Origine et histoire du dolmen de Pech de Grammont
Le dolmen de Pech de Grammont, situé sur la commune de Gramat (Lot), remonte au Néolithique récent - Chalcolithique. De type dolmen double, il réunit deux chambres funéraires juxtaposées sur un axe est-ouest et reliées par une dalle intermédiaire. Jacques-Antoine Delpon avait signalé son architecture originale, mise en évidence par la fouille menée par Jean Clottes et Michel Carrière en 1968-1969, qui en fit l'archétype du concept de dolmen double. Le monument est inscrit au titre des monuments historiques depuis 2012. Il a été édifié sur une crête dominant une profonde doline et la vallée de l'Alzou.
Le tumulus ovale de 19 m sur 16 m, constitué de blocs de pierre et d'une importante charge de terre favorisant le développement de la végétation, renferme deux constructions successives : un petit dolmen presque au centre et un plus vaste à l'est. Les fouilles ont montré que chaque dolmen était entouré d'une murette en pierres sèches destinée vraisemblablement à étayer le tumulus lors de la pose de la table ; la murette du petit dolmen forme un enclos arrondi avec un petit colimaçon devant l'entrée, composée de sept à huit rangées de dalles sur environ 0,65 m de hauteur recouvertes d'une fine chape de pierraille, tandis que la murette du grand dolmen présente un montage analogue mais partiellement détruit par les racines. Une dalle intermédiaire de 1,20 m sur 1,50 m et 0,15 m d'épaisseur, volontairement enfoncée dans le sol, sépare les deux édifices et exclut l'hypothèse d'un déplacement postérieur.
Le petit dolmen est une chambre rectangulaire orientée à l'est (azimut 110°) de 1,60 m de long, 1 m de large et 1 m de haut ; ses orthostates et la dalle de chevet sont inclinés vers l'intérieur et les dalles latérales sont assises dans une rigole creusée dans le rocher, la table de couverture, en très bon état, ayant été ajustée pour rester parfaitement horizontale. Le sol de la chambre n'a ni été creusé ni dallé : les dallettes calcaires du substrat, recouvertes d'une mince couche d'argile, servent de pavement et présentent une légère pente nord-sud.
La grande chambre, orientée selon le même azimut, mesure 2,80 m sur 2 m pour 1,35 m de hauteur ; l'orthostate gauche s'est brisé et est affaissé vers l'intérieur alors que l'orthostate droit, profondément enfoncé, est demeuré vertical. Plusieurs fragments rejetés de part et d'autre correspondent probablement à la table de couverture originelle, brisée lors d'un pillage, et aucune dalle de chevet n'a été retrouvée. Un petit caisson enfoui dans le sol de la chambre, d'environ 0,80 × 0,40 × 0,40 m, a été découvert ; ce type de coffre n'avait jamais été signalé dans le Lot et, d'après ses dimensions, il aurait pu contenir un crâne ou un vase, mais cela reste hypothétique. La dalle de fermeture ovale est doublée vers l'extérieur par une dalle-hublot perpendiculaire au support droit ; l'ouverture, presque ronde et polie sur tout le pourtour, mesure 0,38 à 0,40 m de diamètre, la partie supérieure étant malheureusement brisée. Cette dalle-hublot, premièrement signalée sur les Causses et unique en Quercy, est postérieure à l'achèvement du dolmen : elle n'est pas plantée mais posée à la surface du sol avec un calage rudimentaire et double partiellement la dalle de fermeture.
Les chambres avaient déjà été fouillées auparavant, notamment par Jacques-Antoine Delpon, et une grande partie des découvertes plus anciennes a été perdue. Les vestiges osseux retrouvés étaient pour la plupart fragmentés et dispersés ; seules quelques pièces présentaient encore une connexion anatomique, notamment cinq vertèbres associées à des fragments de côte dans le petit dolmen et un couple astragale/calcaneum dans le grand. Le comptage des dents et des astragales permet d'estimer un minimum de 9 à 10 individus inhumés dans le petit dolmen et de 22 à 25 dans le grand. Les restes animaux sont rares (dents de mouton, de renard, lapin et lièvre) et leur statut (offrande ou charogne) ne peut être précisé.
Le mobilier funéraire diffère nettement entre les deux chambres : la petite renfermait 25 perles annulaires en calcite, un petit vase à fond plat sans décor et deux gros tessons attribués au style des champs d'urnes, tandis que la grande contenait de très nombreuses perles — dont 605 perles annulaires en test de coquillage et deux petites perles en calcite du même type — ainsi qu'une incisive de renard percée, une pointe de flèche foliacée en silex bleuté finement travaillée, deux pointes tranchantes en silex blond, une lamelle, six éclats et divers tessons de poterie. L'extérieur de l'entrée de la grande chambre a livré un dépôt de 83 perles en test de coquillage (dont 79 d'un style différent), 29 coquilles marines de columbelles d'origine méditerranéenne et 51 boutons prismatiques en "V" appartenant à deux séries, et un autre dépôt composé de tessons provenant de deux vases a été découvert en face de l'ouverture de la dalle-hublot ; ces concentrations de mobilier évoquent la mise en œuvre de pratiques rituelles récurrentes.
Jean Clottes conclut que les deux dolmens ont été construits successivement et indépendamment, le petit dolmen ayant été édifié en premier puis le second, dont la construction a contribué à modifier la forme initiale du tumulus ; les différences de mode de construction et de mobilier indiquent un décalage chronologique, justifiant l'appellation de « dolmen double ».