Origine et histoire
Le Domaine de la Tuilerie comprend un château néo-classique bâti entre 1773 et 1789 par Jean-Baptiste Le Brument pour Louis Chef-d'Hostel, négociant rouennais issu d'une famille originaire de Vatteville-en-Roumois et de religion protestante. Une série importante de plans originaux et les livres de comptes du commanditaire permettent de connaître avec précision la chronologie de la construction, la provenance des matériaux et l'intervention des différents corps de métier. Outre le corps de logis, l'ensemble architectural comprend deux bâtiments de communs, un bâtiment de ferme (grange-pressoir) et divers aménagements de jardins, les matériaux employés étant la pierre et la brique traditionnelles de Normandie. L'agencement intérieur d'origine est conservé, la cuisine et le lavoir ayant été les seules pièces profondément transformées ; les dallages ont disparu tandis que des planchers subsistent en partie et que les décors sont restés intacts. La salle à manger conserve des panneaux en trompe-l'œil à décor de paysage signés Bouël, la ferronnerie est due à Frérot et la décoration à Le Sueur Le Jeune. Le logis date du premier quart du XIXe siècle et la chapelle de la seconde moitié du XIXe siècle ; le château est situé à Auteuil.
Sur ce même territoire, une tuilerie exploitant l'argile existait dès 1248, au sud de la rue des Tombereaux, voie qui matérialisait la limite entre les paroisses puis communes d'Auteuil et de Passy et qui correspond à l'actuelle rue de l'Assomption. Le parc, appelé parc de Boulainvilliers du côté de Passy, formait un domaine d'environ cinq hectares s'étendant entre l'actuelle avenue Mozart, la rue de la Fontaine et la rue des Tombereaux ; d'après les cartes du milieu du XVIIIe siècle, il était clos. François Ier y fit édifier un pavillon de chasse. En 1782, le marquis de la Tour du Pin fit construire un château isolé et dissimulé par le feuillage, surnommé « le château invisible », où il vécut jusqu'à son arrestation en 1792. Vers 1800 le premier consul Napoléon Bonaparte rendait parfois visite à la comtesse de Brienne, propriétaire du château et bienfaitrice de son admission à l'École militaire de Brienne. Plusieurs personnalités s'y succédèrent, dont Talleyrand puis Adolphe Thiers, qui y tenait des réunions d'opposition au gouvernement de Louis-Philippe, donnant lieu à l'antique remarque : « La Tuilerie dit oui, mais Les Tuileries disent non. »
Vers 1850, M. Demion, propriétaire du domaine, fit édifier une tour et vendit une partie du parc le long de la rue de la Fontaine, entre les numéros 2 et 36 ; l'avenue Saint-André, parallèle à la rue de la Fontaine, et l'avenue de la Tuilerie, perpendiculaire, furent alors tracées, avant d'être supprimées vers 1880 selon les plans de l'époque. Sur cette bande de terrain furent élevés, à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, des immeubles dont le Castel Béranger.
En 1855, le domaine fut acquis par les Religieuses de l'Assomption, qui y créèrent un pensionnat de jeunes filles et firent édifier à côté du château un monastère de style gothique, inauguré en 1857 par l'architecte Aymar Pierre Verdier. Les religieuses furent expulsées en 1906 par la loi sur les congrégations ; le château et le monastère, situés à l'emplacement de la place Rodin et du jardin Christiane-Desroches-Noblecourt, furent détruits en 1927 et la plus grande partie du parc fut lotie à partir de 1928 pour la construction du quartier qui s'organise aujourd'hui autour de la place Rodin. Le nouveau tissu urbain comprend des immeubles de grand standing et des hôtels particuliers de styles Art déco, néo-Louis XVI ou d'architecture des années 1950. Les religieuses revinrent en 1953 pour y établir leur maison-mère dans un bâtiment annexe au 17 rue de l'Assomption, avec un jardin s'étendant jusqu'à l'avenue du Recteur-Poincaré, et une chapelle dédiée à Notre-Dame de l'Assomption fut édifiée en 1961 par l'architecte Noël Le Maresquier. Le domaine et ses bâtiments sont par ailleurs documentés sur des cartes, plans et vues anciennes.