Origine et histoire de la Collégiale Saint-Thiébaut
La collégiale Saint‑Thiébaut à Thann (Haut‑Rhin) est une ancienne collégiale gothique réputée dans la région du Rhin supérieur pour la qualité de son clocher et de son portail, au point que les habitants aiment dire : « Strasbourg a le plus haut, Fribourg le plus gros, Thann le plus beau ! ». Le nom vient du collège de chanoines qui s’y est installé en 1442 et l’édifice est classé monument historique depuis 1841. La première mention d’une église à Thann date de 1287 ; elle avait suscité la construction après l’arrivée des reliques de saint Thiébaut, mort en 1160. La collégiale actuelle s’est édifiée entre le XIVe et le XVIe siècle, la première église ayant été démolie pour permettre cette reconstruction progressive. Lieu de pèlerinage important du milieu du XIVe siècle à la fin du XVe siècle, elle a connu de nombreuses campagnes de restauration et de consolidation jusqu’au XXe siècle. Pendant la Révolution, de 1793 à 1795, l’église fut transformée en Temple de la Raison puis de l’Être suprême et quatre des cinq cloches furent envoyées à la fonte. Des restaurations intérieures ont eu lieu au XVIIIe siècle, puis des campagnes successives ont été conduites sous la direction de l’architecte Griois (1839‑1842), pour la flèche (1860‑1867 et 1905‑1908), et d’importantes restitutions par Charles Winckler entre 1878 et 1895, suivies de travaux après les deux guerres mondiales (1927, 1945).
L’édifice conserve des phases de construction successives : la tour‑chœur primitive, aujourd’hui chapelle Saint‑Thiébaut, semble remonter à la première moitié du XIIIe siècle ; le bas‑coté sud, installé à l’emplacement de l’ancienne nef, remonte à la première moitié du XIVe siècle avec des murs sud et ouest vers 1310, des arcades après 1324 et un voûtement à la fin du siècle. La façade occidentale et le chantier du chœur s’étendent du milieu du XIVe siècle à la fin du XVe siècle : le chœur est engagé en 1351, consacré en 1422 et achevé en 1423. Le bas‑côté nord et ses vitraux datent du XVe siècle, avec des travaux menés entre 1430 et 1455 et un voûtement achevé en 1492 ; le vaisseau central et ses fenêtres hautes sont réalisés dans la seconde moitié du XVe siècle, les arcs‑boutants et la voûte portant la marque de Rémy Faesch à la fin du siècle. La tour nord a été élevée en plusieurs étapes et son octogone et sa flèche ont été construits par Rémy Faesch de 1506 à 1516. Faesch a également réalisé des aménagements intérieurs, comme un jubé en 1521 (détruit en 1726), une tourelle d’escalier et une seconde sacristie en 1520.
La collégiale est un exemple marquant du gothique flamboyant dans le sud du Saint‑Empire ; sa nef centrale, sans triforium, et son système de voûtement témoignent d’un langage architectural caractéristique de la région. Le portail occidental, haut de 18 m et large de 8 m, est particulièrement remarquable : il comporte plusieurs tympans et archivoltes sculptés, rassemblant quelque 150 scènes et environ 500 personnages qui racontent la vie de la Vierge, la Nativité, l’Adoration des mages et la Crucifixion, tandis que le fronton présente saint Thiébaut entouré de pèlerins. La tour‑clocher, qui culmine à 78,14 m, comporte une grande tracerie de 22 m de haut et devient octogonale au‑dessus de 40 m ; la plus ancienne cloche conservée date de 1467.
L’intérieur conserve des éléments remarquables : une statue assise de saint Thiébaut, une madone des vignerons vers 1510, des statues d’apôtres du XVe siècle dans le chœur, des stalles exécutées après 1492 et restaurées au début du XXe siècle, ainsi que des peintures murales baroques de François Hillenweck. Le chœur abrite l’ensemble le plus vaste de vitraux du XVe siècle conservé en Alsace ; des verrières contemporaines du père Kim En Joong ont par ailleurs été inaugurées en 2010. La tribune et le buffet d’orgue ont été conçus par Théophile Klem en 1885 ; l’orgue, livré par Martin Rinckenbach en 1888, a été reconstruit en 1923 par Joseph Rinckenbach. Après six mois de travaux de restauration incluant le nettoyage des vitraux, la collégiale a été rouverte au public le 1er juillet 2017.
La conservation de l’édifice mobilise des financements croisés de l’État, de la Région, du département, de la ville et d’une fondation dédiée créée le 1er décembre 2008 sous l’égide de la Fondation de France. Les campagnes de restauration ont été confrontées aux effets de la pollution atmosphérique et ont bénéficié d’études et de protocoles techniques, notamment dans le cadre d’un programme franco‑allemand de recherche sur l’action des polluants sur les matériaux du patrimoine. Ce programme, mené en partenariat avec des laboratoires et des ministères, a permis de mieux comprendre les mécanismes de dégradation pierre‑atmosphère, de développer des méthodologies de traitement et de guider des opérations de nettoyage, de consolidation et d’hydrofugation, pour lesquelles des matériaux de remplacement (notamment du grès jaune de Rouffach) et des entreprises spécialisées ont été retenus.
La collégiale Saint‑Thiébaut demeure un des monuments majeurs de l’art gothique tardif en Alsace, remarquable par la qualité de sa sculpture, de ses verrières et par la beauté de son clocher, et fait l’objet d’un suivi permanent pour sa conservation.