Origine et histoire
La Pierre-aux-Fées, aussi appelée Pierre des Morts, est un dolmen situé à Reignier, en Haute‑Savoie. Il se trouve près du hameau de Saint‑Ange, sur la plaine des Rocailles, une région morainique parsemée de blocs erratiques déposés par les glaciers. Le monument est signalé dès 1819 comme « autel druidique » et illustré pour la première fois par Burdallet en 1834. Des sondages réalisés en 1843 ont donné, selon H.-J. Gosse, uniquement des ossements d’animaux, et un plan sommaire a été publié par J.-D. Blavignac en 1847. P. Vionnet a réalisé les premières photographies et a identifié l’édifice comme dolmen en 1872 ; Louis Revon a fouillé à l’ouest en 1878 et publié un plan détaillé, puis en 1879 Fessi, Mayor et Olivier ont trouvé des restes animaux (quatre dents et une phalange de bovidé) aujourd’hui conservés au Muséum de Genève. Le dolmen a été classé au titre des monuments historiques par arrêté du 10 juin 1910 et a fait l’objet d’un relevé lasergrammétrique en 2007 ; il a donné son nom au collège de la Pierre‑aux‑Fées de Reignier. L’édifice, de plan allongé et de caractère monumental, est orienté vers l’est ; il se compose d’une grande table de couverture de 4,90 m de long sur 4,30 m de large et d’une épaisseur maximale de 1,20 m, reposant sur trois orthostates. La table a un volume estimé à 15,04 m3, soit une masse d’un peu moins de 40 t, et sa face interne a été aplanie ; elle porte des rainures bouchardées larges de 0,30 à 0,50 m et profondes jusqu’à 5 cm, qui dessinent une forme trapézoïdale. Les orthostates mesurent environ 2 m de largeur, avec des hauteurs comprises entre 1,60 m pour le pilier ouest et 1,85 m pour les piliers nord et sud, et des épaisseurs variant de 0,35 m à 0,85 m ; tous présentent des bords latéraux rectilignes retravaillés. Les faces internes des piliers nord et sud portent une cannelure verticale bouchardée d’environ 0,30 m de large et 3 cm de profondeur, juste sous les rainures de la table, et le pilier nord comporte une seconde rainure verticale de 0,20 m de large sur 6 cm de profondeur, mais les bords supérieurs des orthostates ne s’encastrent pas parfaitement dans les rainures de la table, ce qui pourrait indiquer la réutilisation de dalles précédemment façonnées pour un autre monument. L’architecture et l’emplacement de l’entrée restent inconnus ; il semble manquer trois piliers au nord, au sud et à l’est, probablement récupérés à une époque indéterminée sans provoquer l’effondrement de l’ensemble. Un petit bloc quadrangulaire repose au centre de la chambre et deux dalles allongées, de longueurs respectives de 3,10 m et 2,80 cm, sont visibles à l’est ; elles présentent une face bombée irrégulière et une face plus plane, caractéristiques résultant du plan de clivage naturel de la roche et non d’un façonnage volontaire, et leurs rebords supérieurs irréguliers suggèrent qu’il ne s’agit pas de piliers mais peut‑être de deux « antennes », type fréquent dans les dolmens jurassiens ou valaisans. Côté ouest, sud et nord, plusieurs dalles massives sont couchées et, au sud et au nord, certaines semblent alignées selon des axes est‑ouest et est‑sud‑est/ouest‑nord‑ouest, ce qui pourrait témoigner d’un parement ; une dalle du côté sud porte une gravure ovale obtenue par bouchardage, qui pourrait représenter une hache polie. La table de couverture, les trois orthostates et deux dalles couchées sont en granite du Mont‑Blanc (protogine), les autres dalles étant de nature variée. L’étude des documents anciens montre que l’architecture du monument n’a pas connu de modifications importantes depuis le milieu du XIXe siècle, mais que le sol a été décapé sur 0,30 à 0,60 m, travaux réalisés après le classement pour améliorer la visibilité ; selon d’anciens témoignages, le dolmen aurait été partiellement recouvert par les vestiges d’un tumulus. Quelques éléments du matériel archéologique retrouvé permettent de situer l’édifice entre −3 200 et −2 800 avant notre ère. Selon la tradition, des fées auraient aidé un chevalier pauvre, Aymon de Bellecombe, à dresser à temps une table de pierres pour obtenir la main d’Alice, la fille du baron, et une autre légende raconte que des fées, surprises par l’orage, se seraient abritées avec des pierres trouvées sur la plaine.