Origine et histoire du Corps de garde
L’ancien corps de garde, dit chapelle du Corps de Garde ou chapelle Notre-Dame‑du Rosaire — aussi nommé chapelle du Grapillon — se situe sur la commune de Saint‑Germain‑sur‑Ay (Manche), au lieu‑dit le Jardin de la Loge, sur un promontoire rocheux près du hameau la Gavérie. Bâti et fortifié, il est daté du XVIIe siècle et destiné à la surveillance du littoral pour les milices garde‑côtes puis pour les douaniers. Il constitue un témoignage de la défense des côtes du Cotentin sous l’Ancien Régime et est inscrit aux monuments historiques. L’édifice a été transformé en chapelle et a accueilli des pratiques religieuses, notamment une procession aux flambeaux le 15 août dès 1949, alors que l’église était en reconstruction.
L’historien normand Pierre Mangon du Houguet, qui a répertorié les fortifications de la Manche à partir d’archives aujourd’hui perdues, mentionne la commande par le roi et le gouverneur de vingt corps de garde. Il indique aussi que le maître d’œuvre du corps de garde de Saint‑Germain‑sur‑Ay le fit pour « 140 » et livre l’initiale de son nom, « P. », qui aurait participé à la construction de huit autres corps de garde à Carteret, Surville, Omonville‑la‑Rogue, Digulleville, Saint‑Germain‑des‑Vaux, Sciotot, Le Rozel et Flamanville. La compagnie saint‑germinaise des garde‑côtes, créée en 1705 sous la capitainerie de Portbail, comprenait dix hommes âgés de 16 à 60 ans; un capitaine et un lieutenant tenaient le registre des rôles généraux permettant, en temps de guerre et sur ordre, la levée de mille hommes. Le corps de garde, doté d’un âtre et de trois fenêtres meurtrières, accueillait des relèves des garde‑côtes jour et nuit.
Plusieurs interprétations existent quant à la datation et à l’emplacement exacts des ouvrages successifs. Pierre Mangon avance une date précise sans situer l’emplacement; Michel Pinel estime que le corps de garde actuel daterait plutôt de 1900 et aurait servi aux douanes, ce qui renverrait le corps de garde de 1669 à la pointe du banc au bord de la mer. Une carte particulière des côtes de France de 1831 signale l’emplacement d’un corps de garde disparu, et Louis Le Blond rapproche le corps de garde de la Gaverie de celui de 1669. En 1793, la menace d’une descente anglaise conduisit la municipalité de La Haye‑du‑Puits à réclamer la construction d’un corps de garde au « Bu du Banc », tandis que la population, consciente de l’existence d’un premier ouvrage « situé à une lieue de la mer, près de l’église », aurait souhaité compléter la défense du havre par un second ouvrage. Déjà en 1756, les capitaineries décrivaient le corps de garde comme « reculé dans les terres », et la carte de 1831 montre trois ensembles bâtis en ruine à l’emplacement actuel.
L’édifice est en pierre de taille et repose sur un promontoire rocheux consolidé par des apports de blocs. Il forme presque un carré de 3,80 m sur 3,30 m, avec une hauteur sous plafond atteignant 3,50 m au point le plus haut. Trois meurtrières éclairent l’intérieur : deux orientées vers l’embouchure du havre et la troisième vers la rivière l’Ouve. Un âtre en état de fonctionnement se trouve sur la face nord; l’intérieur présente un autel, deux porte‑cierges et une Vierge. La date 1984 est inscrite à l’extérieur sur le flanc sud du contrefort. Erodé par la mer, le bâtiment a menacé de tomber dans le havre; un comité de sauvegarde créé en 1977 a mis dix ans à consolider et restaurer l’édifice. Pendant ces travaux, le cinéaste René Féret a tourné en 1984 une scène de son film Le Mystère Alexina au pied de la chapelle.