Origine et histoire du dolmen du Mont-Rivinco
Le site archéologique du Monte Revincu est situé sur la commune de Santo-Pietro-di-Tenda, dans le désert des Agriates, en Haute-Corse, et comprend des monuments funéraires mégalithiques (dolmens et coffres) ainsi que des vestiges d'un habitat néolithique. Les dolmens du Monte Revincu ont été signalés pour la première fois par Adrien de Mortillet en 1883. Jusqu'en 1999, le site a été occupé par un champ de tir militaire et il fait l'objet de fouilles de la DRAC dirigées par Franck Leandri à partir de 1996. Les édifices ont été inscrits au titre des monuments historiques en avril 2016 puis classés en octobre 2018. Le Monte Revincu domine le golfe de Saint-Florent et la partie orientale des Agriates; il occupe un petit plateau connu sous le nom de Cima di Suarello, étagé en paliers sur plus de 300 mètres et limité par un col au sud-est. Sur une dizaine d'hectares le site rassemble trois dolmens, trois coffres authentifiés et sept probables, trois cercles de pierre, un menhir et trente-six grandes structures rectangulaires. Les pierres de construction sont essentiellement de l'orthogneiss local, dont le feuilletage a facilité l'extraction en dalles, et du « granite de Tenda ». Les structures mégalithiques se distribuent en trois secteurs : à l'ouest la Casa di l'Orcu et le coffre C ; à l'est la Casa di l'Urca et les coffres A et B au col de Tozzola ; et au sommet le dolmen de Cellucia avec deux petits menhirs et diverses installations. Tous ces monuments montrent une unité architecturale : usage de la pierre, plan rectangulaire, dalles dressées sur chant et empierrements en dallettes.
Le dolmen de la Casa di l'Urcu, souvent utilisé comme abri par les bergers jusqu'au début du XXe siècle, a subi des aménagements pastoraux et des dommages après un tir d'obus dans les années 1950. La chambre, délimitée par deux orthostates en contrebutée et une dalle de chevet, est couverte d'une unique table de couverture munie d'une vasque à l'extrémité orientale; une quatrième dalle signalée autrefois est aujourd'hui brisée. Le tumulus ovoïde originel de 10 à 12 mètres de diamètre est largement arasé; la fouille a mis au jour un couloir désaxé matérialisé par quatre blocs dressés et un seuil, et des dalles plantées à un mètre de la dalle de chevet qui pourraient appartenir à un monument antérieur. Les fouilles ont été rendues difficiles par des excavations clandestines qui ont détruit la couche archéologique interne; le matériel trouvé se limite à quelques pièces lithiques indéterminées et à des tessons de céramique fine attribués à la fin du Ve ou au début du IVe millénaire av. J.-C. Selon la tradition locale, ce dolmen est appelé « La Casa di l'Urcu », la maison de l'ogre.
La Casa di l'Urca, signalée dès Mortillet mais recouverte de végétation avant les fouilles de 1995, est une chambre délimitée par deux orthostates et une dalle de chevet, recouverte d'une table unique et enchâssée dans un tumulus sub-circulaire à deux gradins pourvu d'un parement de blocs sur chant. Un couloir conduisait autrefois jusqu'à la bordure du tumulus; les sondages ont livré un mobilier limité : fragments de quartz taillés, percuteurs et un fragment de lame de hache, et des charbons datés du dernier tiers du Ve millénaire av. J.-C. À une trentaine de mètres à l'ouest se remarque un cercle de gros blocs d'environ 20 mètres de diamètre, avec un monolithe central d'environ 1,20 m sur 0,50 m.
Le dolmen de Cellucia, installé au sommet du Monte Revincu, est un petit monument d'environ un mètre carré, sans table de couverture, délimité par quatre orthostates et ouvert au sud-est. Il est précédé d'un vestibule et d'un couloir formé par deux longues dalles parallèles et inclus dans un périsatlithe de petites dalles; la fouille y a livré des tessons de céramique polie, trois lames de hache finement polies (dont une en éclogite alpine) et seize pendeloques en roche dure vert clair. La datation des charbons du couloir situe l'occupation au dernier tiers du Ve millénaire av. J.-C.; un petit menhir oblong en orthogneiss, biseauté au sommet, se dresse à environ 25 mètres au sud-est sur une plateforme compartimentée.
Parmi les dix coffres mégalithiques identifiés, quatre ont été fouillés : les coffres A et B au col de Tozzola, le coffre C près de la Casa di l'Urcu et le coffre D avec d'autres structures similaires dans la zone d'habitat. Le coffre A est rectiligne et cloisonné, limité par de petits blocs; le coffre B, installé contre un chaos rocheux, délimite une aire de 2,5 m2 incluse dans un tertre ovale et a livré une armature de flèche pédonculée et à ailerons datée du Chalcolithique terrinien. Le coffre C, dans un tumulus de 6 mètres de diamètre, a fourni une lamelle en obsidienne et une armature en rhyolite; un charbon issu de cette fouille a été daté du dernier tiers du Ve millénaire av. J.-C.
Le village néolithique, installé au centre du site sur la Cima di Suarello, comprend trente-six structures rectangulaires orientées nord-est/sud-ouest dont huit ont été partiellement ou totalement fouillées. Ces plates-formes, de 25 à 130 m2, sont définies par des dalles plantées de chant et présentent le plus souvent deux niveaux d'empierrement constituant un radier, parfois aménagé en terrasses et parfois cloisonné, avec des trous de poteaux et des traces de parois périssables. Le mobilier découvert est relativement pauvre et dominé par des éléments lithiques en quartz local et, en moindre quantité, par des produits finis importés (rhyolite, silex, obsidienne); l'outillage en roche polie est rare et la céramique, malgré son abondance, est très fragmentée. Un charbon de bois recueilli sur ces plates-formes a été daté par radiocarbone entre 4340 et 4073 av. J.-C., ce qui situe ces occupations dans le Néolithique moyen et conduit à associer les bâtiments à des activités domestiques diversifiées.