Origine et histoire de la Commanderie des Templiers d'Arville
La commanderie d’Arville est une ancienne maison templière, puis hospitalière, située à Arville sur la commune de Couëtron-au-Perche dans le Loir-et-Cher, au sud du Perche. Fondée par les Templiers au XIIe siècle, elle s’est développée autour de l’église, avec l’essentiel des bâtiments groupés au nord de celle-ci. Le site s’établit sur la pente d’une colline bordée par le ruisseau du Couëtron, dans un paysage initialement boisé que les frères défrichèrent pour créer des terres arables et des pâtures. La présence templière est attestée dès 1169 par des actes relatifs à des défrichements partagés avec les chanoines de Notre-Dame de Chartres et le seigneur local. La maison d’Arville formait, au sein de la baillie de Chartres, une commanderie comprenant d’autres dépendances comme la maison du Temple-près-Mondoubleau, Melleray et les Matheras. L’église et la base du porche actuel paraissent remonter au XIIe siècle, tandis que logis et bâtiments agricoles complétaient autrefois l’enclos fortifié.
Par des dons, achats et échanges, le domaine s’est accru et a acquis les prérogatives d’une seigneurie : les détenteurs exerçaient la haute, moyenne et basse justice, percevaient la dîme, le champart, le terrage, ainsi que divers cens et rentes, et disposaient de droits de pêche et de péage. Plusieurs moulins sont cités dans les sources et la présence d’un meunier est attestée dès 1209 ; un four banal n’apparaît dans les textes qu’à la période hospitalière. Les exploitations agricoles fournissaient blés et avoines et un cheptel attesté par les sources assurait l’autonomie de la maison, avec des excédents consignés par le précepteur à la fin du XIIIe siècle. L’organisation interne comprenait un frère commandeur, un frère chapelain, un clerc et des frères servants aux métiers agricoles et domestiques ; quelques laïcs travaillaient également pour la maison et certains se donnaient à l’ordre comme donats.
La commende connut à la fois générosité et conflits : de nombreux dons viennent des seigneurs et ecclésiastiques, tandis que des litiges avec la noblesse locale aboutirent parfois à des excommunications et à des réparations. L’arrestation des Templiers en 1307 aboutit à la dévolution des biens à l’ordre de Saint‑Jean de Jérusalem ; la commanderie fut alors réorganisée et placée sous une structure où Sours fit office de maison-mère, Arville devenant une dépendance. À la suite de l’enquête pontificale de 1373, la gestion évolua vers l’affermage et une réduction des effectifs permanents, mesures appliquées à Arville par la suite.
Les Hospitaliers procédèrent à des remaniements des fortifications et des bâtiments : l’enclos conservait encore une grande partie de ses murs et des tours, doublés d’un fossé sec et d’un porche muni d’un pont‑levis. Le porche primitif, dont la base en pierre rappelle le XIIe siècle, fut rehaussé par un pavillon et flanqué de deux tours coiffées de dômes, l’une des façades présentant un décor en damier de brique et pierre typique des campagnes de la fin du XVe et du début du XVIe siècle. Une tour cylindrique subsiste à l’angle sud‑ouest de l’enceinte ; le porche comportait une canonnière et un dispositif de défense désormais lisible dans la topographie. La grange dîmière, largement remaniée en brique, conserve une charpente en chêne ou en châtaignier de facture XVIe siècle et servait au stockage des produits de la terre et des prélèvements seigneuriaux. Le pigeonnier cylindrique, monumental et pourvu de nombreux boulins, attestait de l’importance seigneuriale de la maison et a remplacé un colombier mentionné antérieurement devant le porche.
L’église Notre‑Dame‑Saint‑Louis reste le plus ancien édifice du site ; initialement dédiée à la Vierge, elle a reçu le vocable de Saint‑Louis au XVIIIe siècle. Son plan est simple, avec une nef étroite ouverte de fenêtres en plein cintre et un chevet en abside semi‑circulaire ; la voûte lambrissée en bois fut probablement refaite au XVIe siècle. Le mobilier est en grande partie postérieur à la période templière, quelques pièces datant des XVIe au XVIIIe siècles complétant un ensemble largement remanié au XIXe siècle. Les communs, alignés le long du Couëtron, mêlent grison, silex et brique et présentent une physionomie générale attribuée aux réaménagements des XVe‑XVIe siècles ; le terrier de la fin du XVIIe siècle mentionne logements, fournil, bûcher et écuries capables d’héberger un effectif important de chevaux.
La Révolution française entraîna la mise sous scellés et la vente des biens de la commanderie, tandis que l’église fut relativement préservée. Au XIXe siècle, une maison érigée sur l’emplacement d’un ancien logis fut acquise par la commune et transformée en presbytère ; d’autres constructions et murets fragmentèrent progressivement l’ensemble. À partir des années 1980, un syndicat intercommunal acquit la grange et le pigeonnier puis, par la suite, l’ensemble des propriétés : des travaux de réhabilitation furent conduits avec l’aide de bénévoles et une association est chargée depuis 1999 de la mise en valeur culturelle et touristique du site. Aujourd’hui, l’association de la Commanderie d’Arville emploie du personnel, propose visites et animations, gère un centre d’hébergement et bénéficie d’aides à la restauration, notamment une subvention attribuée en 2024 par la mission Stéphane Bern. Les vestiges et les bâtiments restaurés rendent lisible l’histoire complexe de cette commanderie, entre fonctions religieuses, agricoles et seigneuriales.