Origine et histoire
Le Domaine de Segrez, implanté à Saint‑Sulpice‑de‑Favières (Essonne), s'articule autour d'une demeure construite en 1733. Commandée par André Haudry, cette maison de plaisance fut accompagnée d'un jardin à la française aménagé pour plus de 60 000 livres. À partir de 1747, un parc régulier fut réalisé autour du château avec bosquets, parterres, jets d'eau, bassins, pièce d'eau, miroir d'eau et réseau hydraulique. En 1782, le parc régulier fut transformé en jardin pittoresque de type « anglo‑chinois », comprenant notamment une grotte à deux salles ornée de coquillages du Pacifique. Le plan de ce projet figure aux Archives départementales de l'Essonne et les aquarelles du marquis d'Argenson, conservées à la Bibliothèque de l'Arsenal, documentent l'état du domaine au XVIIIe siècle. Une source captée par un tunnel maçonné dans le flanc de la montagne alimente un écoulement est‑ouest ponctué de cascades artificielles et d'un bassin, visible sur les vues anciennes. La comtesse de Blot, qui impulsa la transformation pittoresque, quitta Segrez lors de son émigration en 1792. Racheté en 1857 par Alphonse Lavallée, le domaine devint le cadre d'une ambitieuse entreprise botanique conduite par son fils Pierre‑Alphonse‑Martin Lavallée. Celui‑ci entreprit dès 1858 de rassembler « tous les végétaux ligneux cultivables à l'air libre » et, à partir de 1860, d'ordonner ses collections en établissant des écoles d'arbres en lignes, avec étiquetage et classement par famille. À son décès, le domaine comptait près de 6 500 taxons, couvrant pratiquement toutes les espèces ligneuses susceptibles de pousser en Île‑de‑France. En 1869, le château fut agrandi par l'adjonction de deux ailes latérales destinées à loger le personnel de l'arboretum. Les plantations de Pierre Alphonse Lavallée associaient des alignements serrés, organisés à des fins scientifiques, et des sujets d'ornement disséminés dans le jardin du XVIIIe siècle. Si de nombreuses écoles botaniques ont disparu, plusieurs arbres d'agrément remarquables subsistent et ont été classés Arbres Remarquables de France. Parmi ces sujets se trouvent des faux de Verzy, des Ptérocaréas hybrides (pterocarya x rhederiana), des hêtres pleureurs, des séquoias géants, ainsi que des marronniers, frênes et tilleuls de fort développement ; certains arbres hérités du XVIIIe siècle, tels que cyprès chauves, tulipiers de Virginie, ifs et alignements de platanes, sont également présents. Le jardin pittoresque et son arboretum ont reçu le label Jardin remarquable du ministère de la Culture. Le Domaine de Segrez, qui appartient au petit groupe des jardins pittoresques de la fin du XVIIIe siècle avec Ermenonville, le Désert de Retz, le Petit Trianon ou Méréville, se distingue par son bon état de conservation et par une composition paysagère privilégiant la mise en valeur des éléments naturels et des fabriques plausibles. Le site se situe au cœur de la vallée de la Renarde, classée depuis 1987. Le parc, les façades et toitures de l'ensemble des éléments bâtis ainsi que la grotte sont inscrits au titre des monuments historiques depuis le 13 janvier 2009. Marcel Proust séjourna brièvement à Segrez en avril 1895 chez Pierre Lavallée ; souffrant d'une crise d'asthme, il regagna Paris mais conserva le souvenir du lieu et rédigea une prose poétique, "Promenade", inspirée de ce séjour. Aujourd'hui, les collections botaniques du domaine continuent d'être enrichies, prolongeant l'histoire horticole et paysagère initiée aux XVIIIe et XIXe siècles.
