Origine et histoire de la Commanderie de Libdeau
La commanderie de Libdeau est l'unique vestige de l'architecture templière en Lorraine ; elle se situe sur la commune de Toul, en Meurthe-et-Moselle, à environ 25 km à l'ouest de Nancy. Cette commanderie, fondée avant 1190, fut d'abord templière puis passa à l'ordre hospitalier de Saint-Jean de Jérusalem après la suppression des Templiers. En Lorraine, six maisons du Temple furent établies entre la deuxième et la troisième croisade, notamment à Xugney, Marbotte, Libdeau, Dagonville, Pierrevillers et Couvertpuis. Le nom « Libdeau » dérive d'une contraction latine de liberum, « libre », et donum, « don » ou « offrande ». La présence des Templiers à Libdeau est attestée par des documents dès la fin du XIIe siècle, dont une charte attribuant à l'évêque Pierre de Brixey la confirmation d'un droit d'usage sur un bois offert précédemment par Henri de Lorraine. Cette documentation laisse penser que l'établissement a été fondé au cours du second tiers du XIIe siècle à l'initiative d'Henri de Lorraine, évêque de Toul. Après la suppression de l'ordre du Temple en 1312, les biens furent dévolus aux Hospitaliers, qui reçurent notamment une donation de cinquante jours de terre de la part de l'évêque Amédée de Genève. La Révolution entraîna la dissolution des ordres religieux et la vente de la commanderie comme bien national le 24 juillet 1794 pour 255 000 livres. Pour la période templière, un seul nom de commandeur est parvenu jusqu'à nous. Les archives départementales conservent treize actes, datés pour la plupart entre 1214 et 1272, qui renseignent sur les possessions de la commanderie et montrent une exploitation largement dédiée aux céréales. Les manuscrits attestent surtout la volonté des frères d'acquérir la totalité d'un bois appelé « Les Trois Chênes », ainsi que plusieurs champs, prés, une grange et le moulin de Boyer. Des terres et biens de la commanderie ont été identifiés dans une trentaine de communes du Toulois, la plupart des donations importantes semblant toutefois intervenir à partir du XIVe siècle sous les Hospitaliers. La chapelle de Libdeau, l'un des rares vestiges subsistants des commanderies en Lorraine, est aujourd'hui la seule à conserver ses voûtes d'ogives, malgré de nombreuses altérations. Le bâtiment rectangulaire mesure intérieurement 18,30 mètres de longueur sur 8,60 mètres de largeur ; il est composé de trois travées, dont deux pour la nef et une pour le chœur, fermé par un chevet droit percé d'une fenêtre gothique à trois baies et grand oculus. Les travées sont couvertes de voûtes sur croisées d'ogives aux nervures toriques retombant sur des chapiteaux à corbeille et des colonnes engagées, et la nef était éclairée par de hautes fenêtres gothiques à deux baies et oculus, aujourd'hui pour la plupart murées. L'extérieur comporte huit contreforts, dont quatre angulaires, et la façade s'ouvrait jusqu'en 1963 par un portail remarquable qui a été déposé et transféré au Musée Lorrain de Nancy. Façade et chevet se terminent par des pignons couverts de tuiles ; la façade présente une corniche à modillons et un portail en plein cintre flanqué de colonnettes au décor végétal, surmonté d'un tympan en bas-relief représentant une Vierge à l'Enfant et deux anges. Au-dessus du portail se lit une importante rose en pierre à douze compartiments trilobés, aujourd'hui obstruée, surmontée d'une petite fenêtre en plein cintre de style roman. Jusqu'à la Révolution la messe y était dite et l'entretien assuré, ce qui explique l'état relativement satisfaisant de l'édifice jusque dans la première moitié du XXe siècle ; après 1790 la chapelle connut de multiples altérations, notamment le démontage du portail en 1963 et le transfert de trois pierres tombales au Musée Lorrain, dont une datée de 1588 évoquant une épidémie de peste. Les décors peints intérieurs ont presque disparu, mais subsistent trois croix cerclées polychromes dans les deux premières travées et quelques décors sur les nervures ; le chœur a conservé des enduits en meilleur état et laisse espérer la présence de peintures masquées par des badigeons. Inscrite à l'Inventaire supplémentaire des Monuments historiques depuis le 6 février 1995, la chapelle est protégée contre le démantèlement en raison de son intérêt historique et architectural. Abandonnée depuis 1938, elle a fait l'objet d'un projet de sauvetage initié en 2009 et soutenu depuis 2011 par une association, et sa restauration progresse au rythme des financements publics et privés. La ferme de Libdeau, sur la commune de Toul, appartenait en propre à Alexis Chauxcouillon au moment de son mariage en 1787 et resta dans cette famille jusqu'à sa vente en 1938 ; la présence d'une pierre tombale de 1588 portant ce nom suggère une implantation familiale au moins dès le XVIe siècle. D'autres actes confirment la présence des Chauxcouillon au XVIIIe siècle et un jugement de 1848 a reconnu la propriété de Claude Chauxcouillon avant son décès en 1846. La plupart des bâtiments actuels de la ferme datent du XVIIe siècle : incendiés pendant la Guerre de Trente Ans, les bâtiments de ferme furent reconstruits, la chapelle ayant seule échappé à la destruction, et la disposition actuelle reflète probablement, au moins partiellement, l'organisation conventuelle et utilitaire antérieure.