Origine et histoire
Le domaine de la Grange des Prés, à Pézenas (Hérault), est un monument historique inscrit en 2015, inventorié en 2003, dont le parc est classé depuis 1942. Anne de Montmorency s'installa en 1539 dans l'ancien château de Pézenas ; son fils Henri Ier de Montmorency acquit en 1587 les terres dites des Prés et fit édifier La Grange des Prés, œuvre de l'architecte Jean Thomas, achevée en 1595. L'édifice primitif, dit « château vieux », formait quatre corps de bâtiment autour d'une cour et englobait une ancienne chapelle romane surélevée pour créer une salle haute ; le rez-de-chaussée abritait les communs, la salle basse et la cuisine, le four étant installé dans une tour. À partir de 1601, le maître maçon Claude Bastide fit élever deux galeries à arcades et entourer le domaine d'un mur d'enceinte couronné de merlons ; entre 1604 et 1607 furent ajoutés divers bâtiments d'habitation et agricoles, et un grand escalier desservant la salle haute et une terrasse fut aménagé en 1610. Le jardin à l'italienne comportait des terrasses dominant la plaine de l'Hérault, des bosquets regroupant pins, cyprès et ormeaux, des sculptures végétales, de nombreuses fontaines dont un dispositif nommé « rossignol », une allée bordée de 79 orangers, un jeu de mail, une orangerie, un potager, trois parterres (dont un semé de fleurs), un verger de 113 arbres fruitiers et un vivier alimenté par un canal venant des crues de l'Hérault. Henri II de Montmorency hérita du domaine en 1614 ; la Grange reçut les États du Languedoc cette même année et fut visitée par Louis XIII en 1622 puis par le cardinal de Richelieu en 1629. En 1632 le gouverneur se rebella, quitta le domaine en juillet et fut décapité à Toulouse en décembre ; sa sœur Charlotte hérita ensuite du domaine en indemnisant ses sœurs avec l'aide de son mari, le prince de Condé. Le prince de Condé poursuivit les travaux et agrandit l'ensemble ; Armand de Bourbon, prince de Conti, hérita en 1650 et, en 1653, installa au domaine sa maîtresse Mme de Calvimont ; à cette époque la troupe de Molière fut accueillie sous le patronage du prince, avec des représentations en 1653 et 1655. Le prince de Conti mourut au château en 1666. Les héritiers vendirent progressivement des parties du domaine jusqu'à la fin du XVIIIe siècle et l'installation d'une manufacture de draps en 1697 marqua le déclin de la demeure princière. La création d'une caserne en 1738, dont subsiste le portail monumental, précéda l'achat du « château vieux » par les oratoriens en 1741 et la transformation en hôpital militaire en 1795. Vendu comme bien national, le domaine fut racheté en 1812 par Maurice Dessalles ; le château vieux disparut et les parties agrandies au XVIIe siècle furent converties en dépendances agricoles. Eugène Dessalles transforma la grange en domaine viticole produisant jusqu'à 14 000 hectolitres et fit édifier vers 1850 un nouveau château « pinardier » de style néo-Louis XIII, tandis que les frères Bühler reconstituèrent le jardin dans le goût de la seconde moitié du XIXe siècle. Une chapelle privée, Notre-Dame-des-Neiges, de style néo-gothique, fut ajoutée près de l'emplacement du château vieux et reçut la visite du cardinal de Cabrières. À la fin du XIXe siècle la Comédie-Française donna des représentations et, en 1897, Mathilde Bellaud-Dessalles fit placer un buste de Molière d'après Houdon au bord du bassin lors de festivités qui reçurent artistes et musiciens tels que Camille Saint-Saëns et le poète Achille Maffre de Baugé. Le descendant François Hüe ouvrit le domaine aux musiciens, artistes et chercheurs ; en juin 1957 eut lieu une fête pour le tricentenaire du départ de Molière avec un discours de Wladimir d'Ormesson et une représentation du Bourgeois gentilhomme par Louis Seigner et la Comédie-Française. Olivier Messiaen vint enregistrer des chants d'oiseaux dans le parc en 1960 et 1961. Le domaine d'environ 10 hectares est ceint d'un mur de pierres volcaniques dont les merlons furent abattus à la Révolution ; l'accès depuis la route de Pézenas se fait par une grille de fer forgé au sud-ouest. Deux tours rondes du XVIIe siècle, à gauche de l'entrée, ont conservé leurs merlons et, entre elles, le grand portail de la caserne du XIXe siècle dessert les communs. Les communs, datés de la fin du XVIe siècle, s'organisent sur deux étages autour d'une cour carrée d'environ 40 mètres de côté ; ils sont enduits et couverts de tuiles. Le château néo-Louis XIII du début de la seconde moitié du XIXe siècle, séparé des communs, mesure environ 25 sur 12 mètres ; sa façade principale orientée au sud-est fait face au bassin et est flanquée de tours octogonales en pierre. Les murs en briques rouges sont percés régulièrement d'ouvertures encadrées de pierres jaunes de Nézignan et les toits en ardoise sont percés de mansardes. Les jardins recréés à la fin du XIXe siècle s'étirent autour du château : le chemin principal traverse le parc devant le bassin, plusieurs pins d'origine subsistent et un bassin rocaille occupe l'angle nord‑est devant un ancien château d'eau.