Origine et histoire du Collège des Jésuites
L’ancienne église du collège date du début du XVIIe siècle ; la chapelle a été classée monument historique en 1942 et l’ensemble a fait l’objet d’une inscription partielle en 1977. Peu après la création du diocèse de Saint-Omer, son premier évêque Gérard d’Haméricourt sollicita en 1565 la Compagnie de Jésus pour fonder un collège, réponse motivée aussi par la volonté de lutter contre l’influence protestante. Le collège ouvrit ses portes le 15 janvier 1569 rue du Viel Brusles (aujourd’hui rue Gambetta), dans des bâtiments acquis et dotés par l’évêque et l’abbaye de Saint-Bertin, et une chapelle fut édifiée. Dès son ouverture, l’établissement accueillait 200 élèves répartis en cinq classes d’humanités supérieures, avec des cours de philosophie et de théologie, dans un souci prioritaire de former des prêtres pour le diocèse. Jusqu’à la fin de sa vie, l’évêque soutint activement le collège et demanda à être enterré dans sa chapelle.
Après une première crise en 1578, le collège se développa comme centre éducatif, religieux et caritatif; spectacles, cérémonies solennelles et sodalités mariales animèrent la vie locale, et la mise en scène d’une pièce, La vie de Saint-Martin, devint quasiment annuelle dès 1581. En 1585 le provincial Frans de Costere y ajouta une maison de formation pour jésuites ; les effectifs passèrent de 586 élèves en 1588 à 650 en 1591 et l’équipe enseignante comptait seize prêtres en 1596. L’enseignement, financé par les revenus d’abbayes et donc gratuit, attirait des élèves de toutes conditions venus des Pays-Bas, de France et d’ailleurs ; des ordres religieux y envoyèrent aussi leurs étudiants et les sermons étaient prononcés en français et en flamand. En 1593, à l’initiative de Robert Persons, un groupe d’étudiants catholiques anglais y trouva résidence, donnant naissance au collège des jésuites anglais de Saint-Omer. Les guerres et les épidémies, notamment pendant le conflit de 1595 et le siège de 1638, perturbèrent périodiquement la vie du collège et entraînèrent des pertes humaines.
Au XVIIe siècle, après la disparition des fléaux, l’établissement retrouva son dynamisme et utilisa largement le spectacle et les manifestations religieuses pour l’éducation, conformément au Ratio Studiorum. La première chapelle ayant été jugée trop petite, le frère jésuite Jean Du Blocq en dessina les plans et la construction, commencée en 1620, connut plusieurs interruptions ; la toiture fut posée en 1628, l’église fut ouverte au culte en 1636 et les travaux se poursuivirent jusqu’en 1640. Malgré les nouvelles difficultés liées aux conflits franco-espagnols, l’effectif remonta et atteignit environ 500 élèves en 1666.
Les relations avec les autorités ecclésiastiques locales restèrent bonnes, et le collège contribua au recrutement religieux : les cours de théologie et de philosophie donnèrent naissance à un séminaire épiscopal en 1667, devenu indépendant en 1691. L’établissement poursuivit aussi ses missions pastorales dans les environs, avec des campagnes de conversion notées au début du XVIIIe siècle. Toutefois, au XVIIIe siècle le nombre d’élèves diminua progressivement — autour de 386 vers 1700, 330 en 1732 et environ 280 au milieu du siècle — et le prestige des jésuites déclina ; un conflit avec l’évêque François de Valbelle limita leur enseignement en théologie morale et l’état des bâtiments suscita des travaux de restauration à partir de 1733, reconstruction quasi complète dont le gros œuvre se termina en 1748 et qui permit la reprise des cours dans les nouveaux locaux dès 1752.
La situation politique se détériora pour la Compagnie : le parlement de Paris interdit aux jésuites de tenir écoles le 6 août 1761, et après un recul forcé le conseil d’Artois remplaça les pères en 1762 ; le départ des jésuites, prononcé le 19 octobre 1763, mit fin à leur présence institutionnelle. Les successeurs administratifs et pédagogiques se succédèrent : en juin 1777 des prêtres de la Doctrine chrétienne prirent la direction sous l’autorité de l’évêque, en conservant une pédagogie d’inspiration ignacienne mais en privilégiant le français sur le latin. La Révolution provoqua de nouvelles divisions autour du serment à la Constitution civile du clergé de 1791 et la fermeture du collège fut prononcée après le départ du supérieur le 18 août 1792.
Pendant la période révolutionnaire et l’Empire, la chapelle fut désacralisée et les bâtiments servirent successivement de prison pour femmes, d’asile pour galeux et de magasins. Après le concordat, un institut d’enseignement fut rétabli en 1802 avec un directeur et cinq professeurs ; affilié à l’université en 1808 comme Collège impérial, il devint Collège royal en 1815 et l’église fut rouverte la même année. La transformation en lycée intervint en 1848 et, depuis 1924, l’établissement porte le nom de lycée Alexandre-Ribot.