Origine et histoire de la Collégiale Notre-Dame-et-Saint-Laurent
La collégiale Notre-Dame et Saint-Laurent d'Eu, située en Seine‑Maritime, est l'ancien édifice religieux d'une abbaye dont la majeure partie fut détruite à la Révolution ; l'église seule subsiste aujourd'hui et est classée au titre des monuments historiques sur la liste de 1840. Construite entre 1186 et 1240 pour les chanoines de Saint‑Victor, elle a été édifiée sur un plan en croix latine, de style ogival, avec une nef principale flanquée de deux collatéraux ; le chœur, orienté à l'est, est cantonné d'un transept et de sept chapelles rayonnantes. Fondée initialement en 925 comme collégiale Sainte‑Marie par Guillaume I, comte d'Eu, elle devint abbaye en 1119 lorsque Henri I confia sa desserte aux réguliers de Saint‑Victor. Une confraternité avec l'abbaye du Tréport fut établie en 1161 afin de permettre, en cas de conflit avec un abbé, le refuge temporaire d'un religieux dans l'autre communauté. Laurent O'Toole, archevêque de Dublin, mourut à l'abbaye et fut inhumé dans la collégiale ; canonisé ultérieurement, l'église lui fut dédiée. Les bâtiments conventuels furent achevés au début du XIIIe siècle, et la collégiale subit plusieurs incendies ayant frappé la ville d'Eu aux XVe siècles. Au XVIIe siècle, des capucins s'installèrent dans le quartier Saint‑Pierre et l'abbaye rejoignit la congrégation de France dont l'abbaye Sainte‑Geneviève de Paris était la maison mère. Après la suppression des ordres religieux par l'Assemblée constituante en 1790, les bâtiments monastiques furent détruits et le terrain acquis par le château ; deux épitaphes de religieux restent scellées dans le mur de l'église. Transformée en église paroissiale Saint‑Laurent, elle a ensuite été restaurée et embellie sous Louis‑Philippe.
La succession des abbés commence, après la réforme victorine de 1119, par Raoul venu de l'abbaye Saint‑Victor de Paris et s'interrompt au début du XVIe siècle avec Jean de Montpelé, dernier abbé régulier ; à partir du concordat de 1516 s'ouvre une série d'abbés commendataires, parmi lesquels figurent Jean de Langeac, François de Tournon, Charles‑Maurice Le Tellier, Virginio Orsini, Pierre de Calvo et Joseph‑François d'Andigné de la Chasse. Les armes de l'abbaye se blasonnent ainsi : d'azur à Notre‑Dame entourée d'un chapelet et cantonnée de quatre cœurs enflammés, le tout d'argent.
L'intérieur montre une nef du XIIIe siècle prolongée en onze travées à triple élévation. Les vitraux, réalisés par l'atelier de peinture sur verre de la manufacture de Sèvres entre 1833 et 1847, suivent un programme iconographique approuvé par le roi Louis‑Philippe et associent des cartons de Wattier et Ziegler ainsi que des dessins de Delacroix, Déveria, Chenavard, Feuchères et Ziegler ; la grande verrière occidentale comprend de nombreux panneaux tandis que les verrières des bas‑côtés représentent notamment saint Jean l'Évangéliste, sainte Victoire, sainte Adélaïde et saint Ferdinand. Parmi le mobilier figurent un banc d'œuvre de 1731 réalisé par Adrien Le Jeune d'Abbeville, surmonté d'une statue de la Religion et lié à un don de bois du prince Louis‑Auguste de Bourbon, des stalles des XVIIe‑XVIIIe siècles, une chaire de 1752 par le menuisier Grimpel et un orgue de tribune construit par Louis Isoré en 1614.
L'église conserve plusieurs œuvres remarquables : un bas‑relief de Nicolas de Melleville représentant une piéta, mutilé à la Révolution ; une mise au tombeau polychrome du XVIe siècle ; une Vierge à l'Enfant possiblement attribuée à François Anguier ; des sculptures en bois du XVIIe siècle de saint François de Paule et de saint François d'Assise encadrant le chœur ; une Descente de Croix attribuée à Jacques Blanchard ; une Assomption de Bernard Gaillot (salon de 1827) et une composition du XVIIIe représentant saint Laurent d'Eu découvrant la ville.
La crypte, qualifiée par l'abbé Cochet de « Saint‑Denis de la Normandie », est une véritable église souterraine longue de 31 m et large de 6,5 m, à vaisseau unique, composée de cinq travées rectangulaires et d'une travée absidiale à sept pans ; elle s'étend sous le chœur et les deux dernières travées de la nef. Elle abrite de nombreux tombeaux et gisants des comtes d'Eu et de leurs familles, dont Laurent O'Toole (dont le tombeau se situe, en descendant l'escalier, à gauche), Jean d'Artois et plusieurs membres de la maison d'Artois et de Melun, ainsi que les tombeaux centraux de Louis‑Auguste de Bourbon, prince de Dombes, et de Charles de Bourbon ; plusieurs restes ont été regroupés dans l'ossuaire de la crypte.