Origine et histoire du Cromlech Er Lannic
Le cromlech d'Er Lannic est une double enceinte mégalithique située sur la côte sud-est de l'îlot d'Er Lannic, à Arzon (Morbihan); l'ensemble et l'îlot sont classés au titre des monuments historiques depuis 1889. Le site a été signalé en août 1866 par Gustave de Closmadeuc, qui décrivit d'abord l'hémicycle nord, puis identifia l'hémicycle sud lors d'une grande marée en 1872 et en proposa un plan montrant les deux structures tangentes. René Merlet releva le site au théodolite en 1919 et attribua l'éloignement de certains blocs à l'action des courants et à l'érosion. Entre 1923 et 1926, Zacharie Le Rouzic et Saint-Just Péquart restaurèrent le site et fouillèrent l'hémicycle nord ainsi que le secteur nord-est de l'île; des photographies de Le Rouzic réalisées en 1929 documentent plusieurs vues du cromlech et de menhirs partiellement immergés. L'association Archeo Douar Mor nettoya les algues en 1991-1992 et fit réaliser un nouveau relevé sous-marin.
Le monument, construit au Néolithique, s'élève sur une pente descendant du centre de l'île vers le rivage sud et se présente comme deux enceintes de pierres levées en forme de fers à cheval, complétées par deux menhirs isolés hors-enceintes. L'immersion partielle actuelle est liée, selon les études, aux mouvements postglaciaires et au rebond isostatique de la lithosphère après la fonte de la calotte polaire au cours de la période Würm; à l'époque de la construction, le niveau de la mer était inférieur d'environ 5 m, correspondant aux plus basses mers actuelles du golfe. L'hémicycle nord, de forme quasi-rectangulaire, mesure environ 52 m sur 50 m, ouvre au sud-est et est aujourd'hui immergé aux deux tiers; son axe médian, proche de l'axe du solstice d'hiver, est marqué par un menhir central haut de 4,40 m hors sol au nord-ouest. L'enceinte nord est délimitée par soixante-quatre dalles accolées, hautes de 1,20 m à 1,80 m, redressées lors de la restauration de Le Rouzic; l'intersection avec la seconde enceinte reste assez confuse. L'hémicycle sud est une enceinte circulaire d'environ 60 m de diamètre, ouverte à l'est et composée de trente menhirs d'une hauteur quasi constante de 4 m, les pierres aux extrémités étant plus imposantes; le menhir septentrional d'extrémité est un grand bloc brisé de 8,20 m. Toute la partie est de cette enceinte a disparu et marque probablement l'emplacement du paléorivage avant submersion; les vestiges ont pu correspondre à des aménagements symboliques visant à marquer la limite face à la mer. De façon générale, les blocs de l'enceinte sud sont plus grands, plus larges et espacés plus régulièrement que ceux du nord, ce qui pourrait indiquer des phases de construction différentes; à la jonction des deux enceintes, trois dalles plus grandes et le grand menhir brisé semblent constituer les vestiges d'un aménagement circulaire désormais confus.
Les deux menhirs isolés, l'un situé au large du rivage ouest et l'autre près du rivage est, mesurent respectivement 3 m de hauteur et 7 m de longueur; leur éventuel alignement n'éclaire pas clairement leur relation avec les enceintes. Les dalles employées sont en granulite et en migmatite d'origine locale; quatre d'entre elles, dans l'enceinte nord, portent des gravures ou des cupules représentant des haches simples ou emmanchées, dont une hache gravée en creux longue de 30 cm, ainsi que des traits verticaux parallèles qui pourraient être plus récents. Sur une pierre de calage du grand menhir, Le Rouzic a interprété un groupe de cupules comme une possible représentation de la constellation de la Grande Ourse.
Lors de ses fouilles, Le Rouzic recueillit un important mobilier néolithique provenant de foyers et de coffres funéraires placés au pied des menhirs, ainsi que des traces d'habitations matérialisées par des trous de poteaux. Les vestiges comprennent des ossements incinérés, des restes de poissons, des dents de bœuf et du bois de cerf. Le corpus lithique est très abondant : 800 nucléus, 9 800 éclats non retouchés et 5 500 éclats retouchés, dont 16 pointes de flèche à ailerons, 69 pointes à tranchant, 421 lames, 293 grattoirs, 83 perçoirs et 32 rabots. Le mobilier d'outillage comporte également des haches — 27 petites en fibrolithe d'origine locale et fragments de 27 autres, 10 haches en dolérite, une en silex poli et 150 fragments. La céramique se compose d'environ 800 kg de tessons datés du Néolithique moyen et final, majoritairement issus de 520 vases-supports chasséens décorés, interprétés comme des vases cérémoniels ou brûle-parfums; ces découvertes sont conservées au musée de Préhistoire de Carnac. L'abondance des silex et des haches peut indiquer la présence d'un atelier de taille, tandis que les foyers et coffres suggèrent un usage funéraire; l'île a probablement rempli plusieurs fonctions complémentaires (habitat, observatoire astronomique, centre rituel). Selon l'ensemble du matériel archéologique découvert, on envisage une occupation du site vers 4000 av. J.-C. et l'édification des deux hémicycles vers 3500 av. J.-C.