Origine et histoire
Le domaine de Madame Élisabeth, dit domaine de Montreuil, se trouve aux nos 24 et 26 rue Champ-Lagarde, dans le quartier de Montreuil à Versailles (Yvelines). Montreuil est une seigneurie attestée dès le XIIe siècle et disposait d’une forteresse en 1375. Entré dans le domaine royal, le site fut cédé à l’ordre des Célestins de Paris par Charles VI, qui en fit une ferme, puis il fut intégré au domaine de Versailles sous Louis XV. La présence d’une source alimentant des étangs en a fait un lieu à la mode où des proches de la Cour firent construire de belles propriétés d’agrément. En 1772, le prince de Rohan-Guéméné et son épouse, dite Madame de Guéméné, achetèrent et agrandirent le domaine pour en faire une propriété de huit hectares, confiant les transformations de la maison et des jardins à l’architecte Alexandre‑Louis Étable de La Brière. Après la faillite des Guéméné, Louis XVI acquit la demeure en 1783 pour sa sœur Élisabeth de France, dite Madame Élisabeth ; la reine Marie‑Antoinette la présenta comme une surprise en déclarant « Vous êtes ici chez vous ». Entre 1787 et 1789, l’architecte Jean‑Jacques Huvé modernisa les bâtiments dans le style néo‑classique en élevant des corps de logis à deux niveaux en pierre de taille, striés de refends horizontaux et surmontés de combles brisés. L’ensemble comprenait notamment une chapelle de plan circulaire à éclairage zénithal et un boudoir turc ; le mobilier fut commandé aux ébénistes Jean‑Baptiste‑Claude Sené et Jean‑Baptiste Boulard, dont des pièces sont aujourd’hui conservées au musée du Louvre et au musée Nissim‑de‑Camondo. Madame Élisabeth séjourna dans la propriété jusqu’en 1789. Le mur de clôture le long de l’avenue de Paris, couronné d’une balustrade, servait de terrasse dominant le parc et le jardin de huit hectares aménagé dans le goût anglo‑chinois, avec grotte factice, cours d’eau, cascade et pont ; des dessins de Huvé, conservés à la Bibliothèque nationale, au musée Carnavalet et au musée Lambinet, gardent la mémoire de cet aménagement. Madame Élisabeth installa un petit dispensaire pour les pauvres des environs ; ceux‑ci étaient soignés par le médecin et botaniste Louis Guillaume Le Monnier, qui fit apporter des plantes rares au potager du domaine. La Révolution mit fin à ces activités. Ayant échappé au morcellement révolutionnaire, le domaine passa au début du XIXe siècle à la famille Clausse ; Charles Louis Clausse, maire de Versailles, y mourut le 10 septembre 1831. Les bâtiments furent profondément transformés, vraisemblablement sous la Restauration ou la Monarchie de Juillet, pour aboutir à leur configuration actuelle. Entre les deux guerres, le propriétaire Jean‑Baptiste Chantrell mena d’importantes restaurations, puis en 1955 sa fille Lydie vendit la propriété à une société immobilière. La maison de Madame Élisabeth appartient au conseil général des Yvelines depuis 1984 ; l’orangerie, acquise par le département en 1997, sert de lieu d’expositions temporaires. L’habitation actuelle comprend un corps de logis rectangulaire de deux étages sur rez‑de‑chaussée flanqué de deux pavillons, avec une façade ornée d’un péristyle à quatre colonnes. De la maison d’origine subsiste la partie initialement acquise par les Guéméné et seulement trois pièces de l’appartement de Madame Élisabeth : la chambre où elle n’a jamais couché, le salon turc et la salle du clavecin ; certains éléments de décor sont des réemplois. Le domaine comportait autrefois une laiterie et une vacherie aujourd’hui disparues. Le parc est librement accessible. Les façades et toitures de l’ancienne orangerie font l’objet d’une inscription aux monuments historiques par arrêté du 23 octobre 1980.