Période
XVIIe siècle
Patrimoine classé
La citadelle en totalité, avec l'ensemble de ses bâtiments, bastions, fossés, tenailles, demi-lunes, glacis, contre-gardes, vestiges d'ouvrages militaires visibles ou non visibles antérieurs à 1888 et son champ de manoeuvres ; le mur de « Communication d'En-Bas » qui reliait la citadelle aux fortifications de la ville ; le Grand Carré situé au nord de la citadelle avec ses ouvrages et fossés ; compris dans un périmètre pris à l'intérieur des berges internes des canaux de la Deûle, délimité en rouge sur le plan annexé à l'arrêté et correspondant à la totalité de la feuille cadastrale EW (comprenant les parcelles et terrains suivants : EW 3, 4, 14 à 19, 20, 21, 25 à 29, 31 à 36, 40 à 54, 56 à 72, 78 ; avenue du Petit Paradis, avenue des Marronniers, avenue Cuvier , avenue Mathias-Belabel, parties du Bois de la Deûle : domaine public de la ville, non cadastré ; berges des canaux de la Deûle : domaine public, non cadastré) :classement par arrêté du 5 septembre 2012
Origine et histoire de la Citadelle
La citadelle de Lille, conçue par Vauban et réalisée entre 1667 et 1673, fut qualifiée par son auteur de « reine des citadelles ». Ouvrage militaire majeur du Pré carré, elle se distingue par ses dimensions, la qualité de son architecture et son état de conservation. Classée monument historique dans son intégralité par arrêté du 5 septembre 2012 après des classements partiels en 1914, 1921 et 1934, elle accueille depuis 2005 le quartier général du Corps de réaction rapide‑France, un état‑major multinational aux normes OTAN. N'ayant pas été présentée en 2008 pour l'inscription au patrimoine mondial de l'UNESCO, la ville a déposé un dossier en 2017, puis la demande d'inscription a été retirée le 28 octobre 2020. Lille, prise en 1667, vit Vauban voir ses plans retenus dès octobre 1667 ; les terrassements débutèrent en décembre 1667, la première pierre fut posée en juin 1668 et la citadelle devint opérationnelle en 1671, les travaux s'achevant en 1673. Simon Vollant dirigea le chantier et mit en place un canal depuis l'Arbonnoise pour acheminer les pierres ; jusqu'à deux mille hommes ont travaillé à l'édification de l'ouvrage, qui mobilisa soixante millions de briques, vingt millions de parpaings de pierre et près de 32 km linéaires de blocs de grès. La conception vise à interdire toute approche d'un mur sans exposer l'assaillant au feu d'un mur voisin : la place est organisée en pentagone, avec cinq bastions royaux nommés Anjou, La Reine, Turenne, Le Dauphin et Le Roi, et des courtines protégées. Les accès comprennent deux portes principales, Royale et Dauphine, et trois poternes — Saint‑Georges, Saint‑Sébastien et Sainte‑Barbe — généralement murées et ouvrables en cas de besoin. La fortification se déploie en cinq lignes successives : la première, en pentagone, est entourée d'un fossé inondable ; la seconde comprend des demi‑lunes et des contre‑gardes ; les lignes extérieures associent chemin couvert, lunettes, avant‑chemin couvert et deux glacis successifs destinés à obliger l'ennemi à progresser à découvert. L'esplanade, suggérée par Vauban en 1672, sépare la citadelle de la ville pour protéger la forteresse du côté urbain ; deux murs de communication dits d'en‑haut et d'en‑bas la relient à l'enceinte urbaine mais sont volontairement faibles côté citadelle afin de pouvoir être dégagés rapidement. Établie sur des terrains marécageux au confluent de la Deûle et du Bucquet, la citadelle bénéficie d'un dispositif hydraulique inspiré des modèles hollandais : le canal Vauban détourne les eaux de la Haute‑Deûle pour alimenter le grand fossé originellement large de 40 m et profond de 3 m, et des vannes permettent d'inonder en 48 heures jusqu'à 1 700 hectares à 55 cm d'eau. L'enceinte, longue d'environ 2 km, est parementée de briques et ponctuée de blocs de grès, appliquée sur un remblai de vingt mètres de terre. Au centre, les bâtiments s'organisent autour d'une place d'armes pentagonale d'où rayonnent avenues et îlots de casernes triangulaires ; l'ensemble mêle l'influence du « style lillois » et le goût classique français, avec arsenal, chapelle jésuite, moulins, ateliers et casemates. Vauban institua le logement des troupes en casernes ; autour de la place d'armes s'alignent douze bâtiments de style local dotés de pavillons pour les officiers. Le bastion d'Anjou, utilisé comme soute à munitions, conserve un cavalier et de grandes galeries où subsistent des fours du XVIIIe siècle, restaurés et remis en service lors d'interventions récentes. La citadelle a joué un rôle actif dans l'histoire militaire : lors du siège de 1708 la ville capitula le 23 octobre mais la citadelle tint jusqu'au 8 décembre, ne cédant que par épuisement des vivres et des munitions ; lors du siège de 1792, la ville résista à une armée autrichienne importante. Parmi ses gouverneurs figurent Vauban lui‑même, Louis de Crévant marquis d'Humières et Charles de Batz de Castelmore dit d'Artagnan. Au XIXe et XXe siècles la citadelle a été intégrée au tissu urbain, soumis aux pressions du trafic et du stationnement ; des projets de réhabilitation de l'esplanade ont été engagés au début du XXIe siècle pour limiter ces usages. La coexistence avec des équipements sportifs a donné lieu à de longues controverses : le stade Grimonprez‑Jooris, implanté à proximité, fit l'objet de procédures qui aboutirent à sa démolition en 2010 et au transfert du LOSC au stade Pierre‑Mauroy de Villeneuve‑d'Ascq en 2012. Aujourd'hui la couronne de la citadelle constitue un vaste espace récréatif et paysager : elle comprend aires de jeux, parc zoologique, petits équipements de loisirs et le bois de Boulogne d'environ 60 hectares, qui inclut des zones humides et fait l'objet depuis 2003 d'un important programme de restauration écologique. La gestion actuelle privilégie la restauration des milieux et la biodiversité : installation de gîtes pour chauves‑souris et oiseaux, préservation du bois mort, plantation d'essences indigènes, fascines pour la consolidation des berges, et même écopastoralisme avec moutons de Soay pour entretenir les pelouses ; le site abrite aussi trois des quatre premiers lombriducs construits en France. La flore et la faune sont diversifiées : des plantes rupicoles comme Asplenium ruta‑muraria, Papaver dubium, Cymbalaria muralis ou Asplenium adiantum‑nigrum colonisent les parements, et la faune comprend de nombreuses espèces d'oiseaux d'eau et de milieu boisé ainsi que six espèces protégées de chauves‑souris, dont Myotis daubentonii, Myotis mystacinus, Pipistrellus pipistrellus, Pipistrellus nathusii et Eptesicus serotinus, témoignant de la continuité écologique offerte par cet espace historique et naturel.