Origine et histoire de la Commanderie de la Villedieu
La commanderie de La Villedieu, dite aussi « La Villedieu-lez-Maurepas » ou « Villedieu près Trappes », se situe à Élancourt (Yvelines), à seize kilomètres à l'ouest de Versailles, et marque depuis Paris le premier jalon sur la route de Chartres pour les pèlerins se rendant à Saint-Jacques-de-Compostelle. Fondée entre 1150 et 1180 par les Templiers dans la paroisse d'Élancourt, elle est attestée par une confirmation de donation liée à l'épiscopat de Jean de Salisbury (1176-1180). Gui II, seigneur de Chevreuse, donna aux Templiers des maisons dont celle de La Brosse, donation qui fonde la commanderie, et le nom « de la Villedieu de Maurepas » apparaît pour la première fois en 1206 dans un acte avec l'abbaye de Saint-Denis. La coutume applicable sur le territoire était celle de Trappes, réglementée en août 1226 par Pierre d’Auteuil, abbé de Saint-Denis, ce qui expliqua certains différends entre l'abbaye et les Templiers. Au XIIIe siècle, la commanderie s'inscrit dans le réseau templar de l'époque, où les établissements s'organisaient autour d'une cour centrale avec pièce d'eau et associaient fonctions militaires, agricoles, financières et religieuses. Les possessions templaires à Villedieu comprenaient environ 300 arpents de terres et 110 arpents de bois, ce qui en faisait une commanderie de taille moyenne ; de l'époque templière subsistent la chapelle et un bâtiment dit « des gardes », peut-être une ancienne grange. Après l'ordonnance royale d'arrestation de 1307, plusieurs frères furent arrêtés : Jean de l'Oratoire semble avoir été incarcéré à Crépy-en-Valois où il périt, tandis que Raoul de Taverny, précepteur de Villedieu, fut interrogé à Paris et participa en 1310 à une défense collective de l'Ordre. À la dissolution de l'Ordre en 1312, les biens de Villedieu furent transférés à la commanderie hospitalière de Louviers-Vaumion, implantée à Omerville, les Hospitaliers possédant par ailleurs des biens donnés en 1181 par Godefroy d'Ambleville. Le domaine souffrit des pillages et de l'occupation anglaise pendant la guerre de Cent Ans et tomba dans une telle pauvreté qu'il fut rattaché en 1474 au prieuré hospitalier de Saint-Jean de Latran de Paris. Durant les guerres de Religion, il fut rançonné par les troupes huguenotes en 1567 et 1568, et par la suite la commanderie fut souvent administrée par un simple receveur; la chapelle, quoique entretenue, n'était desservie que sporadiquement, comme l'atteste un acte de 1750. De l'ensemble médiéval, il ne subsiste aujourd'hui que la chapelle en pierre de meulière, inscrite en 1926 à l'Inventaire supplémentaire des monuments historiques ; les autres bâtiments datent des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles. Confisquée en 1792 pendant la Révolution et vendue comme bien national, la commanderie devint une ferme qui, en 1900, comptait une douzaine d'ouvriers agricoles. Exproprié à la fin des années 1930, le site demeura à l'abandon jusqu'à la création de la ville nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines ; l'Établissement public d'aménagement en devint propriétaire en 1972 et d'importants travaux de sauvetage et de restauration eurent lieu de 1971 à 1978. Les bâtiments accueillirent ensuite un office d'information, un centre culturel polyvalent (expositions, séminaires, ateliers, logements d'artistes) et un restaurant ; une seconde phase de travaux, principalement consacrée à la chapelle, fut entreprise en 2012 et l'ensemble appartient aujourd'hui à la communauté d'agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines. Les donations se succédèrent au fil des siècles : Gui II transmit notamment les droits sur la terre de La Brosse, confirmés ensuite par son fils Simon, et la commanderie reçut aussi le village de Boullay-les-Troux, le bois des Layes à Auffargis et un haras. La Villedieu formait une enceinte rectangulaire partiellement conservée, entourée de murs et défendue par un ru ; les fossés et pièces d'eau, encore partiellement visibles, couvraient environ 4,5 hectares et assuraient protection et ressources alimentaires pour une communauté prescrivant une faible consommation de viande. Un état de 1757 et l'acte de vente de l'an III indiquent pour le domaine les mêmes superficies de terres et de bois et un revenu total de 2 000 livres ; le plan comprenait alors la façade d'entrée de la chapelle, le bâtiment dit « des gardes » au sud, les bâtiments ouest et nord de la cour et un abreuvoir. La chapelle, dernier témoin médiéval du site, mesure 28 mètres sur 8 et présentait une hauteur intérieure primitive de 11,80 mètres à la croisée des ogives ; ses façades sont percées de quatorze fenêtres ogivales de grandes dimensions, séparées par des contreforts montant jusqu'au toit d'ardoise, et ces ouvertures furent ultérieurement bouchées par des aménagements de fermiers. Le portail ouest est surmonté d'un porche à archivolte sculptée en pointe de diamant, tandis qu'une tourelle octogonale coiffée d'un toit conique, desservie par un escalier à vis éclairé de meurtrières et se terminant par un lanterneau, est rare dans les commanderies et a pu marquer un lieu d'intronisation des frères du Temple. L'abside est pentagonale et les voûtes reposent sur de fines colonnettes aux chapiteaux sculptés de feuilles ou de crochets ; une piscine d'église à deux cuvettes s'ouvre dans l'épaisseur du mur du chevet. Les trois travées possèdent des arcs portés par des culs-de-lampe ornés de feuillages variés, et les clés de voûte, sculptées, ont perdu pour partie leurs motifs initiaux. Lors des transformations en grange, le sol avait été abaissé et huit pierres tombales furent retrouvées et réemployées, puis le sol fut rétabli à son niveau primitif lors des restaurations, révélant des fragments du dallage originel ; des vestiges de vitraux simples furent relevés et des médaillons provenant de Saint-Denis furent incorporés dans le chœur. La chapelle ne prit la dédicace à saint Jean-Baptiste qu'après son transfert aux Hospitaliers. Enfin, lors des travaux des années 1970, une borne gravée d'une croix templière inscrite dans un cercle, peut-être une borne territoriale, fut mise au jour et est aujourd'hui réinsérée dans la façade d'un bâtiment faisant face à la chapelle ; cette croix rappelle la croix monumentale d'Omerville, qui pourrait avoir une origine liée à la commanderie de La Villedieu-Maurepas.