Origine et histoire de la Collégiale Saint-Gervais-Saint-Protais
L'église paroissiale Saint-Gervais-Saint-Protais se situe à Gisors, dans l'Eure. Sa tour centrale, la plus ancienne, s'élève au-dessus de la croisée du transept et remonte au dernier quart du XIIe siècle. Le chœur, construit dans la première moitié du XIIIe siècle, relève du gothique de l'Île-de-France. Entre la fin du XVe et le milieu du XVIe siècle, l'édifice est agrandi et partiellement reconstruit dans le style gothique flamboyant : les seconds collatéraux du chœur, le pseudo-déambulatoire, les chapelles du chevet, les croisillons du transept, la nef, ses doubles bas-côtés et la tour gauche de la façade datent de cette période. La grosse tour d'angle sud-ouest est engagée vers 1541, suivie par la façade occidentale de la nef, et présente des éléments de style Renaissance en rupture avec les parties antérieures. Le chantier subit une interruption vers 1542-1558 puis progresse très lentement jusqu'à la fin du siècle, laissant la grosse tour inachevée. Longue d'environ 70 mètres et dotée d'une nef haute de 24 mètres, l'église, par ses proportions, est parfois comparée à certaines cathédrales du nord de la France. Classée parmi les monuments historiques par la liste de 1840, elle est réputée pour la qualité de son architecture.
Consacré en 1119 par le pape Calixte II, le sanctuaire subit un incendie lors du grand incendie de la ville en 1124. La reconstruction de la nef débute sous Louis VII vers 1160, puis, grâce au soutien de la reine Blanche de Castille, le chœur gothique est consacré en 1249. Aux XVe et XVIe siècles, confréries et guildes marchandes contribuent financièrement à l'embellissement de l'église, les travaux confiés à la famille d'architectes des Grappin se poursuivant jusqu'au XVIe siècle dans un gothique flamboyant tardif.
L'édifice adopte un plan en croix ; la nef compte six travées accompagnées de doubles bas-côtés, à la manière des grandes basiliques romaines. Lors de la reconstruction de la nef à partir du XVe siècle, le triforium disparait et l'élévation s'organise sur deux niveaux continus : les fenêtres hautes sont allongées par des meneaux descendant sous leur seuil et butant sur un bandeau de deux assises au-dessus des grandes arcades, caractéristique de l'art flamboyant normand. Les bas-côtés, achevés au début du XVIe siècle dans un goût Louis XII, abritent des chapelles latérales percées de larges baies aux vitraux aux tonalités claires. Dans le bas-côté sud, trois piliers sculptés retiennent l'attention : le pilier des dauphins orné de fleurs de lys et d'un dauphin, le pilier Saint-Jacques aux coquilles liées par un cordon et le pilier Saint-Claude illustrant le travail des tanneurs et la vie du saint.
La base de la grosse tour (1542-1590), dite tour du Rosaire, présente un bas-relief de l'arbre de Jessé portant la date de 1593 ; un escalier hélicoïdal de style Renaissance, rappelant celui du château de Blois, mène aux orgues. Le transept expose, côté sud, une galerie décorative ornée de frises végétales ; le croisillon nord est couvert de voûtes à liernes et tiercerons avec un motif central en losange, où les nervures dessinent successivement des pétales et une étoile à quatre branches, les clés de voûte étant pendantes. Le chœur, consacré en 1249 et terminé par un chevet plat, s'inspire du modèle de Notre-Dame de Paris avec une élévation en trois niveaux : grandes arcades, triforium et fenêtres hautes composées de deux lancettes surmontées d'un oculus ; des chapelles y ont été ajoutées ultérieurement.
À l'extérieur, la façade occidentale combine éléments gothiques et Renaissance, encadrée par deux tours et centrée sur un portail en arc de triomphe ; la grosse tour alterne ordres monumentaux dorique et ionique et une riche sculpture évoquant le style baroque. La façade nord du transept conserve des portes en bois finement sculptées, parmi les premiers témoignages de motifs Renaissance dans l'église. Après d'importantes destructions le 8 juin 1940, l'édifice fait l'objet de travaux de restauration.
Dans la chapelle Saint-Cler, au bas-côté sud, un transi en haut-relief daté de 1530 est encastré dans le mur ; sa légende exhorte le passant à méditer sur la vanité de la vie et la proximité de la mort. La chapelle de la Vierge, au sud du chœur, conserve un vitrail en grisaille dédié à la Vie de la Vierge, peinture sur verre d'inspiration maniériste réalisée par des artistes de l'école de Fontainebleau et datée de 1545 ; son décor, aux costumes d'Antique et au paysage tourmenté, emprunte aux compositions de la galerie de Psyché du château d'Écouen et utilise la grisaille, le jaune d'argent, la sanguine et l'émail bleu sur verre blanc. La chapelle de l'Assomption, au nord de la nef, financée par une confrérie royale créée en 1360 par Charles V, présente un grand bas-relief polychrome représentant le roi et la reine suivis des trois ordres en procession. Dans la troisième chapelle nord de la nef, un vitrail consacré à saint Crépin et saint Crépinien, réalisé en 1530 par Nicolas le Prince de Beauvais, se déroule sur trois registres et quatre scènes relatant le martyre des saints, dont une image très réaliste du bain bouillant.