Origine et histoire de la Collégiale Saint-Pierre
La collégiale Saint-Pierre-et-Saint-Gaudens, église principale de la ville de Saint-Gaudens (Haute-Garonne), est un des édifices représentatifs de l'art roman de la région et a été classée parmi les monuments historiques en 1840. Le site, appelé autrefois le Petit Mas ou Mas Saint-Pierre, a été occupé avant l'ère chrétienne, comme l'attestent des inscriptions et des marbres gallo-romains, et des lieux de culte païens existaient déjà à cet emplacement. L'origine de l'église reste discutée : selon certaines traditions Bernard, évêque de Comminges, en aurait lancé la construction sur un édifice plus ancien, tandis que d'autres traditions attribuent l'initiative au comte de Foix. La légende locale raconte le martyre du jeune berger Gaudens, tué par des envahisseurs au cours des troubles du VIe siècle, tradition qui varie entre Romains, Sarrasins et, plus probablement, Wisigoths adeptes de l'arianisme. Après la destruction de l'évêché de Lugdunum Convenarum, l'évêque se réfugia au Mas et des lieux de culte chrétiens s'y développèrent, donnant naissance à une communauté religieuse. Une charte attribuée à Bernard II remet aux chanoines l'église Saint-Pierre-et-Saint-Gaudens et accroît leur nombre, tandis que, avec l'essor des pèlerinages vers Compostelle, les reliques de saint Gaudens et de sainte Quitterie attirent de nombreux pèlerins. Sur les fondations de l'église de Bernard II, dont le gros œuvre subsiste, des travaux importants furent entrepris pour élever l'édifice, notamment l'élévation et le voûtement de la nef et la réalisation de tribunes dans les premières travées du chœur, avec des chapiteaux sculptés par des tailleurs de pierre aragonais et navarrais. Faute de ressources, les programmes furent partiellement modifiés et, entre 1180 et 1185, un cloître fut édifié au sud de l'église, auquel s'ajouta au nord une salle capitulaire d'influence venue du Nord liée à l'arrivée des ordres mendiants. La collégiale connut de graves dégâts lors des guerres de Religion lorsque les troupes de Montgomery pillèrent et incendièrent l'intérieur, détruisant la toiture et le clocher, et cet état persista jusqu'au XIXe siècle avec des consolidations sommaires. À la Révolution l'église fut désaffectée et vendue comme bien national, le cloître servit de carrière et fut démoli, puis l'édifice fut rendu au culte en 1804. Des restaurations menées à la fin du XIXe siècle par les architectes Laval, Laffolye et Louziers modifièrent la couverture, rehaussèrent la base carrée du clocher et lui donnèrent l'aspect actuel; la collégiale a fait l'objet d'une rénovation complète entre 2017 et 2019. Le cloître et la salle capitulaire datent des XIIe et XIIIe siècles; bien que démoli au début du XIXe, il a été reconstitué en 1989 avec des chapiteaux authentiques ou moulés remontés sur des colonnes en marbre de Saint-Béat, les chapiteaux de la galerie nord étant romans du XIIe siècle et ceux de la galerie est relevant d'un style méridional du XIVe siècle. L'édifice présente un plan basilical pyrénéen sans transept, à trois nefs parallèles conduisant à trois absides, et il a été agrandi, surélevé et voûté à la charpente originelle entre la fin du XIe et le début du XIIe siècle. Extérieurement, le chevet, la façade nord et le clocher occidental sont visibles depuis la place; le toit à décrochements laisse deviner la disposition intérieure de la nef centrale et des bas-côtés, et une tourelle en saillie abrite l'escalier menant aux tribunes. Le clocher, construit en calcaire gréseux, conserve une partie basse d'origine médiévale et une partie haute remaniée au XIXe siècle; la surélévation et la flèche pyramidale de la partie haute lui donnent aujourd'hui une hauteur de 47 mètres. Le portail ouest, très endommagé en 1569, fut refait au XIXe siècle; il s'organise autour de quatre piliers couronnés de chapiteaux corinthiens, présente des scènes de personnages et des feuilles d'acanthe, et une frise végétale ainsi qu'une corniche ornée de motifs variés. Le porche nord de style gothique flamboyant remplace le portail roman et conserve dans son tympan un chrisme du XIIe siècle provenant sans doute du portail primitif. À l'intérieur, la nef mesure 40 mètres de longueur, 21 mètres de largeur et 16 mètres de hauteur sous voûte; elle comprend cinq travées inégales voûtées en berceau sur doubleaux reposant sur des piles cruciformes, tandis que les bas-côtés sont voûtés en quart de cercle. Le chœur, formé de deux travées inégales avec bas-côtés voûtés en arêtes et tribunes, s'achève par une abside et deux absidioles voûtées en cul-de-four; l'abside comporte éléments d'époque XIe-XIIe et de remaniements du XIXe siècle. Les chapiteaux historiés, œuvres des tailleurs aragonais et navarrais, figurent parmi les plus remarquables de la sculpture romane régionale mais ont été très détériorés par l'incendie de 1569 et par des nettoyages au XIXe siècle. Le mobilier comprend un maître-autel en bois sculpté, des stalles du XVIIe siècle, deux autels latéraux sculptés représentant douze apôtres, ainsi que des peintures murales du chœur réalisées vers 1860 par Dominique Denvelle et Lamothe Pierre. L'orgue de tribune, œuvre de Dominique Cavaillé-Coll qui remplaça un instrument du XVIIe siècle, est classé et sa partie instrumentale et le buffet (antérieur à 1662) le sont également; l'orgue a été restauré en 1980. La collégiale conserve des tapisseries d'Aubusson du XVIIe siècle, dont le "Triomphe de la foi" et "Le Martyre de Saint-Gaudens", qui furent volées en 1989 puis récupérées et restituées à la collégiale en 1997 après une longue procédure internationale. Un bas-relief en marbre blanc de Saint-Béat représentant la Vierge à l'Enfant, découvert en 1976 et probablement issu d'un tympan roman, a été transféré au musée Arts & Figures des Pyrénées Centrales. Le clocher abrite un carillon de trente-six cloches restauré en 1984 et enrichi lors de l'année du patrimoine en 1980 par des cloches rapatriées d'Algérie; l'ensemble comprend des cloches dont l'une, fondue en 1356, est la plus ancienne du département et a été classée Monument Historique. Enfin, la collégiale conserve des ensembles de chapiteaux romans montrant l'évolution de la sculpture locale, des bas-reliefs et statues, et un cloître reconstitué qui participe aujourd'hui au patrimoine visuel et historique du site.