Origine et histoire de la Citadelle
La citadelle du Palais, à Belle-Île-en-Mer, domine la commune du Palais et la rade qui porte son nom. Ses premières fortifications datent du XIVe siècle, la première citadelle ayant été édifiée par les bénédictins après 1029, puis reconstruite et transformée à plusieurs reprises entre le XVIe et le XIXe siècle avec des interventions notables de Daigremont, de Fouquet et de Vauban. Vauban séjourna sur place et modifia sensiblement l’organisation du site, déplaçant l’ancien bourg et son église pour créer un glacis. Le fort a assuré la défense de l’île contre pirates, Espagnols et Anglais ; assiégée et occupée par les Britanniques pendant la guerre de Sept Ans, la citadelle retrouva le contrôle français après le traité de 1763. Sous la Deuxième République et le Second Empire, l’enceinte fut complétée, puis l’artillerie moderne rendit progressivement obsolètes certains ouvrages. La citadelle, construite en granite, présente un plan en grand carré irrégulier renforcé de bastions formant une silhouette étoilée ; elle comprend des bâtiments de style Louis XIII et des installations militaires. L’arsenal, construit en 1780 en granite et en chêne, est un monument sur trois niveaux qui a servi au stockage du matériel d’armement et accueille aujourd’hui des expositions. L’ensemble militaire pouvait loger une garnison importante : bâtiments pour 2 000 hommes, arsenal, deux citernes, une fontaine, un puits souterrain, deux magasins à poudre et des abris voûtés ; les capacités d’approvisionnement permettaient d’assurer la subsistance de la garnison pour 1 500 hommes et pouvaient être portées jusqu’à 3 000. Sous la Deuxième République, des décrets affectèrent la citadelle aux condamnés, et le site a été successivement utilisé comme lieu de détention et de déportation lors des événements de 1848–1850 ; parmi les détenus célèbres figurent Auguste Blanqui et Armand Barbès. À proximité, sur le glacis dit de Haute-Boulogne, le Dépôt de Belle-Île fut créé en 1848 pour abriter jusqu’à 3 000 détenus ; initialement entourés de palissades, ces baraquements furent ensuite clos par le mur d’enceinte de Haute-Boulogne. Ce mur, destiné à délimiter la propriété du ministère de la Justice et celle de l’armée, mesurait à l’origine 670 mètres et formait un vaste quadrilatère bordé sur un côté par le fossé de la citadelle ; après destructions successives, 338 mètres subsistent, la partie longeant la côte étant restée pratiquement intacte. Le mur est construit en pierres de schiste, recouvert d’un crépi ocre de sable et de chaux, avec une hauteur moyenne de quatre mètres et une épaisseur de soixante centimètres ; la face maritime est renforcée tous les douze mètres par vingt-six contreforts triangulaires munis d’une petite arche au pied pour enjamber le fossé d’écoulement, et la crête du mur est inclinée vers la mer, conservant çà et là une armature de tessons de verre. Un éboulement majeur a affecté la citadelle : dans la nuit du 24 au 25 mars 1873, un mur d’escarpe de 47 mètres près du pont s’écroula, un ouvrage attribué à Fouquet, en raison de lézardes et d’un affaissement du rocher ; le commandant du génie demanda des mesures de sécurité, l’éloignement des bateaux et des crédits pour évacuer les décombres et réparer les fortifications. La citadelle a également servi de prison au cours des deux guerres mondiales : elle détenait des officiers allemands pendant la Première Guerre mondiale et fut occupée par les troupes allemandes pendant la Seconde Guerre mondiale, qui y enfermèrent des prisonniers de diverses nationalités. Abandonnée par l’armée, elle fut vendue par l’administration des Domaines en 1960 à André et Anna Larquetoux, qui entreprirent une restauration complète et ouvrirent un musée rassemblant collections, documents et objets retraçant l’histoire de Belle-Île. Les époux Larquetoux menèrent un vaste programme de sauvegarde et de réhabilitation — dépollution des bastions et fossés, dégagement des structures, création de galeries techniques, restauration des bâtiments et des 5,5 km de murailles — en s’appuyant sur des recherches d’archives et sous la conduite de l’architecte du patrimoine Philippe Prost, en concertation avec les services culturels. Leur action a permis la mise en valeur de points d’eau, la remise en état des fossés et l’implantation d’espaces muséographiques : un musée général de l’histoire de Belle-Île, un musée du plan-relief, un musée consacré aux figurines militaires et un musée de l’histoire des Acadiens, accompagnés de réserves, d’espaces d’étude et d’ateliers. Les travaux ont été principalement financés par les Larquetoux, qui ont ensuite obtenu des aides du ministère de la Culture et du département du Morbihan dans les années 1990. La citadelle a été déclassée du domaine militaire, le mur de Haute-Boulogne a fait l’objet d’une inscription au titre des Monuments historiques et la citadelle a été classée au titre des Monuments Historiques en 2007. Depuis son ouverture au public, le site comprend un musée, un hôtel-restaurant et propose des visites guidées qui présentent ses collections, ses cartes anciennes et les traces de son histoire militaire et civile. Après la période Larquetoux, la propriété a changé de mains : la citadelle a été vendue au début des années 2000 à des opérateurs hôteliers, puis cédée en 2020 à Keys Asset Management, qui l’a confiée au groupe Paris Society pour des travaux, et une promesse d’achat par un autre groupe a été signée en 2024. À proximité, d’autres ouvrages complètent le système défensif de l’île, comme le Fort de Ramonet et la Belle Fontaine, vaste réservoir vouté utilisé pour l’approvisionnement en eau douce et classé au titre des Monuments historiques.