Origine et histoire du Désert de Retz
Le Domaine dit Désert de Retz, situé à Chambourcy en bordure nord de la forêt de Marly, est un jardin anglo-chinois créé à la fin du XVIIIe siècle par François‑Nicolas‑Henri Racine de Monville. Le propriétaire le nomma « Désert », terme ancien désignant un lieu de retraite où l'on recevait sans protocole, et l'appellation Retz est la corruption du nom de l'ancien seigneur Barthélemy de Roye ou de Retz. À son apogée le domaine s'étendait sur 38 hectares et se distinguait par dix-sept fabriques et des essences rares importées du monde entier ; aujourd'hui il couvre 17 hectares, rétrocédés à la commune de Chambourcy en 2007. Monville acquit une maison de campagne et treize hectares en 1774, étendit ses terres par acquisitions successives et commença l'agencement du jardin en construisant vers 1775 le Temple au dieu Pan. La Maison chinoise, commencée en 1777, fut la première résidence du propriétaire sur le site, avant qu'il n'habite la Colonne détruite élevée en 1781, qui devint ensuite sa demeure principale. En 1777 Monville fit venir plusieurs milliers de plants des pépinières royales et constitua des serres chaudes pour ses collections végétales. Le plan établi par Monville en 1785 prévoyait une vingtaine de fabriques réparties sur le paysage et le lieu accueillait réceptions, concerts et pièces de théâtre.
Le domaine connut ensuite des occupations et successions de propriétaires : la famille anglaise de Lewis Disney Ffytche, puis Alexandre Denis et la famille de Jean‑François Bayard, suivis de Frédéric Passy et de ses descendants, avant l'acquisition par la Société Fermière de Joyenval en 1936. Le site fut classé monument historique en 1941 grâce à l'action de Jean‑Charles Moreux et de Colette. À partir des années 1970 l'État finança des travaux de sauvegarde portant notamment sur la Glacière pyramide, le Temple au dieu Pan, le Théâtre découvert et la Colonne détruite. En 1986 le domaine fut cédé symboliquement à Olivier Choppin de Janvry et Jean‑Marc Heftler qui créèrent la Société Civile Immobilière du Désert de Retz ; le site est resté ouvert au public jusqu'en 1997, avec des visites assurées en grande partie par l'association HISCREA. Des restaurations et nettoyages ont été réalisés avec des financements publics et privés, la Tente tartare ayant été reconstruite en 1989. La commune de Chambourcy a reçu la moitié du domaine en 2007 pour un euro symbolique, et le Désert de Retz a été officiellement rouvert au public le 24 septembre 2009.
Parmi les fabriques encore présentes, la Colonne détruite, construite en 1781, est la plus remarquable : il s'agit d'un fût de 15 mètres de diamètre s'élevant à environ 25 mètres, où s'organisaient sur quatre niveaux des appartements raffinés desservis par un escalier hélicoïdal. Malgré l'extérieur volontairement ruiné, l'intérieur de la Colonne était richement aménagé, avec cheminées en marbre blanc, miroirs, tentures en toile de Jouy, mobilier en acajou et une cuisine desservie par un tunnel depuis les communs. Le Temple au dieu Pan, construit vers 1775, évoque la Grèce classique ; il comprend un avant‑corps semi‑circulaire à colonnes toscanes ouvrant sur une salle meublée et ornée à l'origine de marbres et sculptures. Le petit autel votif situé au sud de la Colonne repose sur un socle circulaire et portait autrefois un vase ovoïde décoré de têtes de bélier et de guirlandes, visible depuis le cabinet de travail de Monville. Le Théâtre découvert, bordé autrefois d'ormes formant un berceau, conservait des pots à feu chinois et un mur de scène qui portait un bas‑relief représentant Bacchus enfant ; il servait à la fois d'espace dramatique et de décor panoramique paysager. La Glacière pyramide se compose d'une cuve demi‑barrique profonde de six mètres, d'un soubassement carré et d'une pyramide ; elle servait à conserver la glace et les denrées périssables grâce à un système d'empilement et d'isolation et à un accès orienté au nord. La Tente tartare, dressée sur l'île du Bonheur et reconstruite en 1989, est une structure à armature de bois recouverte de tôle peinte à larges rayures et tendue intérieurement de toile de Jouy ; elle évoquait l'exotisme et servait de salle d'armes. D'autres éléments encore visibles incluent le temple du repos, des ruines de serres chaudes, l'église gothique et divers aménagements paysagers illustrant l'originalité du projet de Monville.
Parmi les fabriques disparues ou en ruine figuraient notamment la Maison chinoise, première véritable maison chinoise en Europe, entièrement construite en teck et écroulée au début des années 1970, ainsi que l'orangerie, les serres, une grotte artificielle, les communs et plusieurs constructions agricoles aujourd'hui perdues. Le domaine comprenait également des installations agricoles et d'élevage, telles qu'une laiterie, une métairie et un potager en carrés, qui assuraient une part de l'autonomie des occupants. Le Désert de Retz a reçu de nombreux visiteurs illustres : au XVIIIe siècle des personnalités comme Madame du Barry, Marie‑Antoinette, Louis Philippe d'Orléans, le roi Gustave III de Suède, Élisabeth Vigée‑Lebrun, Thomas Jefferson et le prince de Ligne ; au XXe siècle des figures telles qu'André Breton, Colette, Guy Debord, Abel Gance, Izis, Michael Kenna, André Malraux et François Mitterrand ont également visité le site. Le patrimoine du Désert de Retz a été documenté et étudié par de nombreux auteurs et ouvrages qui constituent les principales sources pour son histoire et sa conservation.