Origine et histoire
Le cimetière Saint‑Pierre, situé dans le quartier de la Timone à Marseille (10e arrondissement) avec son accès principal depuis la rue Saint‑Pierre en limite du 5e arrondissement, s'étend sur 63 hectares ; c'est le plus vaste cimetière de la ville et la troisième nécropole de France après Pantin et Thiais. Jusqu'au XVIIIe siècle, les inhumations avaient lieu à l'intérieur des villes et parfois dans les églises, mais dès les environs de 1770 s'organise une critique de cette pratique, illustrée par l'ouvrage du docteur Olivier paru en 1771. Une ordonnance royale du 10 mars 1776 interdit les inhumations dans les églises et encourage le transfert des sépultures hors des agglomérations. Pour se conformer à ces règles, la ville de Marseille acquiert entre 1819 et 1820 plusieurs terrains qui donnent naissance au cimetière Saint‑Charles, rapidement condamné à manquer d'espace du fait du passage du chemin de fer et de l'urbanisation. Le cimetière Saint‑Pierre est créé en 1855 sur d'anciens jardins de bastides et aménagé par Sixte Rey ; la déclaration d'utilité publique est prononcée par décret impérial le 7 avril 1855, malgré l'opposition locale, et le site est béni le 25 septembre 1855. Les premières inhumations datent de janvier 1856 ; le transfert des dépouilles de l'ancien cimetière Saint‑Charles s'opère de 1856 à 1863, après quoi Saint‑Charles est définitivement fermé par décision municipale et arrêté préfectoral en 1876. L'inauguration officielle du cimetière Saint‑Pierre a lieu le 30 décembre 1863.
Parmi les monuments du site, le tombeau commandé par Camille Olive et confié à l'architecte Pascal‑Xavier Coste mérite une attention particulière : construit de 1865 à 1872, il emprunte au style mauresque et à la céramique d'inspiration perse, se distingue par sa monumentalité et le luxe des matériaux, et constitue la seule œuvre orientaliste de Coste. Intégrant des motifs décoratifs islamiques à un monument de vocation catholique, il est ceinturé d'une frise de croix alternant avec des têtes d'angelots et a été inscrit au titre des monuments historiques en 2014.
L'hémicycle devant la porte principale et la grande allée bordée de magnolias rassemblent de vastes tombeaux bourgeoisiers de la seconde moitié du XIXe siècle ; on y remarque notamment deux sculptures d'André‑Joseph Allar (L'homme à la harpe et Une pleureuse), un monument à la mémoire d'un poilu de la Première Guerre mondiale signé Honoré, ainsi que la chapelle‑tombeau de Clot‑Bey, de style oriental, qui porte la devise « Inter infideles fidelis ». Au sud du cimetière, le monument de la famille Barbaroux, œuvre de Pierre Travaux, représente la religion consolant la douleur ; un thème analogue apparaît dans un bas‑relief de R. Bagnasco. La tombe du peintre Jules‑Justin Claverie est ornée d'une sculpture de Louis Botinelly montrant une jeune femme allongée tenant une palette et une branche de laurier ; à proximité figurent un bronze de Henri‑Édouard Lombard (La Charité protégeant l'Enfance) et L'Envol d'Auguste Carli. La chanteuse Gaby Deslys repose sous une colonne de marbre surmontée d'un médaillon sculpté par Botinelly.
La pinède du carré 6, à l'ouest, forme un véritable panthéon des gloires marseillaises du Second Empire et des débuts de la Troisième République : on y trouve la colonne d'Alphonse Esquiros ornée d'un buste par Lucien Chauvet, un haut‑relief d'Allar intitulé L'Âme à Dieu, la tombe de Raphaël Ponson munie d'un médaillon de Henri‑Édouard Lombard, la colonne du mime Louis Rouffe avec son médaillon exécuté par Émile Aldebert, et la sépulture de Jean‑Baptiste Rolland de Kessang décorée d'oiseaux sculptés rappelant son activité. Le peintre Émile Loubon y est également enterré ; sa tombe est surmontée d'une colonne portant une sculpture en bronze représentant une palette et un buste réalisé par Marius Guindon.
Le cimetière accueille de nombreuses personnalités provenant de milieux artistiques, industriels, politiques, scientifiques, sportifs et ecclésiastiques : parmi elles figurent des auteurs et artistes tels qu'Edmond Rostand, Antonin Artaud, Daniel Lévi ou Gaby Deslys ; des hommes d'affaires et industriels comme Pascal Coste et Jacques Saadé ; des hommes politiques et militaires comme Gaston Defferre ; des érudits et explorateurs tels que Clot‑Bey et Jacques de Morgan ; ainsi que des sportifs comme Jean Bouin. On y trouvent aussi des figures tragiques ou controversées, parmi lesquelles Hamida Djandoubi et Tany Zampa.
Les monuments et les sculptures du cimetière Saint‑Pierre sont nombreux et variés : ils témoignent de la richesse des expressions architecturales et sculpturales, mêlant sévérité et grâce, tristesse et consolation.