Origine et histoire
Le cinéma Castillet, situé au 1 boulevard Wilson à Perpignan, est l'un des plus anciens cinémas de France. Construit en 1911 pour Jean Font par l'architecte Eugène Montès et décoré par le sculpteur Alexandre Guénot, il a été conçu dès l'origine comme une salle de projection. Son architecture s'inspire du théâtre du XIXe siècle tout en intégrant des éléments Art Nouveau. La salle appartient à la famille Font depuis le début du XXe siècle ; Jean Font, originaire de Barcelone et déjà exploitant de cinémas, acheta le bâtiment à François Sacase après avoir choisi cet emplacement. Il confia à Montès la restauration de la façade et les plans, avec la participation de Guénot pour les décors, mais l'ensemble suscita d'abord une vive hostilité auprès du public et des autorités locales. L'inauguration, organisée le 7 novembre 1911 et réunissant artistes et responsables locaux, fut en revanche bien accueillie et eut un caractère humanitaire en faveur du Liberté, explosé en rade près de Toulon. À l'époque du cinéma muet, la salle disposait d'un orchestre pour accompagner les projections. Pour rembourser les frais de construction, Jean Font organisa des représentations hors de Perpignan et dans les villages voisins. Pendant la Première Guerre mondiale la salle ferma puis rouvrit le 6 mars 1915 sous l'autorité du maire Denis Joseph, qui autorisa une réouverture limitée à trois jours par semaine et exigea le reversement de 25 % des bénéfices aux œuvres de bienfaisance ; la programmation normale reprit le 21 décembre 1915. En 1918 des travaux d'agrandissement furent réalisés après une inspection communale, tandis que les relations entre Jean Font et la municipalité restèrent tendues en raison de tensions locales sur la présence d'exploitants espagnols, si bien que Font cessa de verser certaines taxes. Dans l'entre-deux-guerres la salle prospéra grâce à une programmation variée comprenant feuilletons, opérettes, troupes de théâtre comme les tournées Baret et artistes de music-hall. En 1922 Jean Font organisa des séances en plein air accessibles depuis la rue de la Poste ou la promenade des Platanes ; l'entrée, d'abord gratuite, passa ensuite à un prix unique d'un franc. Le cinéma parlant fit son apparition au « Nouveau Théâtre » en 1929 puis au Castillet ; une seconde inauguration eut lieu le 24 octobre 1930 avec la projection d'Ombres Blanches et un buffet pour les invités. L'arrivée du parlant entraîna une hausse des tarifs et une baisse de fréquentation parmi les classes moyennes, ce à quoi l'exploitant répondit par des réductions et des tarifs enfants. Après la catastrophe de Saint-Gaudérique en 1934, qui fit de nombreuses victimes, les règles de sécurité furent renforcées, imposant notamment un brevet d'opérateur et des prescriptions ministérielles ; les salles de Jean Font ne répondaient pas entièrement à ces prescriptions mais reçurent l'accord municipal. En 1936 fut créé le premier ciné-club local, « les amis du film », et Jean Font reçut la Légion d'honneur après vingt-six ans de service au cinéma à Perpignan. Le plan du bâtiment, confié à Montès par l'architecte départemental Arnaud, est rectangulaire avec une halle à charpente métallique apparente ; deux murs pignons à redents et deux murs plats supportent la grande galerie ou le balcon et l'écran. Le Castillet est construit en pierre ; ses décors combinent ciment moulé et céramique émaillée, et une marquise métallique et vitrée a été ajoutée autour de 1912 pour protéger l'entrée. La façade principale comporte trois entrées et un fumoir à l'étage ouvre sur la galerie ; l'ornementation en moulage évoque la tragédie lyrique plus que l'art moderne, tandis que des frises en faïence décorées d'iris apportent des accents modernes. Aux quatre angles du bâtiment, Montès érigea de grands pylônes couronnés d'amortissements pyramidés. À partir de 1919 une seconde galerie, une scène agrandie et des loges permirent d'accueillir troupes et opérettes. En 1953 l'architecte Scob transforma la salle et lui donna son dispositif actuel, notamment un immense balcon en fer à cheval. Les façades et les toitures ont été inscrites au titre des monuments historiques en 1997 et l'édifice a reçu le label « Patrimoine du XXe siècle ». Le sculpteur toulousain Alexandre Guénot orna le Castillet de frises en faïence polychrome et de motifs en ciment moulé, introduisant des éléments Art Nouveau inspirés de la nature dans une architecture théâtrale du XIXe siècle. Trois façades, donnant sur le boulevard Wilson, la place de la Victoire et la rue Jeanne d'Arc, sont conservées et restent proches de leur état de 1911 ; certains ornements en ciment se sont dégradés, tandis que les frises céramiques sont en bon état.