présidentiel du 4 janvier 1934 et il est établi comme annexe de l'hôpital dit franco‑musulman, ouvert en 1935 et aujourd'hui Hôpital Avicenne de Bobigny. Le cimetière a été inauguré en 1937 pour accueillir principalement les personnes décédées à l'hôpital. Conçu par l'architecte Édouard Crevel, il s'inscrit dans un style inspiré de l'architecture dite mauresque mise en valeur lors de l'Exposition coloniale de 1931 et évoque murs blancs, toits plats, tuiles vertes, portes en bois, éléments métalliques et plantations méditerranéennes. Le porche d'entrée, les deux pavillons (bureau et pavillon de l'imam), la salle de prière de plan carré surmontée d'une coupole dorée, le sol de leur parcelle et le carré militaire ont été inscrits au titre des monuments historiques par arrêté du 25 janvier 2006 en raison de leur intérêt historique et architectural. L'ensemble s'inscrit, avec la Grande mosquée de Paris et l'hôpital franco‑musulman, parmi les réalisations commémoratives liées aux soldats coloniaux mobilisés pendant la Première Guerre mondiale. Le cimetière est implanté sur le lieu‑dit de la Haute Borne, alors zone maraîchère proche du canal de l'Ourcq, devenue aujourd'hui majoritairement industrielle. L'entrée par un porche ouvre sur un axe conduisant à la salle de prière ; la résidence du gardien l'encadre, une grille donne accès au reste du cimetière et une seconde issue mène à un parking. Il contient environ 7 000 tombes orientées vers le sud‑ouest, de manière que la dépouille, placée sur le flanc droit, regarde La Mecque. À la fin du XXe siècle, de nombreuses concessions perpétuelles abandonnées ont conduit à l'instauration d'un régime de concessions limitées et au transfert des dépouilles abandonnées dans un reliquaire déposé dans l'ossuaire proche du carré militaire. Ces transferts ont suscité des contestations familiales en 1998‑1999, au cours desquelles l'imam Ramdame Douhi a été agressé, mais la remise en état du lieu a ensuite trouvé un large consensus. Le profil des personnes inhumées a évolué : si le cimetière accueillait autrefois des défunts venus des colonies à défaut de rapatriement, il accueille aujourd'hui surtout des personnes nées en France qui choisissent de rester au pays. L'architecture des tombes, d'abord minimaliste, a évolué vers des réalisations marbrières et un fleurissement marqué lors de l'Aïd et de la Toussaint ; depuis les années 1970 existent également des tombes mixtes où époux et épouse reposent ensemble. Certaines sépultures présentent des formes caractéristiques, notamment des tombes d'origine océanienne ornées d'un petit escalier à cinq marches, et cinq carrés ouverts entre 1940 et 1971 sont réservés aux enfants décédés en bas‑âge. Le cimetière comprend un carré militaire qui a reçu, entre 1944 et 1954, les dépouilles d'une soixantaine de soldats de l'armée française, dix‑sept d'entre eux ayant la mention "Mort pour la France". Parmi ces militaires figurent des combattants de la 2e division blindée et de la 1re armée, cités à l'ordre pour leur engagement, tels que Derrar el Hadj, Mimoun El Hadj et Mohamed Ben Salah. La conservation et l'entretien du cimetière ont été longtemps assurés par l'hôpital puis, après son intégration à l'AP‑HP en 1962 et une période de dégradation, la gestion a été transférée en 1996 au syndicat intercommunal groupant Aubervilliers, La Courneuve, Drancy et Bobigny. Depuis ce transfert, les inhumations sont réservées aux personnes de confession musulmane domiciliées dans ces quatre communes ou ayant des liens familiaux avec des défunts déjà inhumés, faisant de fait de Bobigny le carré musulman du cimetière intercommunal situé à deux kilomètres. Ce lieu porte également plusieurs sépultures remarquables, parmi lesquelles Ahmed Merabet, Louafi Bouguera, Mohamed Adjani, la mère de l'humoriste Smaïn, des personnalités politiques et religieuses du Caucase et du monde arabe, ainsi que des membres de la famille ottomane, notamment la princesse Selma Hanımsultan Raouf et le prince Ahmed Nureddin. Le cimetière a enfin servi de décor au film Les Hommes libres d'Ismaël Ferroukhi, tourné en 2010.